Une large production de vins effervescents se frayant une place dans le monde des bulles : les crémants. Depuis la Wallonie, l’Alsace, la Loire et même le Jura… Une histoire de traditions, de savoir-faire et de contenus. Mais à quoi a-t-on affaire ? Quelles différences avec les bulles champenoises ? Explications de Fabrizio Bucella au micro de Bientôt à table – RTBF. be
L’adage est désormais connu de tous : "Il vaut mieux un bon crémant qu’un mauvais champagne !" Qu’en pense l’expert Fabrizio Bucella ? "En toute sincérité, ce sont des produits différents : les régions de production sont différentes, les cépages sont différents, les élaborations sont différentes. Prenez le crémant d’Alsace : il est produit en Alsace, logique et pas en Champagne. Fallait l’inventer celle-là. Puis les cépages c’est pinot blanc, pinot gris et riesling. On aura un produit totalement différent qu’un champagne avec chardonnay, pinot noir et pinot meunier."
Même observation concernant les bulles de Bordeaux ? "Tout à fait, le climat n’est pas le même et on y met du sémillon, puis du sauvignon. Honnêtement, comparer ces deux choses reviendrait à comparer des boulettes à la liégeoise avec des fricandelles du GB."
Comment opérer les bons choix ?
Mais alors que choisir ? "Il s’agit, à mon humble avis, précise Fabrizio, de privilégier des vins de base acides. Les vins champagnisés nécessitent une base acide. La méthode traditionnelle, celle quasiment identique pour les crémants et champagnes, transforme le désavantage de l’acidité du vin en un avantage. Un bon crémant (ou champagne) n’est bon que grâce à son acidité, sinon il est plat, sans âme, pâteux. La bouche est fatiguée après une demi-gorgée et on le jette aux plantes." Comprenons qu’il s’agit donc de privilégier les crémants du Nord de la France. "Bourgogne, Loire, Jura, Savoie et Alsace (exit : Die, Limoux et Bordeaux). Je reste circonspect concernant l’Alsace. Encore trop souvent, le crémant est vu comme un complément de gamme, pas un vin à part entière, la qualité s’en ressent. Bien entendu, on parle d’un point de vue global, à la moyenne. On trouve de très bons producteurs partout, cela va sans dire."
La région faisant les crémants donc les plus proches du champagne est la Bourgogne. "D’abord, on a les mêmes cépages. Ensuite, le châtillonais, la région des crémants de Bourgogne se trouve au Nord de la Bourgogne. Attention, subtilité : le Nord de la Bourgogne c’est au Sud de la Champagne. Je ne sais pas si on suit. Bref, le Nord du Sud, ces régions sont l’une dessous de l’autre."
Donc pour revenir à notre adage qu’il vaut mieux un bon crémant qu’un mauvais champagne, c’est surtout valable pour la Bourgogne ? "En quelque sorte, car les produits sont les plus semblables. Après, il y a aussi ce qu’on appelle le biais de confirmation d’hypothèse ou biais de l’attente. On s’attend à un certain bonheur en buvant du champagne, on l’aura moins avec d’autres bulles. Ce n’est pas qu’on goûte moins bien, mais on donne des qualités a priori au champagne."
Et les crémants belges dans tout cela ?
"Nous avons deux magnifiques domaines en Wallonie qui font des bulles leur exclusivité, avec le cépage chardonnay. Les vins sont très différents. Il y a Ruffus RUFFUS : Le pionnier des vins effervescents ! – RUFFUS d’abord à Aulchin, près de Binche et le Chant d’Eole Le Vignoble du Chant d’éole | Méthode traditionnelle belge (chantdeole.be) , because éolienne qui fait du bruit sur la pelouse. Ce vignoble se trouve à Quévy, près de Binche aussi. Et quelles sont les différences ? "Le Ruffus joue plutôt la carte de l’acidité, du chardonnay septentrional. Il me semble plus spécifique à notre Wallonie, notre belgitude. Il nécessite une petite explication si on ne l’a jamais goûté. Le Chant d’Eole joue la carte de la rondeur, il ressemble plus à une idée canonique d’un champagne. Ce sont des expressions différentes du chardonnay sur notre terroir wallon."
Parlons prix !
"Si on prend les prix en vente en Belgique, officiellement, avec les taxes belges… Hors promos bien entendu, il est difficile de trouver un champagne sous les 20 euros. Le crémant va tourner plutôt sur les 10-12. C'est moins cher. Et nos effervescents Wallons sont à 20 pour le Ruffus et 27 pour le chant d’Eole." Ce n’est pas donné, mais quand on aime… "Et l’avantage est qu’on fait tourner toute une filière locale."
Alors buvons moins mais mieux, et encore un peu. Vive le terroir wallon !