Pourquoi elle se braque pour un choix de couleur
Au Parlement bruxellois, l’opposition monte au créneau. Le FDF, aujourd’hui DéFI, n’a pas de mots assez durs pour attaquer la ministre Grouwels et son plan. Didier Gosuin, député, réclame l’abrogation du texte et dénonce la provocation communautaire. Il déclare aussi : "Nous critiquons clairement le choix de l’identité visuelle. Mettre un damier jaune et noir sur les voitures nous choque sur le plan de la symbolique. L’alternance du jaune-mangue et du noir sur un damier n’a rien de neutre."
Repris par la DH, il ajoute : "Nous ne comprenons pas pourquoi elle se braque pour un choix de couleur, un film plastique qui endommagera les véhicules des indépendants alors que le secteur taxis rencontre d’autres problèmes plus graves à nos yeux, tels que le respect de l’emplacement de parking, l’usage des bandes bus, l’absence de fonds de commerce valorisable dans le secteur ou la possible invasion des taxis de la périphérie."
La suppression des couleurs de Bruxelles
Le MR bruxellois enchaîne : "Nous ne sommes évidemment pas contre le principe d’une identité visuelle pour les taxis bruxellois, mais supprimer celle qui existe déjà sur les spoutniks, à savoir le bleu et le jaune qui sont les couleurs de la Région et aussi celles de l’Europe pour les forcer les taximen à maquiller leur véhicule d’une bande adhésive à damiers jaunes/mangues et noires est une aberration. En Belgique, les couleurs ont un sens. Le jaune et le noir, ce sont les couleurs de la Flandre, pas celles de la Région bruxelloise… Interdire aux taxis de porter les couleurs régionales est inacceptable."
Brigitte Grouwels vacille mais ne rompt pas : en septembre 2011, les taxis passeront au damier, comme prévu dans le projet. Les récalcitrants plient.
C’était une bonne idée avec le recul
Dix ans plus tard, plus personne (ou presque) ne critique l’idée. Les opposants de la première heure reconnaissent avoir eu tort. Khalid Ed Denguir, un des nombreux représentants du secteur, reconnaît aujourd’hui : "On était opposé au début. Le but était de différencier les taxis bruxellois des véhicules venant d’autres régions du pays à Bruxelles. C’était une très bonne idée avec le recul."
"A l’époque, on n’était pas habitué à cette identité visuelle. C’était une première en Belgique. Et puis il y avait ces propriétaires de véhicules qui se servaient de ceux-ci en privé, pour aller en vacances… On savait que dans un souci de sécurité pour les clients, la ministre voulait que les clients puissent identifier les taxis de Bruxelles. C’était finalement une bonne chose."
Sur le terrain, on est du même avis. Raymond, rencontré à Mérode, est taximan depuis 2006. "Avant, on avait des voitures de toutes les couleurs : noir, blanc, j’ai même vu des taxis bordeaux. Le damier, c’était une bonne décision, pour l’identité du taxi, avoir une voiture visible. Le projet de Pascal Smet, avec des véhicules tout jaunes, on n’en voulait pas. Le damier, c’est une meilleure idée. Nous sommes facilement identifiables et les clients peuvent nous arrêter, sans souci."
C’est l’identité d’une ville
En 2011, Sam Bouchal, de la Fédération bruxelloise des Taxis, n’était pas contre les damiers jaunes sur fond noir. "L’identité visuelle d’un taxi, c’est aussi l’identité d’une ville. Qui peut imaginer New-York sans ses taxis jaunes ? C’est pareil désormais à Bruxelles. On tire un excellent bilan de ce projet. Même s’il est vrai que ce n’était pas évident au départ, ce projet a clivé notre secteur." Déjà dès le dépôt des plans de Pascal Smet. "Nous étions pour, mais pas ainsi. Avec Brigitte Grouwels, le projet était plus raisonnable. Le taxi, avec son damier et son numéro d’identification est identifiable au premier coup d’oeil."
"A l’époque, le combat était mené surtout pour des raisons idéologiques, avec ces couleurs jugées trop flamandes. Alors, oui, on aurait pu imposer d’autres couleurs. Mais ici, le noir et le damier, c’est un bon compromis. C’est discret. Le damier peut être aimanté et retiré. Donc tout bon pour ceux dont le véhicule est également leur véhicule privé."
Du noir et un damier… vert
Du jaune et du noir. Et pourquoi pas du jaune et du bleu, les couleurs de la Région bruxelloise ? "Peut-être que ça aurait fait grincer des dents", pense Sam Bouchal, "car c’est beaucoup moins discret. Ce que je constate en tout cas, c’est que les codes adoptés à Bruxelles ont inspiré d’autres villes comme Anvers."
Dix ans de noir et de jaune. Faudra-t-il toutefois un jour faire évoluer ce code couleur ? C’est ce que pense Khalid Ed-Denguir. "J’ai proposé que le jaune soit remplacé par du vert qui vire sur le turquoise. Non pas que cela fait écolo. Mais plutôt parce que ce sont les couleurs reprises par l’administration régionale de la Mobilité, Bruxelles Mobilité. Cela nous semblerait plus cohérent." Une proposition à suivre…