La quatrième chambre bis de la Cour d’appel du Hainaut, spécialisée dans les infractions en droit pénal social, a entamé mercredi l’examen d’un gros dossier de blanchiment. Trois Brésiliens, détenus, ont été condamnés en première instance à Charleroi pour avoir blanchi 100.000.000 euros en huit ans, dans le cadre d’une organisation criminelle.
En première instance, l’un avait écopé de dix ans de prison ferme et deux autres de cinq ans. Deux millions d’euros ont été confisqués et remis à deux parties civiles, le Forem et la Région flamande.
Affaire complexe, exceptionnelle
Selon le parquet fédéral, les prévenus ont usé de fausses identités pour créer des entreprises fictives, dans le but d’ouvrir des comptes bancaires. "C’est une association très structurée sur le plan comptable, organisée sur le plan informatique", déclare la magistrate fédérale. Les membres de l’association étaient régulièrement contrôlés et les dirigeants avaient un plan de repli au Brésil en cas de problème.
L’affaire est complexe, exceptionnelle même compte tenu des montants blanchis, environ un million d’euros par mois, qui a été prise en main par l’auditorat du travail de Charleroi. Une fraude sociale, menée par deux Brésiliens, a mené à leur condamnation à trois ans de prison ferme pour escroquerie et abus de biens sociaux en 2017.
Des retraits de montants importants et des transferts financiers vers l’étranger (Chine, Hong Kong, Brésil, Luxembourg) ont fait l’objet d’une enquête parallèle, fédéralisée. Ces fonds sont plus importants que le chiffre d’affaires des sociétés.
Fraudes aux titres-services
Des fraudes aux titres-services sont mises au jour au sein d’entreprises de construction et de nettoyage implantées en Flandre, en 2015. Plus de 350 comptes bancaires ont été ouverts au nom de sociétés réceptacles de fonds. Trois ans plus tard, le parquet fédéral joint 25 dossiers liés dans le pays. La structure, qui utilise des fausses factures, est active en Belgique, au Portugal et au Brésil. Ses membres sont très mobiles, usant de faux et de vrais passeports.
Arrêté, un Brésilien reconnaît l’ouverture de nombreux comptes bancaires sous fausses identités, mais il prétend n’être qu’une petite pièce de l’organisation. Il est placé sous surveillance après sa libération, au printemps 2019, et entre en contact avec les autres membres de l’organisation. Un autre Brésilien est arrêté au Portugal et déclare également qu’il a couvert ses complices lors de ses auditions.
Longue enquête
Les téléphones et les ordinateurs des suspects sont analysés et traduits. "Des directives de gestion, de flux financiers, de modèles de fausses factures ont été mises au jour", indique la magistrate fédérale. Les suspects utilisent de nombreuses fausses identités et travaillent avec leurs épouses, leurs sœurs, leurs frères et même leurs enfants, lesquels trient les enveloppent contenant de l’argent sale, ramassées dans le cadre d’activités criminelles comme la prostitution.
Quatre hommes ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt en 2019 et 2020. L’enquête s’est finalisée en novembre 2021, avec de nouvelles inculpations à la clé. Un Brésilien faisait d’ailleurs ses courses de fin d’année à Bruxelles, avec 30.000 euros en liquide dans un sac, au moment de sa privation de liberté.
Trois jours de procès
La Cour, présidée par le conseiller Adrien Van der Linden d’Hoogvoorst, consacre trois audiences à l’examen de cette affaire. Sur les quatorze prévenus en première instance, seuls trois sont en appel. Le parquet fédéral poursuivra son réquisitoire ce jeudi matin. Les plaidoiries auront lieu jusqu’à vendredi.