Belgique

CPAS, associations...Petit tour d'horizon des aides pour amortir le choc de la facture de gaz et d'électricité

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La hausse des prix de l’énergie, que l’on connaît depuis plusieurs mois, se poursuit et c’est un euphémisme de dire qu’elle inquiète de nombreux citoyens et entreprises. Au niveau politique, des mesures ont été annoncées en début de semaine par le gouvernement fédéral pour tenter d’atténuer les effets de cette augmentation des tarifs, notamment pour les ménages les plus fragiles. En Wallonie, le gouvernement régional se penche aussi sur une aide à destinations des ménages en difficulté.

Ce coup de pouce sera-t-il suffisant ? Tout le monde ne le pense pas, à l’image du Réseau belge de Lutte contre la pauvreté (BAPN) et l’association flamande Netwerk tegen Armoede qui continuent de plaider pour des mesures structurelles visant à réduire la facture énergétique, cette crise n’étant pas la dernière, estiment-elles. L’organisation de consommateurs Test Achats salue l’accord fédéral sur les mesures énergie mais estime par ailleurs qu’il arrive fort tard et qu’il est trop limité dans le temps (4 mois).

A côté des mesures annoncées cette semaine (baisse de la TVA sur l’électricité de 21% à 6%, prolongement du tarif social élargi, chèque chauffage et mini "tax shift" ou glissement fiscal), d’autres mesures – peut-être moins visibles – ont été prises, comme des moyens supplémentaires pour le Fonds Gaz et Électricité. Rappelons que celui-ci permet aux CPAS (Centre Public d’Action Sociale) d’aider des ménages en difficulté.

La situation dans les CPAS

Les ménages et, par ricochet, les CPAS font face à une troisième crise qui vient se juxtaposer aux deux premières, toujours en cours. La crise sanitaire, les inondations du mois de juillet dernier et, depuis quelques mois, la crise énergétique qui pourrait durer. Ces multiples crises montrent l’importance des CPAS, alors qu’ils sont eux-mêmes confrontés à la situation actuelle avec son lot de malades Covid-19, le télétravail, etc.

Sabine Wernerus, conseillère à la cellule sociale énergie de la Fédération des CPAS wallons, observe des situations variables d’une commune à l’autre, "parce qu’en général, les gens arrivent en panique au CPAS quand ils reçoivent leur facture de régularisation". Ces factures annuelles ne sont pas envoyées au même moment chez tous les consommateurs par les fournisseurs mais elles constituent souvent le moment où l’écart entre les provisions et le décompte final devient réel et fait mal au portefeuille.

L’impact sur les factures dépend des contrats avec le fournisseur. En Région bruxelloise, par exemple, 65% des ménages ont signé des contrats fixes (3 ans à Bruxelles) pour l’électricité et 55% pour le gaz. Ce n’est donc qu’au terme de ce type de contrat que ceux-ci seront touchés par la hausse des prix de l’énergie.

Des privations très sévères

En Wallonie toujours, des CPAS constatent "des privations très sévères", nous dit Sabine Wernerus et "des gens qui, tout simplement, ne se chauffent plus ou qui ont recours à des alternatives de chauffage qui sont dangereuses ou mauvaises pour leur santé".

Dans la capitale, Jan Willems, coordinateur au service médiation de dettes et énergie au CPAS de Bruxelles, nous livre un constat similaire à celui des CPAS wallons. Ici non plus, on n’a pas eu le temps de souffler depuis le début de la crise sanitaire. Mais il remarque que le public est inquiet et qu’il est en demande d’informations en relation avec l’énergie, ce qui n’était pas le cas il y a 6 mois.

Evolution des publics

L’évolution des publics s’est déjà vue les mois précédents, mais la tendance s’accentue ce début d’année. Afin de pouvoir payer leur facture d’énergie, voire d’eau, les personnes qui se rendent dans les CPAS aujourd’hui sont aussi des travailleurs pauvres, des personnes retraitées, des étudiants et des familles monoparentales, explique Sabine Wernerus.

Jan Willems confirme et ajoute : "On sait aussi que les premiers qui seront confrontés à une importante augmentation de leur facture d’énergie, ce ne seront pas les usagés "habituels" du CPAS, ce ne seront pas les personnes en situation précaire, qui ont le statut BIM à la mutuelle et qui bénéficie du tarif social […], mais il y a tout ce nouveau public qui, on l’espère, ne laissera pas pourrir et dégrader sa situation […] On espère qu’ils trouveront leur chemin jusqu’au CPAS".

La conseillère à la cellule sociale énergie de la Fédération des CPAS wallons pense aussi que de nombreuses personnes hésitent à franchir la porte de CPAS. "Et pourtant c’est un droit de tous les citoyens […] Chaque citoyen à le droit d’aller demander de l’aide pour payer ses factures d’énergie et d’eau, entre autres, qui sont des biens de première nécessité", rappelle-t-elle.

Aller vers le public

Même si cela est un droit, franchir la porte d’un CPAS n’est pas toujours simple pour tout le monde, ce qui conduit des CPAS à prendre des initiatives pour toucher un maximum de citoyens en dehors de leurs murs. Certains, par exemple, se rendent sur les marchés pour tenir un stand d’information ou organisent des séances d’information énergie, voire envois des courriers. Idem à Bruxelles où on note aussi une volonté de collaborer avec tout le secteur associatif.

Les fournisseurs en contact avec les CPAS

Les CPAS sont aussi informés par les fournisseurs d’énergie lorsque des clients sont en défaut de paiement. Ces listings peuvent être très longs, ce qui complique leur analyse par les Centres Publics d’Action Sociale, mais lorsque le travail peut être fait cela permet d’identifier des ménages auxquels les CPAS pourront proposer une aide.

Tuteurs énergie

Sur les 262 CPAS répartis en Wallonie, 62 disposent de tuteurs énergie et eau. Ces agents se rendent au domicile des ménages avec des difficultés d’accès à l’énergie ou à l’eau. L’idée est d’identifier les causes de surconsommation, les problèmes au niveau du logement (châssis, chaudière, thermostat mal réglé, humidité dans les murs, etc.), mais aussi les éventuelles privations.

Ce travail est réalisé avec le propriétaire et l’objectif est de lui démontrer qu’il peut être gagnant à améliorer son logement.

Après avoir identifié les soucis, les tuteurs énergie peuvent activer différents fonds pour financer la réparation ou la rénovation d’un logement, en collaboration avec les services sociaux. Dans leur travail, ils peuvent être informés par le service social lorsqu’un ménage est en difficulté financière liée à la consommation d’énergie, par exemple. Ils peuvent aussi prendre des initiatives dans des quartiers pour se faire connaître et espérer, à terme, toucher leur public, etc.

Les tuteurs énergie sont là pour tous les citoyens et pas seulement pour ceux en situation de précarité.

A Bruxelles, des initiatives similaires ont lieu (éco-ouvriers, techniciens, architectes…), mais elles sont trop peu structurées, ajoute Jan Willems, et il précise : "on plaide pour avoir le même système".

L’énergie non dépensée… ne doit pas être payée

Rénover et isoler est certainement intéressant dans le cadre de cette crise énergétique, mais aussi dans le cadre des efforts pour le climat. Lorsque l’on demande à Jan Willems si une réflexion a lieu au sein des CPAS autour de ces questions, il répond : "Des réflexions, oui. Des outils et des moyens, limités".

Les CPAS ont des moyens pour de petites interventions. Pour le reste, il rappelle que ce n’est pas le rôle d’un CPAS et qu’il y a une réglementation régionale en matière de rénovation et des obligations pour les propriétaires qui mettent en location un bien, mais : "ça fait 30 ans qu’on dit que le bâti doit être rénové […] dans toutes les zones urbaines il y a un gros souci, cela avance trop lentement et il n’y a pas assez de moyens, d’incitants". Des initiatives existent et chaque gouvernement tente d’aller plus loin, explique-t-il. Mais en étant conscient que tout cela ne réglera pas les problèmes à court terme.

La grande partie du public accompagné par les CPAS est locataire. Il y a dès lors tout un travail à réaliser avec le propriétaire pour le convaincre de l’intérêt d’améliorer son logement. Et la plupart du temps, les logements occupés par des personnes en précarité énergétique sont des "passoires énergétiques", nous dit Sabine Wernerus, sans oublier d’autres problèmes comme l’insalubrité, etc. Notons qu’à Bruxelles, deux tiers des personnes sont locataires.

Les associations de rénovation urbaine, une solution ?

Les CPAS ne sont pas les seules structures à se soucier de l’impact de la facture d’énergie sur le budget des personnes à bas revenus : le Réseau Habitat, rassemble neuf associations bruxelloises actives dans la rénovation urbaine. À ce titre, elles peuvent, entre autres, fournir des conseils en rénovation et énergie et guider les citoyens en matière de subsides et de primes. Le tout gratuitement. Ensemble, elles traitent près de 3000 dossiers par an avec un public essentiellement à bas revenu (moins de 35.000 euros / par an) et à 99% des propriétaires.

Chaque association est connue dans son quartier. Tous les moyens sont bons pour se faire connaître : courrier, fêtes de quartiers, réseau de partenaires (CPAS, associations, etc.), journaux communaux, porte à porte… Elles ont un rôle de proximité avec les habitants des différentes communes et permettent aussi de créer du lien avec des personnes qui n’ont pas les moyens ou qui ne se sentent peut-être pas concernées par une rénovation. Cela permet d’envisager des projets en mobilisant toutes les ressources disponibles : subsides, primes, etc. La question financière est souvent un frein important.

Comment ces associations vivent-elles la hausse de l’énergie sur le terrain ? Les ménages qui se rendent actuellement dans les locaux de l’ASBL Habitat & Rénovation, à Ixelles et Etterbeek, ne viennent pas forcément pour cette raison mais rapidement le sujet est abordé : "Ils viennent avec un acompte qui a triplé" explique Didier Vander Heyden, architecte et conseiller en rénovation et énergie à l’ASBL Habitat & Rénovation sur Ixelles et Etterbeek. Une association essentiellement active dans les quartiers les moins nantis de ces communes. Il ajoute que beaucoup de personnes confondent les factures d’acompte et la facture annuelle. Du coup, la peur est là. L’aspect économie d’énergie est aussi abordé, mais le conseiller en énergie précise que ces personnes faisaient déjà souvent des efforts en ce sens.

Que faire pour rendre un logement moins énergivore ?

Restons à Bruxelles, la période actuelle est un peu particulière, puisque des changements sont en cours. Les primes à la rénovation et à l’énergie fusionnent et deviennent les primes Renolution. Outre la volonté de simplification, ce nouveau mécanisme permet aussi un niveau de soutien de la Région jamais atteint, explique Julien Simon, coordinateur à la cellule transition climatique, environnement, énergie, du Cabinet du ministre bruxellois Alain Maron. "On a aujourd’hui des niveaux de soutien pour les publics plus précarisés, les bas revenus, qui atteignent plus de 50% des investissements".

Rénolution a pour objectif, d’atteindre un niveau moyen de performance énergétique de 100kWh/m²/an (certificat PEB C) pour l’ensemble des logements bruxellois d’ici à 2050, "soit une consommation moyenne divisée par 3 par rapport à la situation actuelle", peut-on lire sur le site de Bruxelles Environnement. "C’est un signal très fort donné au secteur, parce qu’il y a beaucoup de locataires à Bruxelles et donc beaucoup de propriétaires-bailleurs qui seront concernés par cette obligation", poursuit Julien Simon.

Quant au prêt vert, qui sert à réaliser des travaux afin d’économiser l’énergie, il s’arrête au mois de mars ou avril et sera remplacé par un nouveau type de crédit avec un taux 0% pour les plus bas revenus. Il couvrira tous les travaux de rénovation et bénéficiera probablement à plus de Bruxellois.

Le prêt vert permettait de financer, à concurrence de 25.000 euros par an et par logement, tous les investissements qui visaient à réduire la facture énergétique (chauffage, isolation, double vitrage) avec un taux de 0% pour les bas revenus.

Certains regretteront les possibilités d’avance (à hauteur de 90%) sur le montant de la prime avec la prime à la rénovation. C’était là une bonne aide qui permettait aux ménages les plus précaires de préfinancer les travaux. Des personnes qui ne peuvent ouvrir un crédit, auront peut-être des difficultés à commencer des travaux avec les nouvelles dispositions.

Sur la base de l’enquête EU-SILC 2019, 62 % des ménages sont locataires en Région bruxelloise, contre 28 % en Flandre et 34 % en Wallonie

À Bruxelles, 62% des logements sont occupés par des locataires et près de 28% des ménages connaissent une certaine forme de précarité énergétique, ce dernier chiffre étant identique en Wallonie. Des chiffres à retrouver dans le baromètre social 2020. Ce rapport montre également que 7% des Bruxellois (idem en Wallonie) ne parviennent pas à chauffer convenablement leur logement.

Dans ce contexte, comment convaincre des propriétaires, dont les biens sont vétustes et mal isolés, d’améliorer la qualité des logements mis en location, tout en maintenant une accessibilité financière ? Ce type de réflexion n’est pas neuve, à l’image d’initiatives telles que le bail de rénovation qui permet au locataire de faire des travaux et le propriétaire en contrepartie peut lui proposer une réduction du loyer.

Trouver des solutions

Dans la lignée du bail en rénovation, le projet Interface Reno, financé par Bruxelles Environnement a pour objectif d’améliorer la qualité des logements loués, tout en évitant une hausse des loyers.

Pour ce faire, l’association RenovaS à Schaerbeek propose au propriétaire un projet clé en main en partenariat avec une agence immobilière sociale. Si feu vert il y a, l’association finance, s’occupe de la rénovation et met en gestion locative le bien pour une quinzaine d’années. L’argent avancé pour les travaux est récupéré sur les loyers.

Vincent Bevernage est architecte et conseiller en rénovation au sein de l’asbl RenovaS donne l’exemple d’un projet mené à bien. Le propriétaire n’était pas financièrement en mesure d’entamer des travaux. Les travaux ont coûté 500.000 euros "et là pour le propriétaire, on a réinvesti son bien, il est retapé et on a créé du logement social pendant 15 ans". Le contrat de quartier et les primes régionales ont financé pratiquement 50% des travaux, le reste est emprunté et remboursé avec les loyers via les Agences Immobilières Sociales (AIS). La propriétaire touchera, elle, 800 euros sur 3 appartements pendant 15 ans. "C’est moins que sur le marché privatif, mais elle avait une maison qui ne pouvait être louée".

Enfin, au niveau énergétique, le logement devrait obtenir un certificat PEB C (A étant le meilleur et G le plus mauvais), ce qui le classe à un niveau moyen en matière de performance énergétique. En 4 ans une dizaine de logements ont été rénovés via des projets pilotes dans cette commune.

Des solutions existent donc pour rénover son logement. Des situations inextricables aussi, hélas. Mais sans l’accompagnement de ces associations, de nombreux ménages n’auraient jamais entamés des travaux, ajoute Marilène De Mol qui travaille à la coordination du Réseau Habitat.

Isoler un logement permet quelle économie ?

C’est certainement l’une des questions principales : combien vais-je économiser en isolant mieux mon appartement ou ma maison ?

Les ménages qui consultent les conseillers énergie ont rarement les moyens de réaliser tous les travaux nécessaires pour isoler de A à Z l’habitation. Ils commenceront par la toiture, les châssis et éventuellement la façade arrière. "Mais la facture ne va pas forcément diminuer malheureusement", précise Didier Vander Heyden, architecte et conseiller en rénovation et énergie à l’ASBL Habitat & Rénovation. "C’est exactement cela que l’on va voir cette année (en raison de la hausse des prix de l’énergie, ndlr). Allez expliquer cela à des personnes en précarité énergétique qui ont fait des travaux et qui payent encore plus".

Vincent Bevernage ajoute que lors de ses formations, on lui expliquait qu’isoler une toiture permettait d’économiser 20 à 30% sur une facture de chauffage : "personne aujourd’hui ne peut dire ça, parce que ce n’est pas vrai. On va isoler la toiture, mais qu’on perd par les châssis, on arrive jamais à ces chiffres-là. […] Des arguments chiffrés, c’est très compliqué".

De nombreuses études ont démontré qu’une grosse partie de la consommation d’un logement est définie par l’usage. Autrement dit : comment y vit-on. Vous pouvez avoir un logement certifié PEB A tout récent : "si l’usage est mauvais et que l’on consomme sans réfléchir…" explique Didier Vander Heyden. Et il ajoute "souvent le public précarisé vit dans des logements F ou G, mais on sait aussi que ce public fait attention à ses factures et consomme moins".

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