Coronavirus

Coronavirus : Omicron est-il notre meilleur booster ?

Vaccine for the Omicron variant of the Covid-19 virus

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Par Johanne Montay

C’est sans doute une question récurrente parmi vos proches : vu la circulation élevée du variant Omicron et étant donné sa moindre virulence que Delta, devons-nous faire une 3e dose, un booster, si nous avons été infectés ?

Première réflexion : chaque contact avec le virus est un nouveau stimulant de notre immunité, comme l’explique Jean-Michel Dogné, directeur du Département de pharmacie de l’UNamur et expert à l’Agence européenne des Médicaments et au comité mondial de sécurité vaccinale de l’Organisation Mondiale de la Santé : " On sait qu’une infection après la fin d’une vaccination (2 doses), y compris par Omicron aura certainement un effet de rappel. Ce qui compte, quelque part, c’est d’avoir été en contact 3 fois avec cette fameuse protéine Spike, et de façon aléatoire, avec cette infection, cela peut jouer cet effet de rappel."

Si malgré vos deux doses, vous avez été, comme beaucoup, infectés, vous avez donc "gagné" l’intérêt d’être réexposé à un antigène, celui d’Omicron et de rebooster momentanément votre réponse immunitaire. Mais… Lisez la suite, car votre machine à anticorps n’est pas celle du voisin, face à l’immunité dite "naturelle", après 2 doses de vaccins ; compter sur Omicron comme booster – officiel – de la Cour SARS-CoV-2, si on peut sourire un peu de ce label, serait voir à très court terme.

Pas égaux devant Omicron

Après une infection, les niveaux d’anticorps que chacun atteint peuvent considérablement varier, d’une personne à l’autre. C’est la raison pour laquelle aller au bout de son schéma vaccinal est toujours recommandé.

Comme l’explique Jean-Michel Dogné, "on a des données qui montrent une variation individuelle importante : on a des personnes qui vont répondre mieux ; d’autres, moins bien à cette infection. C’est la raison pour laquelle le Conseil supérieur de la Santé est resté sur sa position : lorsqu’il a parlé de "booster", avec le variant Delta, mais également avec le variant Omicron, c’est de recommander qu’un rappel vaccinal soit effectué indépendamment des antécédents d’infection par le Covid-19 et quel que soit le variant, au moins 14 jours après la guérison d’un Covid-19 si on a été symptomatique ou 14 jours après un test positif PCR si on n’a pas eu de symptômes.

Certains médecins recommandent d’attendre 2 mois, 3 mois après l’infection. La période de 14 jours est donc vraiment une période minimum qui peut aller jusqu’à 2, 3 mois.

Cette grande variabilité est confirmée par Eric Muraille, Maître de recherches au FNRS, biologiste et immunologiste (ULB, UNamur) "en fonction de la sévérité de l’infection, notamment. Le consensus pour les immunologistes est de privilégier la vaccination sur laquelle maintenant on a une perspective assez longue, sur un très grand nombre de doses distribuées dans le monde. Lors d’une vaccination, tout le monde reçoit la même dose, qui a été identifiée comme optimale pour induire une protection chez un maximum d’individus. Alors que lors d’une infection naturelle, en fonction de l’immunité de l’individu, déjà un premier vaccin, ou des contacts avec d’autres variants, on va avoir une réponse immunitaire très très différente d’un individu à l’autre, une charge virale très différente, et donc l’induction d’une protection très différente."

Sophie Lucas, immunologiste à l’Institut de Duve (UCLouvain), confirme cet intérêt du booster malgré une infection suivant la primo-vaccination : " L’intérêt de la 3e dose de vaccin qu’on propose à tout le monde, c’est qu’en fait, elle pourrait rebooster encore plus notre immunité et la préparer encore mieux contre des variants à venir dont on ne sait pas de quels antigènes ils vont être constitués. On rebooste cette réponse immunitaire d’une manière très standardisée et très efficace. Les réponses aux vaccins sont beaucoup plus homogènes, d’un individu à l’autre, que celles à l’infection. Je pense qu’il y a un intérêt à faire cette 3e dose, malgré une infection précédente. On va enrichir la réponse "anticorps" qu’on est capable de monter. En mélangeant les antigènes (vaccinaux et liés à l’infection) on contribue à enrichir cette réponse immunitaire qui pourrait mieux nous protéger contre des variants à venir dont on ne connaît pas la nature antigénique encore aujourd’hui, puisqu’ils n’ont pas encore émergé."

Par ailleurs, Sophie Lucas ajoute qu’il y a encore beaucoup d’incertitudes sur le niveau de protection apporté par une infection avec Omicron : "La vague Omicron est bien trop proche de nous pour savoir si son reboost de l’immunité induite par une infection est supérieure, équivalente, ou inférieure en termes d’intensité par rapport à une 3e dose de vaccin. C’est beaucoup trop tôt pour le dire", ajoute-t-elle.

Pourquoi ne pas mesurer les niveaux d’anticorps ?

Il n’y a pas un "seuil" défini d’anticorps qui serait suffisant ou nécessaire. Jean-Michel Dogné estime qu’il serait en l’état actuel des choses vain de les mesurer car " ces données de variabilité interindividuelles sont difficiles à identifier. On sait par ailleurs que ceux qui voudraient s’amuser à mesurer des titres d’anticorps pour décider d’une dose de rappel, aujourd’hui, ce n’est pas encore clair, ce n’est pas encore recommandé, en tout cas au niveau belge. Par ailleurs, si on le faisait, les titres anticorps d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes que dans un mois, va-t-on faire une remesure de ces titres tous les mois, tous les deux mois ? Donc, par souci de pragmatisme, d’efficacité et de simplicité, il est recommandé de faire cette dose de booster pour que chacun ait de nouveau ce boost d’efficacité du vaccin sur la production d’anticorps et la réponse immunitaire."

Cette absence de connaissance approfondie dans notre population, l’immunologiste Eric Muraille la regrette : "On manque encore d’informations. On a des études, mais qui ne sont pas forcément réalisées en Belgique. Et sachant qu’en Belgique, nous avons une population qui est spécifique, si on la compare, par exemple, à la population israélienne ou à une population d’Afrique du Sud, on gagnerait à avoir un suivi des populations dans nos pays qui ne soit pas uniquement dépendant des hospitalisations. Il nous manque beaucoup de données sur les gens asymptomatiques qui sont infectés mais qui ne développent pas la pathologie."

Trop pour le système immunitaire ?

La crainte, chez les personnes déjà vaccinées et ensuite infectées par Omicron, pourrait être de rencontrer des effets secondaires plus importants, après l’administration d’une 3e dose. Mais d’après Jean-Michel Dogné, cela n’a pas été observé. Il faut s’attendre aux effets indésirables classiques, mais pas à un effet délétère sur le système immunitaire. La seule réserve étant d’attendre au moins 14 jours entre l’infection et le booster, comme précisé ci-dessus.

Notre système immunitaire en voit d’autres, tous les jours. "Il est stimulé en permanence par des millions d’antigènes qu’il rencontre dans son environnement", explique Sophie Lucas. "Il est conçu pour être capable, en permanence, de réagir à ces antigènes. Il ne faut pas redouter cette surstimulation du système immunitaire, cela n’a pas beaucoup de sens".

Pourquoi ne pas attendre un vaccin "Omicron" ?

Les firmes Pfizer et Moderna préparent une version de leur vaccin adaptée à Omicron. Pourquoi dès lors, ne pas attendre ? D’abord, parce qu’elles ne seront pas disponibles avant le printemps ou l’été. Ensuite, parce qu’on a constaté que les vaccins existants, développés sur la base de la version originale du virus restent efficaces, quel que soit le variant, contre les formes sévères. "Attendre est une prise de risque qui n’a aucune forme de justification", estime l’immunologiste Eric Muraille. "On sait que le boost a un impact sur la reconnaissance d’Omicron. Il protège raisonnablement contre ce variant-là. Donc, il peut être utilisé dès maintenant pour se protéger."

On voit aujourd’hui, y compris pour les plus de 65 ans, que le booster rajoute une couche de protection supplémentaire contre les hospitalisations. On ne sait pas, par ailleurs, si les personnes infectées aujourd’hui par Omicron, ne le seront pas dans le futur par une autre souche, par exemple celui qu’on appelle déjà le "petit frère" d’Omicron, le sous-variant BA.2. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit au Danemark.

Même si notre optimisme nous mène à penser qu’Omicron pourrait être le bout du tunnel, le réalisme prête aussi à anticiper que d’autres variants pourraient encore apparaître.

Enfin, pour des raisons pratiques, les centres de vaccination resteront ouverts probablement jusqu’à fin mars, et il sera plus facile d’obtenir sa 3e dose maintenant qu’une fois les centres fermés, même si cela sera toujours possible.

Ne pas jouer à Omicron

Il ne faut en tout cas recommander à personne de se faire infecter naturellement par Omicron pour espérer avoir une meilleure protection que la vaccination. Cela revient à jouer à la roulette russe quant aux risques d’hospitalisation.

A la différence du vaccin, l’infection entraîne un risque de formes sévères. L’immunité hybride, à savoir une exposition via l’infection, et une protection par les vaccins peut être intéressante. Mais dire que l’infection elle-même donne une meilleure immunité que le vaccin est de la désinformation. Car une exposition via un vaccin donne une quantité standardisée d’antigène, et non soumise à variabilité en fonction de l’intensité de l’infection.

Obligation vaccinale: JT 05/02/2022

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