Economie

Créations artistiques de l’intelligence artificielle : à qui reviennent les droits d’auteur ?

L'édito éco

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Par Simon Bourgeois, avec A.P. via

L’Europe s’est engagée dans un processus pour encadrer l’usage de l’Intelligence artificielle. Un projet de régulation a franchi une étape au Parlement européen jeudi. L’Europe veut réguler dans plusieurs domaines mais notamment celui des droits d’auteur, puisque des intelligences artificielles sont capables de générer du contenu.

A qui reviennent donc les droits d’auteur, notamment dans le cas de ce faux duo The Wknd/Drake, deux des artistes les plus écoutés au monde mais qui n’ont jamais ni chanté, ni écrit, ni composé cette chanson. Et la chanson, entièrement conçue par une intelligence artificielle, fait le buzz depuis trois semaines, et procure des millions d’écoutes sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Après quelques jours, Universal Music (la maison de disques) a demandé le retrait de la chanson des plateformes et l’a obtenu en invoquant le viol du droit d’auteur.

© Getty

En quoi le droit d’auteur a-t-il été violé s’il s’agit d’une nouvelle chanson inédite, qui n’a pas été créée par des artistes ?

C’est évidemment le cœur de la problématique qui concerne de nombreux cas (Nirvana, Rihanna, Oasis, des peintures de Van Gogh, des livres, des images, des vidéos,…) où l’intelligence artificielle s’est emparée de l’art et de la création artistique.

Ces intelligences artificielles s’entraînent sur des millions de textes, de chansons, d’images. Elles moulinent ces contenus scannés et parviennent à générer de l’inédit "à la manière de". Et c’est là que se pose la question des droits d’auteur. Est-ce que l’intelligence artificielle a réellement créé une nouvelle œuvre, avec sa patte, grâce à une technologie qui serait douée d’une créativité propre, ou est-ce que ce n’est qu’un vulgaire assemblage de ce qui existe déjà, et qui ne serait qu’une réinterprétation un peu pastiche de créations de véritables artistes ? Voilà une question à plusieurs milliards d’euros, presque philosophique : c’est quoi l’art ? C’est quoi la création ?

La réponse aujourd’hui reste : on ne sait pas, on ne sait pas encore définir la nature de ces productions, de ces nouvelles "œuvres". Le temps des technologies est plus rapide que celui de la justice.

Aucun tribunal européen n’a encore tranché cette question. Mais ça va venir. Plusieurs artistes ont porté plainte contre des fournisseurs, des créateurs d’intelligence artificielle. De même, Getty Images, cette énorme base de données et d’images payante, a attaqué en justice une start-up américaine qui s’appelle Stable Diffusion, en l’accusant d’avoir entraîné son intelligence artificielle sur cette base de photos, sans autorisation, sans payer.

Même chose pour Reddit, un gigantesque forum qui génère de nombreux contenus écrits. Reddit veut aussi interdire aux intelligences artificielles de s’entraîner sur son contenu… Ou alors réclame de se faire payer pour ça. Twitter pense à la même chose. On voit bien que cette matière première, disponible sur internet, a une valeur, parce que, sans cette matière première, ces intelligences artificielles ne sont rien du tout.

On voit bien arriver toutes les difficultés du débat qui va avoir lieu entre juristes. Comment prouver qu’une intelligence artificielle s’est nourrie d’une œuvre, en particulier au moment où elle s’est entraînée parmi probablement plusieurs millions d’autres œuvres, pour créer une nouvelle œuvre ?

Le droit européen permet de protéger une œuvre, en particulier avec le droit d’auteur. Mais il ne protège pas un style, un courant, une idée. Et si ce nouveau contenu généré est commercialisé, qui peut alors en profiter ? Parce qu’il y a des artistes numériques qui créent du contenu artistique avec l’intelligence artificielle, qui revendiquent des choix créatifs. Dans certains cas, l’utilisateur peut jouer un rôle majeur dans une création assistée par intelligence artificielle. Alors, dans ce cas-là, qui a créé ? Qui est l’auteur de l’œuvre ? Est-ce que ce sont les artistes qui ont inspiré précédemment ? Est-ce que c’est celui qui a guidé la machine ? Est-ce que c’est la machine elle-même ?

Toutes ces questions émergent en même temps que les intelligences artificielles bouleversent l’industrie de la musique, de l’art en général, une industrie qui est impatiente d’avoir des réponses et donc des bases légales pour, elle l’espère, protéger son catalogue.

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