Qatargate

Corruption au Parlement européen : Pier Antonio Panzeri devant la chambre des mises en accusation ce mardi

Pier Antonio Panzeri, eurodéputé socialiste italien, entre 2004 et 2019.

© Belga

C’est ce mardi que Pier Antonio Panzeri passe devant la chambre des mises en accusation. L’ancien eurodéputé italien, soupçonné de corruption pour le compte du Qatar et du Maroc, devrait savoir d’ici la fin de la journée s’il reste ou non en détention préventive.

Depuis que les révélations sur ce scandale de corruption présumée au sein du Parlement européen ont éclaté, Pier Antonio Panzeri apparaît de plus en plus comme le personnage central du dossier. Tout est parti d'une enquête ouverte en 2018 par la Sûreté de l’Etat sur des soupçons d’ingérence du Maroc en Belgique, notamment au sein du Parlement européen.

Lors de ces investigations, un nom retient l’attention des enquêteurs, celui de Pier Antonio Panzeri. Cet ancien eurodéputé socialiste italien, dont le mandat s'étendait de 2004 à 2019, présidait la commission Maghreb ainsi que la sous-commission des droits de l’homme du Parlement.

Panzeri est un proche d’Abderrahim Atmoun, aujourd'hui ambassadeur du Maroc en Pologne. Comme le précisaient Le Soir et les journaux flamands De Morgen et De Standaard, des écoutes téléphoniques entre Panzeri, sa femme et sa fille évoquent des cadeaux du diplomate marocain. Plusieurs voyages au Maroc réunissant Panzeri, Atmoun et l’eurodéputé André Cozzolino sont également dans le collimateur de la justice.

Marc Tarabella, eurodéputé socialiste belge, en fonction depuis 2009.
Marc Tarabella, eurodéputé socialiste belge, en fonction depuis 2009. © Belga

En 2014, puis en 2017, l’eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella a également effectué deux voyages au Maroc. Le premier lors de la coupe du monde des clubs en 2014, avec Panzeri. Le deuxième en compagnie de Panzeri et Atmoun. Ils ont participé à une réunion du PAM, le parti marocain Authenticité et Modernité, dont Atmoun est une figure influente.

Une organisation non gouvernementale qui sent le souffre

Les investigations se concentrent également sur l’ONG Fight Impunity fondée en 2019 par Pier Antonio Panzeri. Cette organisation non gouvernementale serait l’instrument utilisé par l’eurodéputé pour corrompre les eurodéputés voire pour blanchir l’argent en provenance du Maroc. Aucun bilan financier de l’ONG n’est disponible.

Pier Antonio Panzeri, est, nous dit-on, un homme affable, avec un talent notable pour la sociabilisation. Au cours de ses trois mandats au Parlement européen, entre 2004 et 2019, et même s’il ne parle que l’italien, il s’est créé un large réseau qu’il a su mettre à profit.

Son ONG, Fight Impunity, créée en 2019, était parrainée par des personnalités de haut rang comme le prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, l’ancienne cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini ou l’ancien Premier Ministre français, Bernard Cazeneuve, pour ne citer qu’eux.

Eva Kaili, eurodéputée inculpée de participation à une organisation criminelle, corruption et blanchiment d’argent.
Eva Kaili, eurodéputée inculpée de participation à une organisation criminelle, corruption et blanchiment d’argent. © Eric VIDAL / EUROPEAN PARLIAMENT / AFP

En poursuivant ses investigations, la Sûreté découvre que Pier Antonio Panzeri ne serait pas seulement corrompu par le Maroc pour influencer les décisions du Parlement européen, mais également par le Qatar, notamment pour adoucir le discours sur les droits humains bafoués lors de l’organisation de la coupe du monde.

Dans ce cadre-là, des liens apparaissent entre Pier Antonio Panzeri et Francesco Giorgi, un assistant parlementaire italien qui est le compagnon de l’eurodéputée grecque Eva Kaili, l’une des 14 vice-présidents du Parlement européen. Autre lien suspect, celui de Panzeri avec Nicolo Figa Talamanca qui dirige l’ONG No Peace without Justice dont les bureaux se trouvent à la même adresse bruxelloise que Fight Impunity.

Plus d'un million et demi d'euros en argent liquide saisis par la police fédérale.
Plus d'un million et demi d'euros en argent liquide saisis par la police fédérale. © Tous droits réservés

Le 9 décembre dernier, plusieurs perquisitions sont menées à Bruxelles, notamment au domicile de Pier Antonio Panzeri, au siège de son ONG, ainsi que chez le couple Kaili/Giorgi et à l’hôtel Sofitel où se trouve le père de ce dernier. Les policiers mettent la main sur un million et demi d'euros en argent liquide.

Pier Antonio Panzeri, Francesco Giorgi, Eva Kaili et Nicolo Figa Talamanca sont placés en détention préventive. Ils sont inculpés de participation à une organisation criminelle, corruption et blanchiment d’argent.

Lors de son troisième et dernier mandat au Parlement européen, entre 2014 et 2019, Pier Antonio Panzeri a occupé le poste de Président de la sous-commission " Droits de l’homme ". Un poste occupé ensuite et jusqu'à hier par Marie Arena qui vient de présenter sa démission.  Aucune charge n’est retenue contre l'eurodéputée belge et aucun devoir d’enquête la visant n’a été effectué.

Un manque de transparence évident

Le souci, c'est que depuis 2021, pour être invitée au sein du Parlement européen, une ONG doit s’inscrire au registre européen de transparence. Ce registre est une base de données qui reprend les organisations qui font du lobbying, qui cherchent à influencer les politiques de l’Union européenne. Ces organisations y déclarent quels sont les intérêts qu’elles défendent, le nombre de personnes qui y travaillent, le montant de leur budget.

Or Fight Impunity ne figure pas dans ce registre de transparence. Pire, l’ONG n’a jamais publié ses comptes annuels, comme l’exige pourtant la loi belge sur les ASBL.

Il y a clairement un manque d'encadrement des activités des députés, de leurs intérêts, de comment ils s'associent à d'autres intérêts dans l'exercice de leur mandat.

Avec le recul, quand on sait que Fight Impunity a probablement joué un rôle central dans cette affaire de corruption, ces collaborations posent question.

Georges Riekeles est directeur associé au European Policy Center, un centre d'études européens. Pour lui, le Parlement européen et ses membres ont manqué de jugement et la faiblesse des règles de transparence européennes est évidente. "D'une part, on voit qu'une association comme Fight Impunity qui, normalement, devrait être sujette à l'obligation d'enregistrement pour accéder au Parlement européen, ne l'était pas. Et pourtant, même dans ces conditions, le service de recherche même du Parlement européen coorganisait des conférences avec cette association, Fight Impunity. Donc c'est un exemple de non-application des règles. Après, je trouve qu'il y a clairement un manque d'encadrement des activités des députés, de leurs intérêts, de comment ils s'associent à d'autres intérêts dans l'exercice de leur mandat et c'est aussi quelque chose que révèle très clairement, cette crise. Oui."

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