Entrez sans frapper

Daft Punk, la genèse d’un hymne à la joie

Daft Punk au BESTIVAL Festival sur l’île de Wight en 2016

© Getty Image /2016 Joseph Okpako, Wirelmage

Par Bénédicte Beauloye via

Genèse d’un groupe qui a révolutionné l’histoire de la musique au milieu des années nonante. Ils créent la surprise et l’engouement pour un son nouveau. En 1996, leur premier tube ‘Da Funk’ conquiert le monde. La musique électronique devient mainstream, la French Touch est néeUn duo d’écrivaines, Pauline Guéna, romancière et Anne-Sophie Jahn, journaliste au Point, retrace l’ascension du groupe dans le livre Daft aux éditions Grasset. Anne-Sophie Jahn évoque pour ‘Entrez sans frapper’ les débuts des deux garçons.

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Une petite brique pour l’édifice de leur musique

Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo sont issus de la bourgeoisie et de l’aristocratie parisienne. Ils se rencontrent au lycée et cultivent d’abord leur passion pour les classiques du cinéma. Ils ont dix-sept ans et la musique les intéresse bien sûr aussi. Ils acquièrent une large érudition musicale avec l’aide de l’encyclopédie de l’époque : le disquaire.

" Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on a oublié. A l’époque, il n’y a pas Shazam, il n’y a pas internet. Quand on aime un morceau, il faut le chantonner au disquaire et essayer de lui faire deviner, même si on ne parle pas anglais et qu’on ne connaît pas les paroles (rires). Il y a des lieux comme cela dans Paris qui regroupent la jeunesse un peu bouillonnante. C’est comme une école. Ces deux garçons, grâce à Daniel Dauxerre (NDLA : le disquaire au New Rose), vont découvrir plein d’univers musicaux. Ils vont chercher des choses très particulières et se nourrir, se nourrir, se nourrir, et devenir ce qu’ils sont. Chaque disque trouvé là-bas va être une petite brique pour l’édifice de leur musique. "

Musique de punks stupides

Leur premier groupe 'Darlin' était rock avec un son garage. Un 45 T est sorti sous le label du groupe 'Stéréolab', et de là est arrivée une mauvaise critique d’un journaliste du ‘Melody Marker’ qui qualifiera leur morceau de musique de punks stupides’. Ils reprendront le compliment comme nom pour leur nouvelle formation. Car ils abordent maintenant un style complètement différent à la suite d’une soirée qui changera le cours de leur vie. Ils se sont retrouvés sur les toits de Beaubourg dans une rave party avec aux platines le producteur du légendaire ‘Screamadelica’ de Primal Scream : le Dj Andrew Weatherall. C’est une révélation.

La réintroduction de la joie dans la musique

"Ce qui est intéressant avec Andrew Weatherall, et cet album ‘Screamadelica’, c’est qu’il est aussi dans la transition entre le rock et l’électronique. Et c‘est exactement ce que sont en train de faire les Daft Punk, au niveau du look, des références. Ils évoluent vers une musique qui est totalement nouvelle. Aujourd’hui ça paraît fou, parce qu'on n'arrive pas à imaginer que la musique électronique soit réservée à une toute petite niche de centaines de personnes. Personne n’écoute cette musique, même dans la jeunesse, c’est une toute petite minorité. Eux arrivent dans cette rave […] et là ils vont découvrir un son totalement nouveau. Au-delà du son qui va les remuer profondément, ce qui va les fasciner c’est que, contrairement à la scène rock où on ne danse pas, avec une bière à la main en hochant vaguement la tête, là c’est une explosion de joie, de couleurs, et tout le monde danse ! Les gens suent, dansent, s’amusent, c’est la réintroduction de la joie dans la musique."

Musique de chambre

Les voilà lancés dans leur ‘home studio’. La chambre de Thomas, à Montmartre. Tous deux sont nés dans le quartier qui deviendra le cœur de la musique électronique. Disquaires, djs, ingénieurs du son, là on discute sur les samplers, on échange sur les nouvelles technologies. Ils recherchent les nouvelles machines mais aussi les anciennes. Thomas investit tout son argent de poche. Son père Daniel Vangarde est un producteur de musique disco, mais ils refusent d’utiliser le studio professionnel. Le son doit être bricolé, bidouillé. Ils s’entraînent, tripotent les boutons. Thomas c’est l’artisan, les mains dans les câbles. Guy-Manuel a plus de recul, il fait l’analyse artistique. Ils trouvent leur son assez vite. Après leurs premiers morceaux, ’The new wave, ‘Alive’ puis ‘Rolling and scratching’,  Da Funk’ qui devient un tube. Une bombe que les maisons de disques vont convoiter.

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A prendre ou à laisser

"C'est incroyable car ce sont des gamins. Normalement quand on fait un tube et que toutes les majors se pressent à la porte pour nous signer, on ne réfléchit pas. D’ailleurs beaucoup de groupes se sont fait avoir comme cela. A l’époque, c’était le Graal de signer avec une major, l’industrie du disque n’était pas du tout ce qu’elle est aujourd’hui. La musique indépendante existait mais elle n’avait pas du tout la même portée. Les majors avaient donc un pouvoir énorme. Tout le monde se bat pour les signer, mais eux, ils prennent leur temps. Ils imposent leurs conditions qui sont hallucinantes. Ils gardent tous les droits de leur musique, ils ne donnent qu’une licence d’exploitation. Ils imposent les conditions de promotion et distribution. Pour avoir une liberté artistique totale, ils ont complètement composé, enregistré et produit leur album à la maison. Ils n’invitent les maisons de disques à écouter la K7 dans la chambre de Thomas que quand l’album est terminé ce qui est totalement inédit. Ils disent : ‘Voilà, c’est à prendre ou à laisser’.

C’est Virgin qui signera avec eux leur premier album ‘Homework, les débuts d’une ascension vertigineuse qui se terminera le 22 février 2021 par l’annonce de la séparation de leur duo dans une vidéo intitulée 'Epilogue' après vingt-huit ans de carrière, 4 albums, 23 morceaux. Seulement.

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