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Cosmopaark : "Pour faire du shoegaze, on n’a pas forcément besoin d'être dépressif"

Cosmopaark, la nouvelle relève de la scène shoegaze.

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Par Renaud Verstraete

Sortez les grosses guitares, les ambiances rêveuses et les longsleeves, le shoegaze fait son grand retour dans vos playlists !

Si The Haunted Youth a fait chez nous une entrée fracassante l’année dernière, en France, c’est au tour de Cosmopaark d'emprunter les pas de DIIV, Froth et consorts. Leur premier album and I can’t breathe enough est une véritable réussite, oscillant entre des couplets sirupeux qui sentent bon la nostalgie et des refrains aux guitares abrasives à la Kevin Shields. Rencontre avec Clément (guitare/chant), Simon (basse) et Baptiste (batterie) qui incarnent à eux trois la relève du shoegaze français.

Hello les gars, votre premier album and I can’t breathe enough vient tout juste de sortir. Comment vous sentez-vous ?

Clément : On est très heureux ! On a hâte de retourner sur les routes pour partager ces nouveaux morceaux. On fête la sortie d’album à Bordeaux et à Paris et puis on enchaîne avec une tournée de quelques dates en France et en Belgique !

Cosmopaark avec deux "a", c’est purement graphique ou il y a une vraie intention là derrière ?

Clément : Non, c’est vraiment graphique. Je ne sais pas pourquoi on a fait ça vraiment (rires).

Baptiste : Je pense qu’à la base, c’était pour être sûr qu’il n’y ait pas un autre groupe qui porte le même nom. Quoiqu’il arrive, personne n’écrira jamais ça comme ça (rires).

C’est drôle parce que vous avez récemment joué avec le groupe Park

Clément : On a joué avec Cosse aussi !

Simon : Apparemment, c’était même un "running gag" dans la salle où on a joué. Ça faisait beaucoup marrer le programmateur (rires).

Vous êtes inspirés par la musique shoegaze des années 90, est-ce que vous avez l’impression qu’il y a un renouveau du genre pour le moment ?

Clément : J’ai l’impression que quand My Bloody Valentine est revenu, tout le monde est un peu revenu au shoegaze. Il y a eu une vague mais ça reste un truc underground. Je ne pense pas que le shoegaze sera un jour sur le devant de la scène mais c’est vraiment cool de voir émerger une nouvelle génération de groupes.

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A l’écoute de votre album, on passe constamment de passages planants plutôt dream pop à un côté noise prononcé. C’est important pour vous de jouer sur ces contrastes ?

Clément : Quand on a commencé Cosmopaark, c’était vraiment ce qu’on voulait faire ; avoir des gros contrastes avec des gros refrains et puis des couplets tout timides. Je pense qu’avec Baptiste, on a découvert ça dans nos projets précédents et ça a été une vraie révélation. Après on a fini par en abuser (rires).

Simon : C’est important les contrastes. Si tu mets plein de réverb partout, on risque de rien capter. Alors que si tu enchaînes un passage méga sec avec une partie méga réverbérée à côté, les deux aspects vont avoir du sens en fait. C’est ce qu’on recherche, cette espèce de fluidité entre plusieurs sons.

Est-ce que c’est un piège, quand on fait la musique noise ou shoegaze, de vouloir aller trop dans les extrêmes ?

Clément : En fait, je pense que la sensation auditive qu’on a ne correspond pas vraiment à la réalité. Par exemple My Bloody Valentine, on a l’impression que c’est full réverb/disto mais au final pas tant que ça. La voix est assez dry, les guitares aussi même s’il y a plein de fuzz. Quand on met trop d’effet, on perd toute la dynamique, ça devient une bouillie et on perd le côté frontal du style.

Simon : Je vais utiliser un terme qui est assez fort, mais je pense que la réverb dans le shoegaze, elle est méga surcotée. En fait pour moi le shoegaze, c’est devenu plus un sentiment, tu vois, une espèce de feeling. Aujourd’hui, tout le monde s’empare de ce feeling et le réinterpréte à sa sauce dans des styles différents. La réverb, c’est un peu cliché, ça a été utilisé par Slowdive mais il y a plein de groupes de shoegaze qui s’en sont affranchis.

En fait, avec Baptiste, on joue ensemble depuis tellement longtemps que je l’entends jouer dans ma tête lorsque je fais de la guitare.

Vous êtes un trio, comment se passe la composition ? Est-ce que les textes précèdent parfois la musique ?

Clément : La plupart du temps les morceaux viennent de moi à la base. Je compose dans ma chambre et je n’écris jamais les textes en premier. C’est souvent des guitares, puis des mélodies de voix en yaourt (rires). Ce qui est marrant, c’est que j’ai souvent des idées de batterie en tête. En fait, avec Baptiste, on joue ensemble depuis tellement longtemps que je l’entends jouer dans ma tête quand je joue de la guitare (rires). Je me dis : "Je suis sûr que lui ferait ça". J’enregistre des démos et puis on affine les morceaux tous ensemble.

Est-ce tu te projettes déjà sur scène en écrivant ?

Clément : Cela dépend du mood dans lequel je suis. J’aime aussi faire des morceaux que je peux écouter dans mon lit au casque le soir et apprécier dans ces moments-là. Parfois dans un même morceau, j’aime avoir des passages contemplatifs et puis hop une grosse guitare qui ramène l’énergie de la scène.

La pochette du premier album de Cosmopaark, "and I can’t breathe enough" sorti le 20 janvier dernier chez Howlin' Banana Records et Flippin' Freaks.
La pochette du premier album de Cosmopaark, "and I can’t breathe enough" sorti le 20 janvier dernier chez Howlin' Banana Records et Flippin' Freaks. © Suji Park

Le shoegaze est une musique qui est souvent associée à l’expression de sentiments. Est-ce que vous voyez la musique comme un espace libérateur ?

Clément : Pour faire du shoegaze, on n’a pas besoin de forcément être dépressif ou de parler de trucs intimes (rires). Mais pour moi, la musique c’est un espace personnel où on est libre de faire ce que l’on veut et d’exprimer tout ce que l’on ressent. Pour ce premier album, j’avais envie d’être un peu plus cru et d’exprimer mes sentiments de manière plus frontale.

Simon : L’album parle de choses hyper sombres malgré le fait que la musique soit assez solaire. C’est assez surprenant et plus profond que ça en a l’air. Et c’est justement ce contraste qui est intéressant !

On retrouve finalement cette dualité dans la pochette du disque qui est très contemplative…

Clément : La pochette a été réalisée par une artiste qui s’appelle Suji Park.

Simon : Comme quoi il y avait déjà Park dedans (rires).

Baptiste : C’est une photographe coréenne qui habite en France. Elle fait des trucs vachement intéressants !

Vous avez également réalisé des clips maison, comme celui de "Haunted House". C’est important pour vous d’envisager le projet sous toutes ses facettes ?

Clément : Honnêtement ? C’était un peu une question de budget (rires). Mais c’est super cool de pouvoir concevoir le projet dans son ensemble.

Simon : D’autant plus que la musique que l’on fait est hyper visuelle. Il y a quand même un côté cinématique dans le shoegaze. Les ambiances, les textures font parfois vraiment référence au cinéma. C’est trop cool de ne pas considérer la musique uniquement via le son et de pouvoir l’utiliser pour suggérer des images et des émotions.

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Est-ce que le cinéma vous inspire ? Est-ce que vous composez parfois en partant d’une image, d’une scène, de choses que vous observez au quotidien ?

Clément : Ça nous arrive oui. Sur l’album il y a un morceau qui s’appelle "Backseat" et le début du morceau décrit une scène avec quelqu’un qui est allongé sur la plage arrière de la voiture. Le premier morceau de l’album "Concrete Plans", c’est aussi un morceau qui dépeint un moment précis que j’avais dans la tête : Ce genre de mood où tu es dans ta chambre, le soleil vient de se lever, il y a un peu de lumière à travers la fenêtre et la fatigue t’envahit. Ça m’arrive d’essayer de capturer des instants comme ceux-là dans notre musique.

Simon : Il y a des tracks dans l’album que j’imaginerais bien illustrer des montages avec des films hyper romantiques (rires). Je pense à des films de Wong Kar-wai, genre "Chunking Express" ou "In The Mood for Love" et tout. Je verrais trop des vidéos amateurs avec des sons de Cosmopaark et des montages de ces films-là. Il y a un peu ce côté romantique et crève-cœur à la fois.

Le nom de votre groupe est également tiré d’un film...

Clément : Oui, enfin juste une partie. J’aime beaucoup Gus Van Sant et un film qui s’appelle "Paranoid Park". J’aime bien l’ambiance de ce film. Il me fait un truc bizarre (rires). C’est le genre de film lent et confus. Il y a des scènes qui apparaissent deux fois ou qui ne sont pas dans le bon ordre. On s’était dit que "Paranoid Park" pouvait être une bonne inspiration pour le projet. Je me souviens qu’on avait même regardé les dialogues du film. On avait cherché des trucs rigolos et puis finalement on a juste gardé le "park" dans le nom du groupe.

Cosmopaark en concert sur la scène du Krakatoa à Mérignac.
Cosmopaark en concert sur la scène du Krakatoa à Mérignac. © Jessica Calvo

Des découvertes récentes à partager ?

Clément : En ce moment, j’écoute pas mal le dernier album de Sorry. On a beaucoup aimé le dernier album de Just Mustard aussi. On a eu l’occasion de jouer avec eux à Paris au Supersonic.

Simon : On en parlait justement récemment entre nous mais les textures et les sons qu’ils sortent de leurs guitares, c’est vraiment impressionnant !

Clément : On peut aussi faire un coucou à Teeth. Ce sont des potes à nous de Bordeaux qui font de l’indie rock à la Pixies. Ils ont sorti un album fin 2022 sur Flippin' Freaks et il est super bien !

Le premier album de Cosmopaark and I can’t breathe enough est sorti le 20 janvier dernier sur les labels Howlin' Banana Records et Flippin' Freaks.

Le groupe sera en concert le 6 février prochain au Chaff à Bruxelles.

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