Certaines communes ont décidé de rallumer l’éclairage public qui avait été éteint afin d’économiser l’énergie. Pour certains, l’obscurité suscite un sentiment d’insécurité. Est-il mesurable ? Vincent Francis est professeur en criminologie et il fait partie du groupe d’études sur les politiques de sécurité de l’UCLouvain. Selon lui, une série d’études ont montré que l’éclairage avait un effet plutôt positif pour lutter contre le sentiment d''insécurité : "Ça paraît logique : si vous évoluez dans un espace qui est mieux éclairé, vous allez vous sentir mieux parce que vous allez pouvoir anticiper toute une série de dangers, de risques, de menaces. Je dirais que c’est l’évidence. Mais les études ont montré que les choses ne sont pas si simples que ça, c’est-à-dire qu’il y a toute une partie de la population qui ne va pas percevoir le changement, l’amélioration ou la détérioration de l’éclairage. Selon les études, ce sont surtout les Anglo-Saxons — les Anglais, les Américains — qui ont travaillé ça. Vous avez entre 25 et 64% des personnes qui sont concernées par une modification de l’éclairage qui vont vous dire : ' Je n’ai même pas remarqué qu’on a modifié l’éclairage, dans un sens comme dans l’autre sens ", explique-t-il, interrogé sur La Première.
Certaines personnes sont plus sensibles et plus vulnérables, poursuit-il : "Il y a une signification statistique évidente, c’est que les femmes, par exemple, sont beaucoup plus sensibles, donc elles sont rassurées quand un espace est mieux éclairé. C’est pareil pour les personnes âgées, elles sont effectivement beaucoup plus sensibilisées par tous ces changements. Et c’est également pareil pour les personnes handicapées, etc. Il y a donc un public qui est plus sensible, plus attentif à ce type de transformation du contexte lumineux dans un espace précis".
"Si on veut objectiver les choses et rassurer les gens, il faut alors parler de l’insécurité ou de la sécurité objective, c’est-à-dire qu’il faut essayer d’expliquer aux gens que la modification de l’éclairage ne va pas nécessairement avoir un impact sur les problématiques de sécurité mesurable. On sait maintenant que l’éclairage peut avoir un impact direct sur un certain nombre de problématiques de sécurité, et ce sont surtout des problématiques liées aux atteintes contre les personnes. Mais on sait aussi que la diminution de l’éclairage ou l’absence d’éclairage peut aussi avoir un impact direct positif sur des comportements qui sont plutôt liés aux atteintes contre les biens. C’est-à-dire que si vous baissez l’éclairage, vous allez aussi baisser la probabilité qu’il y ait, par exemple, des vols à l’arraché. Pourquoi ? Parce que les auteurs de ce type d’infractions ont besoin d’éclairage pour pouvoir commettre leur délit. On l’oublie souvent, mais les auteurs d’infractions contre les biens sont généralement friands d’éclairage, et si vous baissez l’intensité lumineuse dans un quartier, vous leur rendez la tâche plus difficile", ajoute-t-il.