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Crises cardiaques : comment le Samu de Paris sauve des vies grâce aux citoyens-sauveteurs et à une technologie pionnière

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Par Adeline Percept

Dans tous les services d’urgence du monde, les arrêts cardiaques sont les pathologies les plus mortelles. Il faut intervenir extrêmement vite pour sauver ces cas-là et qu’ils en sortent sans séquelles. Grâce à une application qui permet à tout citoyen de jouer un rôle décisif, et grâce à des avancées technologiques pionnières, le Samu de Paris parvient à sauver des cas désespérés.

La "salle de régulation" du Samu à l’hôpital Necker de Paris est la salle des appels d’urgence. Les médecins et assistants secouristes sont devant leurs écrans et répondent à tous types d’appels. Des chutes, des malaises, et plus grave : les arrêts cardiaques. Un homme de 63 ans vient d’être découvert chez lui inanimé. Une équipe du Samu reçoit l’ordre de partir tout de suite.

Mais en attendant, Pierre, un assistant a déclenché l’alerte sur l’application "Sauv Life". Il zoome sur son écran : tout près du domicile du patient apparaissent plusieurs silhouettes. Ce sont de simples citoyens qui se sont inscrits sur l’appli et sont géolocalisés. L’un d’eux est quelques instants plus tard devant le patient.


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L’assistant du Samu le guide par téléphone : "Vous allez vous agenouiller au niveau de la personne le plus près possible de son corps…" Au bout du fil, ce Parisien "citoyen-sauveteur" est guidé par la voix de Pierre et pourra effectuer le massage cardiaque. Un autre citoyen-sauveteur a pu aller chercher un défibrillateur localisé, également via l’application, près de l’accident. Pierre continue alors : "Vous branchez les patchs à l’appareil et vous suivez les indications de l’appareil…"

À distance, l’équipe du Samu peut suivre les déplacements des citoyens-sauveteurs, comme ceux de l’équipe de professionnels envoyée d’urgence. "Les secours arrivent, Monsieur, ils roulent vers vous", rassure Pierre. Chaque citoyen, quel que soit son niveau de formation, peut s’inscrire sur cette application. Et faire les premiers gestes, avant l’arrivée des secours.

Chaque minute compte

"Chaque minute sans massage cardiaque, c’est 10% de survie en moins, explique le professeur Lionel Lamhaut qui pilote ce dispositif dans le service. Les secours en France mettent 13 minutes pour arriver. S’il n’y a pas une action immédiate d’un citoyen-sauveteur sur place, il y a peu ou pas d’espoir d’avoir des survivants."

550.000 personnes sont désormais inscrites sur l’appli en France. Et rien qu’au mois de novembre en France, 16 cœurs se sont remis à battre grâce à l’intervention de ces citoyens-sauveteurs.

Chef de service de la police municipale de Savigny-sur-Orge en grande banlieue de Paris, Alexandre Rejichi en fait partie. C’est à titre privé qu’il a téléchargé l’application. Récemment, il était en patrouille lorsque ce message est apparu sur son portable : "Nous avons besoin de votre aide, Merci d’intervenir".

"Il a juste suffi de cliquer sur ce SMS, et on s’est rendu compte qu’on était à 50 mètres du lieu de l’intervention", détaille-t-il. Alexandre et son collègue arrivent alors devant une voiture dont le conducteur est inanimé, la tête sur le volant. "Ce monsieur ne respirait plus. On l’a fait sortir, on a fait un massage cardiaque accompagné d’une défibrillation automatisée. Parce que j’ai souhaité que mon véhicule en soit équipé étant donné que nous sommes tout le temps sur le terrain, sur une zone très urbanisée." Ce patient a survécu sans séquelles, grâce à cette intervention très rapide.

Ecmo, une technologie pionnière

L’équipe du professeur Lamhaut forme des médecins urgentistes venus de France et d’Europe à ses méthodes. Ils réalisent des exercices pratiques, de l’intervention des citoyens-sauveteurs, à l’arrivée des professionnels sur place. L’équipe utilise alors une technologie pionnière : un boîtier ECMO. La technologie existe en grand format en bloc opératoire. Mais ici, elle a été miniaturisée pour être transportable dans n’importe quel camion du Samu. Le boîtier ECMO remplace le cœur du patient pour oxygéner le cerveau et le corps. Il permet aux urgentistes de gagner quelques dizaines de minutes pour traiter la cause de l’arrêt cardiaque, sur le terrain directement.


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"Auparavant, nous avions des patients qui avaient toujours le cerveau en vie mais le cœur ne repartait pas. Et on était bloqués, on ne pouvait rien faire, explique le professeur Lamhaut. On déplace la limite de la mort : on n’est plus bloqués par un cœur qui ne repart pas. On peut le remplacer par cette machine, et prendre le temps d’évaluer. Le cerveau, est-ce qu’il marche ou pas ? Si oui, on essaiera de tout faire pour faire repartir le cœur en traitant la cause de l’arrêt cardiaque ou même en faisant une transplantation cardiaque sur place."

L’ECMO permet de sauver 30% des patients dont le cerveau continue de fonctionner à l’arrivée des secours. Les professionnels en formation au Samu, ce jour-là, réussissent sous nos yeux à connecter la machine sur un mannequin en 16 minutes. Les urgentistes le savent : ils n’ont qu’une heure après l’effondrement d’une personne, pas plus, pour pouvoir utiliser l’ECMO et tout tenter.

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