La police peut-elle perquisitionner votre domicile sans l’autorisation d’un juge d’instruction ? Oui, si vous lui donnez votre accord, si la police vous surprend en flagrant délit ou dispose d’indices sérieux de la commission d’une infraction.
Un jugement prononcé le 5 octobre 2021 par le tribunal correctionnel du Hainaut, division de Tournai, relatif à une culture de cannabis, fait l’objet d’un débat entre professionnels du droit.
Le tribunal a déclaré les poursuites irrecevables, estimant que la perquisition était illicite. Le ministère public a fait appel, estimant qu’elle était légale.
Les faits
Le 1er décembre 2019, la zone de police du Val de l’Escaut est informée, de manière anonyme, que trois jeunes Français cultivent du cannabis sous le toit d’un café à Estaimbourg. Les policiers effectuent plusieurs passages devant le débit de boissons et remarquent une lumière jaunâtre, sous le velux, ce qui pourrait être une lampe au sodium, utilisée dans les cultures de cannabis.
Douze jours plus tard, vers 19h10, les policiers entrent dans le café et perquisitionnent le deuxième étage. Il y a neuf plants de cannabis. Le fils de la locataire du premier étage avoue qu’il cultive une plantation, avec deux copains, pour leur propre consommation.
Les trois jeunes sont renvoyés devant le tribunal et le juge les acquitte, déclarant les poursuites irrecevables. Le juge estime que les policiers n’avaient pas assez d’indices pour perquisitionner les lieux, et qu’ils auraient dû fouiller les gens présents dans le café et observer d’éventuels consommateurs extérieurs. La défense partage ce point de vue. " Il n’y avait aucune odeur, aucun indice de vente ", commente l’avocate qui a plaidé la confirmation du jugement. Le ministère public ne partage pas ces avis et a fait appel.
Deux indices
Lundi, devant la cour, l’avocat général Henri Renard a déclaré que les policiers avaient deux indices sérieux et suffisants laissant penser à une infraction, l’information anonyme et le repérage. Le magistrat estime que les policiers peuvent être crus quand ils affirment avoir vu cette lumière jaunâtre depuis la rue, même si cela ne se voit pas vraiment sur une photo jointe à un procès-verbal. "Ils disposaient d’indices sérieux pour intervenir", insiste l’avocat général, lequel estime que la prévention est donc établie.
La prescription
Le ministère public ne s’est pas opposé à une suspension du prononcé de la condamnation. Toutefois, comme l’a remarqué un conseiller, les faits pourraient être prescrits puisqu’il s’agit d’une culture à des fins personnelles, et non destinée à la vente. Dès lors, c’est l’article 2ter de la loi du 24 février 1921 qui s’applique. Le délai de prescription est de douze mois.
Là aussi, l’avocat général a un autre avis. Selon lui, c’est l’article 2bis de la même loi qui s’applique. "Ils ont participé à une culture pour autrui, l’un pour les deux autres, avec mise en commun du matériel, d’un espace et d’un financement", affirme-t-il en s’appuyant sur un arrêt de la cour de cassation. Dès lors, il n’y aurait pas de prescription.
La cour rendra son arrêt le 14 novembre prochain…