La vague BA.5 est-elle réellement terminée en Belgique? Si les chiffres des cas détectés sont encourageants, il faut se méfier des biais liés au férié du 21 juillet (où on a moins testé) et au fait qu'on effectue beaucoup moins de tests "officiels" qu'avant: le nombre réel de contaminations est clairement sous-estimé. Quant aux chiffres liés aux hospitalisations, ils ont arrêté d'augmenter mais la baisse n'est pas encore manifeste. Sur base des effets observés dans les autres pays où BA.5 a a été dominant, tous les experts consultés estiment toutefois qu'il est probable que les chiffres ne montent plus vraiment.
Le sous-variant BA.5, qu'on craignait beaucoup à cause de son important échappement immunitaire, pourrait donc régresser progressivement en ayant fait moins de dommages que ce que nous avons connu avec la souche originelle. Mais ce ne devrait être qu'un répit de courte durée: les experts s'attendent aussi tous à une nouvelle vague à l'automne, plus importante que la précédente. Avec quel variant, et surtout quel impact?
Pour comprendre l'évolution et les impacts de ces sous-variants, nous avons interrogé Eric Muraille, maître de Recherche au FRS-FNRS, spécialisé en immunologie.
Faut-il s'attendre à un nouveau variant?
"La majorité des variants actuels sont issus de BA.2, fait-il remarquer. C'est un point qui intéresse pas mal les gens qui étudient ces évolutions : on ne voit plus l'émergence de nouveaux variants distincts comme Alpha ou Delta, mais plutôt une variation sur un même thème. Le dernier variant d’Omicron qui inquiète, et dont plusieurs collègues pensent qu'il pourrait être celui qui va émerger à l'automne, c'est BA.2.75, celui qu'on surnomme "Centaurus".""
Faut-il plus le craindre que BA.5 ?
"C'est difficile à dire. Il s'est propagé très rapidement en Inde, mais on ne peut pas comparer les populations : 50% de la population là-bas a moins de 20 ans, et ils ont une forme d'immunité qui est avant tout issue d'une précédente infection et non de la vaccination. S'il s'impose, c'est qu'il sera plus contagieux que le précédent variant, la question, c’est est-ce qu'il fera plus de dégâts. Or, on n’a pas encore vraiment d’information sur sa virulence. Rien ne laisse toutefois penser qu'il sera intrinsèquement plus dangereux. Le vrai danger, c’est une chute de l’immunité, car si notre immunité diminue, alors il deviendra plus dangereux".
Comment s'y préparer?
"Il y a eu plusieurs études de l’efficacité d’une deuxième dose de rappel, qui montrent clairement que la protection contre les formes graves chez les plus de 65 ans est très nettement augmentée par cette quatrième dose. C’est particulièrement frappant pour les plus de 85 ans. On est donc dans le bon timing : il faut préparer les gens les plus à risque à cette vague qui devrait nous tomber dessus à l'automne"
On parle pourtant de baisse de l'efficacité des vaccins?
"Pour les plus jeunes, il n’y a pas d’évidence qu’il faut revacciner, car l'immunité combinée du vaccin et des nombreuses infections récentes reste efficace. Il ne faut pas se fier aux résultats des tests actuel, le virus continue en effet à circuler beaucoup. Si l'épidémie provoque moins d’hospitalisations, surtout en soins intensifs, c’est uniquement parce qu'on est immunisés. Mais chez les gens plus âgés, cette immunité peut faiblir. Et plus on monte dans les tranches d'âge, plus c’est important. Mais ça n'est pas lié à une inefficacité intrinsèque du vaccin, c’était attendu par rapport à ce qu'on connait de l’immunité chez les gens de plus de 80 ans".
Risque-t-on de voir apparaître encore de tout nouveaux variants ?
" On ne peut exclure de voir de nouveaux variants, distinct d’Omicron, émerger dans le futur. Mais on pourrait aussi en voir d’anciens, comme Delta, réapparaître. C’est une compétition entre virus. Les anciens variants sont désavantagés par la vaccination, mais on ne va plus vacciner tout le monde, donc l’immunité va progressivement devenir spécifique des variants en circulation, ce qui pourrait diminuer la pression sur les anciens. C’est imprévisible. A l'heure actuelle, la seule prévision fiable, c’est l’arrivée et l’implantation chez nous de Centaurus, sans doute pas avec plus de risques que ses prédécesseurs. Mais si un grand nombre de personnes âgées sont touchées, ça risque d'étrangler les hôpitaux et d’affecter tout le monde. Il ne faut donc pas être alarmiste, on peut y faire face, mais il faut rester sérieux: le virus circule toujours, même si on en voit moins les effets, il faut donc encourager la vaccination des individus les plus à risque".
Pourquoi ne pourrait-on pas simplement le laisser circuler ?
"Outre les risques évidents pour les plus fragiles, il faut toujours se méfier du fait que c’est un virus qui, à la différence du virus de la grippe par exemple, est capable d’envahir le système nerveux, on le voit notamment avec les pertes d’odorat, et il reste le risque de développer un Covid long, avec de réelles séquelles. Même si on ignore encore beaucoup de choses, il y a un consensus sur le fait que le covid long existe, et ce indépendamment d’avoir fait précédemment des épisodes graves de la maladie. Donc, même quand les symptômes d’une infection ne sont pas graves, il y a quand même un risque de conséquences à long terme."
Est-ce que les vaccins protègent contre le Covid long ?
"Ce n’est malheureusement pas certain. Il est vraisemblable que le Covid long soit la conséquence de l’infection du système nerveux par le virus, ce qui peut se produire en début d’infection. Or, si les vaccins protègent efficacement contre les formes sévères de la maladie, ils ne bloquent pas complètement l’infection. Nous manquons encore de données à ce sujet. Ce qui implique qu'il faut continuer à se méfier de ce virus, même si on est vacciné et pas à risque".
Cela veut dire quoi, se méfier?
"Cela veut dire ne pas adopter de comportement à risque, comme s’exposer sciemment au virus si on sait que quelqu'un est infecté par exemple. On voit d'ailleurs dans les statistiques d'incidence qu'il y a des biais dus au fait que les personnes vaccinées ont plus tendance à s'exposer au virus et donc à se contaminer. Personnellement, je ne suis pas en faveur qu’on impose à tout le monde en permanence des mesures contraignantes, ça n'est pas tenable à long terme. Mais il faut au moins garder ses distances par rapport aux personnes infectées et ne pas exposer les autres si on l'est, soi-même".
Faut-il davantage se méfier de la variole du singe ?
"C'est un cas d’école intéressant. Ce virus est sorti d’Afrique et est en train de disséminer dans le monde entier, de devenir une pandémie. Ce qui est inquiétant, c’est qu’on ne sait pas trop ce qu’il va donner. Il n'y a quasiment pas de tests, juste des déclarations d’infection, donc on sous-estime fortement le nombre de cas. Ce virus n’est plus dans son écosystème naturel. On sait par l’analyse de ses séquences qu’il évolue, donc qu’il s’adapte. Ce qu’il donnera sur le long terme est imprévisible. C’est inquiétant et on dispose de peu de moyens d’action. On ne peut pas passer à une vaccination de masse tout de suite, donc, pour le moment la principale recommandation de l'OMS, c’est de ne pas le prendre à la légère. Mais si on n’arrive pas à contrôler son expansion, il va devenir endémique. La variole du singe représentera alors un risque et surtout un coût supplémentaire chez nous."