Subtile adaptation d’un grand roman de résilience. CRITIQUE***
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Scène
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© Laurence Vincent
Subtile adaptation d’un grand roman de résilience. CRITIQUE***
Il est toujours délicat pour un metteur en scène d’adapter un roman au théâtre, comme il est troublant pour le spectateur qui a aimé le livre, de voir soudain des acteurs imposer leur visage et leur voix à des personnages qu’il avait peut-être imaginés tout autres.
Pas de crainte à avoir ici : grâce à la liberté et à la distanciation que permet le théâtre, vous retrouverez la complexité et l’intensité du récit d’Emmanuel Carrère. Claude Enuset a choisi de porter l’oeuvre à travers deux protagonistes, l’écrivain et sa femme Hélène, incarnés par les excellents Xavier Campion et Stéphanie Van Vyve. A travers leur témoignage, ils donneront vie aux autres personnages, à leurs histoires croisées, leurs épreuves et leur résilience. Aucun décor ne vient illustrer des lieux ou des instants précis : vous ne verrez que trois chaises sur un plateau nu et un écran qui accueille de rares images bien choisies. Seuls comptent la parole qui s’échange et les mondes qu’elle laisse entrevoir.
Vous n’avez pas encore découvert ce livre bouleversant ? Cette belle adaptation réussit à vous en capter les moments les plus forts, les émotions les plus vives. Vous souvenez-vous du tsunami qui a dévasté les côtes de l’Océan Indien en décembre 2004 ? Alors qu’ils se trouvent en vacances au Sri Lanka, Emmanuel Carrère, sa compagne et leurs enfants échappent de peu à la catastrophe. C’est le déclic qui amènera l’auteur à mettre en lumière ces autres vies, la vie de personnes plus ou moins proches, croisées en chemin et qui l’ont bouleversé. C’est la vie de Jérôme et Delphine, les parents de la petite fille emportée par le tsunami. La vie de Juliette, la sœur de sa compagne, en lutte contre un cancer qui l’emportera à l’âge de 33 ans. Celle de Patrice, le mari de Juliette, et d’Etienne, son ami et collègue au tribunal de Vienne (Isère) où elle était juge. Armés des lois sur l’endettement et de leur généreuse obstination, les deux juristes ont consacré leur carrière à sauver des pauvres de la ruine.
Contrairement à ce qu’affirmait Gide, il peut arriver que l’on fasse de la bonne littérature avec de beaux sentiments, et "D’autres vies que la mienne" en est un exemple audacieux. Emmanuel Carrère réussit, sans jamais céder au pathos, à sonder notre capacité d’empathie et de solidarité ; loin de la désespérance et du cynisme ambiants, il éclaire ce qui unit les humains plutôt que ce qui les sépare. En ces temps de pandémie où l’on célèbre les héros du quotidien, ce spectacle vient à point nommé.
D’autres vies que la mienne d’après le roman d’Emmanuel Carrère
Adaptation et mise en scène : Claude Enuset
Jeu : Xavier Campion et Stéphanie Van Vyve
A voir à l’Atelier Théâtre Jean Vilar jusqu’au 30 octobre
Attention ! Les représentations des 27, 28 et 30/10 sont avancées à 19h30. Les nouvelles mesures sanitaires sont respectées scrupuleusement.
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