Chroniques

Crucke chez Les Engagés : le meurtre du père

Les coulisses du pouvoir

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Jean-Luc Crucke passe aux Engagés. Une recrue de poids pour ce parti (l'ex-cdH) qui, avec ce transfert, vient peut-être vraiment de tuer le père. On pourrait même dire "tuer Dieu le père". Les Engagés ont peut-être vraiment démarré hier comme nouvelle formation.

Des mues à n’en plus finir

Voyons d’où l’on vient. Les mues successives du PSC en "Nouveau PSC" puis du "Nouveau PSC" en cdH étaient motivées à chaque fois par le constat d’une érosion électorale. Erosion liée à la perte de l’affiliation chrétienne dans la société. Les mues du parti tentaient l’ouverture, la déconfessionnalisation, mais en assumant encore un lien très fort avec l’histoire du parti catholique et surtout les mêmes cadres. On prend les mêmes et on recommence avec un autre nom.

Le processus de transformation du cdH en Les Engagés a été plus profond, les ruptures plus nettes, en particulier en matière d’environnement, d'économie, de social, de fonctionnement interne et d’éthique. Mais l’incarnation restait toujours dominée par les cadres du cdH. A part Yvan Verougstraete venu du privé. Il restait cette idée, on prend les mêmes et on recommence avec un autre nom.

L’arrivée de Jean-Luc Crucke, laïc convaincu (certains diront bouffeur de curés) est sans doute la preuve publique que le parti a profondément évolué sur ces questions. Jean-Luc Crucke n’aurait jamais pu passer au cdH et encore moins au PSC. Mais il se retrouve dans Les Engagés. Oui, c’est peut-être bien le vrai nouveau départ de cette formation.

Crucke, balle au centre

L’arrivée de Jean-Luc Crucke est indéniablement une bonne nouvelle pour Les Engagés, mais est-ce que c’est une bonne nouvelle pour Jean-Luc Crucke ? C’est moins évident. Son arrivée dans le parti, est un plan B. Le plan A était la création d’une alliance plus large avec Défi qui a refusé le projet. C’est donc un nouvel échec de la recomposition du centre par la création d’une nouvelle maison centriste qui parviendrait à réunir écologistes, libéraux et humanistes. Un projet déjà évoqué depuis 10 ans au moins, souvenez-vous des mamours entre Jean-Michel Javaux d’Ecolo et Melchior Wathelet junior du cdH.

Les Engagés considéraient eux qu’il ne fallait pas créer un nouveau véhicule puisqu’ils venaient de le créer. C’est cette thèse qui s’est imposée à Jean-Luc Crucke. Mais il a obtenu de Maxime Prévot de venir avec l’embryon de son projet. “Nouveaux démocrates” sera une tendance au sein des Engagés, prévue pour accueillir les futurs nouveaux centristes qui pourraient suivre Jean-Luc Crucke.

Au MR, la fin d’une époque

Au MR, le coup n’est pas aussi rude qu’on pourrait le croire.

Au premier abord, il est certain que sur le papier, perdre l’un des deux seuls représentants du parti qui se retrouve dans le top 10 des personnalités francophones, c’est douloureux. Perdre un potentiel de près de 20.000 voix dans la seule circonscription de Wallonie Picarde aussi. Jean-Luc Crucke y faisait plus de voix que sa désormais concurrente Marie-Christine Marghem sur l’ensemble du Hainaut. Toute la question c’est quelle proportion de ces voix Jean-Luc Crucke va-t-il emporter avec lui ?

Pour le MR c’est aussi la fin, ou presque, d’une époque. Avec Alexia Bertrand partie récemment au VLD, Jean-Luc Crucke était l’un des derniers "Reyndersien", ce clan autour de Didier Reynders qui s’était violemment opposé à un autre clan "les Micheliens" autour de la famille Michel.

Les Micheliens règnent quasiment désormais sans partage. Du clan Reynders, il reste Daniel Bacquelaine, mais qui ne va plus jouer de rôle de premier plan. Il reste surtout Pierre-Yves Jeholet, à la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui fait figure de dernier des Mohicans.

L’ironie c’est que le parti est dirigé par un reyndersien repenti, Georges-Louis Bouchez, qui a prêté allégeance à la famille Michel. Ensuite, il a été sans pitié avec ses anciens petits camarades restés fidèles à son père en politique, Didier Reynders. Désormais, il s’évertue surtout à mettre en place des "bouchéèns" qui lui seront fidèles. Du point de vue de Georges-Louis Bouchez, le départ de Crucke est sans doute plus une victoire qu’une défaite. Une manière de tuer le père, une fois de plus.

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