C’est un argument de poids pour les opposants à la vaccination contre le nouveau virus : "le processus actuellement en cours est trop rapide et cela représente un danger".
Le vaccin contre le nouveau coronavirus pourrait être distribué après à peine un peu plus d’une année de l’apparition du Covid-19. Alors que l’élaboration d’un vaccin s’échelonne habituellement sur une période 10 à 15 ans, ces nouveaux vaccins arriveraient à peu près plus d’un an seulement après l’identification du SARS-CoV-2 (nom scientifique du Covid-19). Le vaccin développé le plus rapidement jusqu’à ce jour est le vaccin contre Ebola, qui a exigé cinq ans d’efforts.
Un délai déjà raccourci pour la production classique, mais voilà que de 10 à 15 ans, puis cinq ans, on passe maintenant à environ un an. Quelles sont les garanties que dans un délai aussi court, les précautions sanitaires nécessaires à l’injection d’un vaccin à une grande partie de la population soient respectées ?
- Des délais accélérés pour la production et la validation
Ce n’est pas un secret, l’enjeu financier de la mise sur le marché d’un vaccin contre le Covid-19 est majeur pour les entreprises pharmaceutiques engagées dans la course. Le coronavirus ayant des répercussions majeures sur la société et l’économie mondiale, les candidats au développement d’un tel vaccin sont nombreux, 47 projets sont d’ailleurs actuellement recensés par l’OMS.
Cette course contre la montre et le nombre de candidats ont activé le mouvement et les grands laboratoires ont mis en œuvre de gros moyens pour accélérer l’ensemble des procédures. L’expérience et la technologie permettent aujourd’hui d’avoir un processus bien plus rapide qu’auparavant.
Par ailleurs, les processus de développement du vaccin, des tests et de la production par les laboratoires se font en parallèle les uns des autres afin de réduire les délais.
Certaines étapes qui concernent la validation par les autorités sanitaires ont également été accélérées pour permettre une mise sur le marché européen plus rapide qu’en temps normal. "A partir du moment où le processus est fourni à l’agence européenne du médicament, elle s’engage à examiner ces données en priorité", explique Yves Van Laethem, le porte-parole interfédéral de la lutte contre le Covid-19.
- Des mesures pour assurer la sécurité
Le développement d’un vaccin se fait selon des phases et des procédures claires. Les sociétés Moderna et Pfizer, en sont à la phase III, la dernière étape avant fabrication sous licence du vaccin. Dans cette phase 3, il s’agit d’étudier l’efficacité et de repérer d’éventuels effets secondaires sur quelques dizaines de milliers de participants, comprenant un panel plus varié que lors des phases précédentes de 1000 à 10.000 personnes.
Ce n’est qu’après ce passage par des tests sur un grand échantillon de population que Pfizer a annoncé que son vaccin était efficace à 90%, alors que Moderna annonce encore mieux avec une efficacité de 94,5% suite à la troisième phase de développement.
►►► À lire aussi : Pfizer : ça veut dire, quoi, un vaccin "efficace à 90%"? Comment calcule-t-on ce chiffre ?
Les données issues de cette phase 3 vont maintenant être communiquées aux autorités compétentes en vue d’obtenir une éventuelle validation des autorités sanitaires. Ces producteurs de vaccins sont donc tenus de démontrer l’efficacité de leur produit et leur absence de toxicité aux doses envisagées pour générer une bonne protection.
Dans l’Union européenne, c’est l’Agence européenne des Médicaments qui est en charge de donner son feu vert ou non à la mise sur le marché d’un vaccin. L’EMA a d’ailleurs mis en place une procédure accélérée qui évalue les données dès qu’elles sont disponibles, ce qui permet donc "de gagner du temps sans compromettre la qualité de notre évaluation scientifique". Le vice-président de l’agence, Noël Wathion, assure que cette procédure plus rapide "ne change rien en ce qui concerne les standards qu’on utilise pour démontrer la qualité, l’innocuité et l’efficacité d’un vaccin".
- Deux procédures distinctes pour éviter le lobbying de l’industrie pharmaceutique
Noël Wathion précise qu’il y a par ailleurs deux procédures séparées du côté de l’Union européenne pour se fournir en vaccins, la procédure commerciale menée par la Commission européenne d’un côté et la procédure scientifique de l’autre, menée par l’Agence européenne du Médicament.
"Il n’y a aucune interaction entre les deux", explique le président du comité directeur du Covid-19 au sein de l’EMA. Un contrat commercial signé par la Commission ne veut donc pas nécessairement dire que l’Agence donnera son autorisation. "On est complètement indépendants", ajoute Noël Wathion.
Si les négociations commerciales sont pilotées par la Commission européenne, qui a déjà conclu trois contrats avec AstraZeneca, Sanofi et Johnson & Johnson pour une précommande de 800 millions de doses, et plus récemment avec CureVac, les Etats membres seront également libres de passer commande pour l’un ou l’autre vaccin validé par l’EMA.
Malgré ce cadre, il est néanmoins clair qu’il y aura très peu de recul sur ces nouveaux vaccins, développés et commercialisés en un temps record. Des questions se posent encore, notamment sur l’efficacité de ces nouveaux vaccins sur le long terme, comme l’indiquent nos confrères du Monde.