Coupe du Monde 2022

Corruption présumée au Parlement européen : l’évolution du discours de l’eurodéputé Marc Tarabella par rapport au Qatar

Corruption présumée au Parlement européen : l’évolution du discours de l’eurodéputé Marc Tarabella par rapport au Qatar

© Getty Images et RTBF

À quelques jours de la fin de cette Coupe du Monde qatarie, quatre personnes ont été placées sous mandat d’arrêt. Elles sont soupçonnées d’appartenir à une organisation criminelle, de blanchiment d’argent et de corruption. Une vaste enquête de la justice belge, impliquant le Qatar, qui fait trembler le Parlement européen sur ses fondations, depuis plusieurs jours.

16 perquisitions ont été menées en région bruxelloise, lors desquelles "environ 600.000 euros en liquide" et "du matériel informatique et des téléphones portables" ont été trouvés. Le Qatar est ainsi soupçonné d'"influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, en versant des sommes d’argent conséquentes ou en offrant des cadeaux importants". Des cadeaux et avantages offerts en vue d’améliorer la réputation de cet État du Golfe, décriée en matière de droits humains et de traitement des travailleurs étrangers.

Parmi les personnes visées par l’enquête figure le Belge Marc Tarabella. Depuis cette annonce, les prises de position du socialiste interpellent davantage. Celui qui dénonçait il y a dix ans l’attribution de la Coupe du Monde au Qatar par la FIFA, n’a eu de cesse de défendre ces derniers mois les avancées du pays, notamment en matière de droits des travailleurs.

Le Qatar "sur la voie des réformes"

Pendant neuf ans, il n’y a plus rien eu comme résolution pour la simple raison […] qu’il y a eu des progrès sur le droit des travailleurs.

"Il y a tout juste neuf ans, nous votions une résolution sur la situation déplorable des travailleurs au Qatar. Pendant neuf ans, il n’y a plus rien eu comme résolution pour la simple raison […] qu’il y a eu des progrès sur le droit des travailleurs. Alors, certes, évidemment, la situation n’est pas parfaite au Qatar aujourd’hui, loin de là. Il y a encore beaucoup de progrès à faire, mais c’est quand même le pays qui s’est engagé sur la voie des réformes", a-t-il avancé en session plénière à Strasbourg le 21 novembre dernier.

Pour preuve, la Kafala - système selon lequel les travailleurs devaient avoir une sorte de "parrain" local et obtenir une autorisation de sa part pour changer d’emploi ou quitter le pays -, a été abandonnée"C’est quand même le seul pays de la péninsule arabique qui l’a fait", note le socialiste. Tout comme le fait d’instaurer le salaire minimum, le versement sur un compte bancaire, ainsi que l'"organisation de concertations au sein des entreprises, même si les syndicats ne sont toujours pas autorisés aujourd’hui".

Ce qui importante pour Marc Tarabella, c’est qu’une fois "les lumières de la Coupe du Monde éteintes, l’évolution positive continue non seulement au Qatar, mais qu’elle puisse faire tache d’huile dans tous les pays de la péninsule arabique. Je le rappelle, s’il y a deux millions de travailleurs migrants au Qatar, il y en a quarante millions dans toute cette zone et ils méritent tous un sort bien plus favorable demain qu’aujourd’hui."

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Certains collègues voient une image vieille d’il y a dix ans, alors qu’il faut regarder l’évolution et l’apprécier à sa juste valeur.

Et d’ajouter une semaine plus tôt en sous-commission sur les droits humains : "Ce que j’accuse aujourd’hui, c’est que certains collègues voient une image vieille d’il y a dix ans, alors qu’il faut regarder l’évolution et l’apprécier à sa juste valeur, en invitant le Qatar à continuer les efforts après parce qu’évidemment ils le disent eux-mêmes, la situation n’est pas parfaite là-bas".

Tenir un discours uniquement négatif et ainsi nier les quelques avancées revient, selon l’ancien syndicaliste, à "donner les arguments aux conservateurs là-bas qui ont envie de ne rien changer". Il dénonce donc une "espèce de populisme de gauche", qui "déforce ceux qui ont envie de faire changer les choses".

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De l’argent plein les poches et du sang sur les mains

Des propos qui contrastent avec le discours que le vice-président de la commission parlementaire pour la péninsule arabique tenait, il y a encore quelques années.

À l’époque, Marc Tarabella ne manquait en effet pas de souligner le non-sens de l’attribution de la Coupe du Monde au Qatar. "Non seulement parce qu’il fera 50 degrés en été, qu’on nous parle de stades climatisés. À l’heure où on essaie de lutter contre le réchauffement climatique, c’est un peu paradoxal. Et surtout, ce qui m’a beaucoup ému, c’est le fait qu’il y ait déjà plus de 1200 ouvriers morts sur les chantiers destinés à préparer cette Coupe du Monde 2022. Ça veut dire qu’il y a plus d’ouvriers morts sur les chantiers au Qatar que de joueurs qui vont jouer cette Coupe du Monde", peut-on l’entendre dire dans une vidéo postée en 2015 sur sa chaîne YouTube. "Un rêve malheureusement transformé en cauchemar pour beaucoup de gens."

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Face aux scandales à répétition de la FIFA, le socialiste est rarement resté muet. Le 31 mai 2015, Marc Tarabella soulignait en effet le manque de transparence dans la gestion de ladite fédération. "Quand on voit cette addition de scandales, des révélations qui mettent en cause l’attribution de la Coupe du Monde 98, que peut-être des matches ont été truqués avec la Corée du Sud en 2002, la coupe est pleine. Il faut clairement changer le système", réagissait-il lors de l’émission Controverse de nos confrères de RTL TVI.

Plus encore, il s’insurgeait contre la corruption dans le milieu du football. "Monsieur Blatter (à l’époque président de la FIFA, ndlr) et la majorité de son comité exécutif sont des gens qui se sont mis de l’argent plein les poches et qui ont du sang sur les mains. Et je parle clairement du Qatar en 2022."

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Un avant-après questionnable

Si ce changement de discours peut être défendu par l’évolution du pays notamment par la mise en place de diverses réformes, il pose tout de même question, car le nombre de travailleurs décédés sur les chantiers qataris n’a fait qu’augmenter depuis lors. On en compterait 6500.

Et alors que tout travail en plein air est interdit entre 10 heures et 15h30 de juin à septembre depuis l’été 2021 et que le salaire doit être versé sur un compte bancaire, "des milliers de travailleurs sont encore confrontés à des difficultés telles que le retard ou le non-paiement des salaires, la privation de jours de repos, les conditions de travail dangereuses, les difficultés pour changer d’emploi et l’accès limité à la justice", indique Amnesty International.

Malgré certaines avancées, force est de constater que les abus restent donc monnaie courante dans cet État du Golfe. D’où l’intérêt de sans cesse les rappeler et les mettre en lumière, n’en déplaise à Marc Tarabella.

À ce stade, le bourgmestre d’Anthisnes n’a pas encore été auditionné par la justice belge. "La justice fait son travail d’information et d’enquête, ce que je trouve tout à fait normal. Je n’ai absolument rien à cacher et je répondrai à toutes les questions, cela va de soi si cela peut les aider à faire toute la lumière sur cette affaire", a commenté l’eurodéputé socialiste et, à ce titre, membre du groupe S&D au Parlement européen.

Présumé innocent, il sera par ailleurs entendu par le Parti socialiste ce 13 décembre.

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Sujet JT du 12 décembre 2022 :

Tarabella / Des propos interpellants

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