La question de la vaccination s’inviterait-elle dans les entretiens d’embauche ? C’est ce que Noré nous a raconté. Elle cherche un emploi comme barmaid ou serveuse. Elle s’est donc rendue à une journée de recrutement organisée à Verviers, dans le domaine de l’Horeca.
Elle a déjà de l’expérience dans le secteur, mais elle a du mal à se faire embaucher. Pourquoi n’a-t-elle pas encore trouvé ? Outre les inondations, elle évoque une autre raison : "C’est par rapport au vaccin, on n’est pas vaccinées, ce qui fait que beaucoup de personnes sont réticentes. C’est un vrai frein." Son amie Kimberley partage le même sentiment.
C’est par rapport au vaccin, on n’est pas vaccinées, ce qui fait que beaucoup de personnes sont réticentes. C’est un vrai frein.
La loi est pourtant claire : la question du statut vaccinal ne peut être posée lors d’un entretien d’embauche. Nathalie Denies, cheffe du service Soutien individuel chez Unia, l'institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l'égalité des chances, détaille : "La convention collective de travail 38 interdit à un employeur, dans le cadre du recrutement, de poser des questions qui ont trait à des données à caractère personnel. Les questions de santé en font évidemment partie."
Pas de distinction de traitement selon le statut vaccinal
Dans certains secteurs, comme celui de la petite enfance, rappelle Nathalie Denies, certains vaccins sont déjà imposés, mais concernant le Covid, il n’y a encore aucune loi qui rende la vaccination obligatoire. "Donc un employeur n’a jamais le droit de faire une distinction de traitement selon le statut vaccinal, que ce soit lors du recrutement ou dans une relation de travail." Ce serait discriminatoire.
Selon Thierry Neyens, président de la Fédération Horeca Wallonie, les employeurs de son secteur en ont bien conscience, et leur personnel adhère par ailleurs plutôt bien à la vaccination.
La réalité de terrain
Mais il souligne les difficultés du terrain. "Certains employés préfèrent travailler avec des collègues vaccinés. Par ailleurs, je connais un patron qui a dû fermer 10 jours à cause d’une contamination entre membres de son équipe. Or, certains ont déjà subi beaucoup de pertes après plusieurs mois de fermeture. Donc, bien sûr, la question ne peut pas être posée mais derrière cela il y a la réalité, une activité économique et des risques."
Bien sûr, la question ne peut pas être posée mais derrière cela il y a la réalité, une activité économique et des risques.
"Ça m'étonnerait que certains en fassent une condition d’embauche, poursuit le président de la fédération, mais par contre, poser la question pour mettre des protocoles en place, ça oui. J’ai des stagiaires qui arrivent de l’étranger, je leur ai posé la question. Parce que s’ils ne sont pas vaccinés, toute l’équipe ne va pas manger à la même table par exemple. Donc, si on pose une question c’est parce qu’on doit mettre en œuvre des procédures par rapport à un risque.”
Un objectif est légitime mais...
Si l’on suit le raisonnement de Nathalie Denies, pourtant, ce genre de pratiques constitue un traitement différencié : "L’objectif est légitime mais la question est de savoir
- Comment on a eu accès à cette donnée personnelle, est-ce qu’elle a été donnée de manière consentie, les employés n’étant pas obligés de transmettre des informations concernant leur statut vaccinal.
- Est-ce qu’on ne pourrait pas mettre en place d’autres mesures moins attentatoires, plus proportionnées : distances de sécurité, même à table, etc ?"
Dans l'événementiel
Du côté de l’agence intérim Manpower, on indique ne pas avoir été confronté à ce genre de questionnement dans l’Horeca mais plutôt dans l'événementiel. "Quand on engage pour un gros évènement où le Covid Safe Ticket est exigé, explique le porte-parole Marc Vandeleene, on ne pose pas de question au candidat sur son état vaccinal mais on lui signale qu’à l’entrée du stade, par exemple, il y aura un contrôle. Et donc, par nature s’il accepte le contrat, il sait qu’il devra soit se faire vacciner soit présenter un test négatif."
Le Covid Safe Ticket dans l'Horeca? Pour les clients? Pour le personnel?
A Bruxelles, le gouvernement discute toujours de la mise en place d’un Covid Safe Ticket dans le secteur Horeca. Pour les clients en tout cas. Qu’en est-il du personnel? Cela devra être décidé. "Mais si les travailleurs sont concernés, ce sera au fédéral de légiférer. Ca ne s’annonce pas simple", remarque Nathalie Denies (Unia).
Son institut appelle à la vigilance sur toutes ces questions. "Si on prend du recul, on voit une forme de polarisation qui est en train de se mettre en place dans la société, entre vacciné et non vacciné. Ce sera difficile de revenir en arrière."