Le film est entièrement raconté du point de vue Dalva, qui est sous l’emprise de son père au départ, mais va en sortir progressivement.
Oui, Dalva vit seule avec lui, sans présence maternelle. Elle est déscolarisée, sans contact extérieur. En fait, son père en a fait sa femme. Elle est dans un déni très puissant, qui la protège de toute lucidité face à sa situation. Elle se raconte qu’elle et son père vivent une histoire d’amour que personne ne comprend. Mais le thème de l’inceste est un point de départ, je ne voudrais pas que mon film soit réduit à cela. Ce que je voulais avant tout, c’est raconter une histoire de reconstruction, d’émancipation. Un chemin vers la lumière.
Comment avez-vous trouvé votre Dalva en la personne de Zelda Samson ?
C’était un énorme casting sauvage. (NDLR : contrairement au casting ‘classique’, le casting ‘sauvage’ implique de trouver des acteur·ices non-professionnel·les, NDLR) Je cherchais une jeune fille qui vienne d’un milieu social de classe moyenne, voire aisée, qui ait une certaine maîtrise du langage. Quelqu’un qui ait un port de tête, une grâce… En Belgique comme en France, on a déposé des annonces dans des centres équestres, des écoles de danse classique, des écoles de musique, des académies de théâtre… En tout, on a reçu 5000 candidatures ! Parmi tout ça, il y avait la vidéo de Zelda.
J’ai eu un coup de foudre absolu devant cette fille de 11 ans qui se filmait toute seule dans sa chambre. Elle avait une grande maîtrise du langage, elle parlait avec un vocabulaire très soutenu. Elle expliquait qu’elle voulait devenir astrophysicienne spécialisée dans la matière noire, elle se voyait prix Nobel, elle avait un discours très féministe sur les garçons de sa classe. Et elle avait une aisance aussi, alors que d’habitude on est tellement gêné à cet âge-là. Son visage est très "cinégénique", sans être d’un âge précis. J’ai été touchée par ce mélange de candeur et d’assurance.
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Vous avez senti que c’était elle ?
Je travaille aussi beaucoup dans le casting, et quasiment uniquement dans le casting sauvage, parce que j’adore ça, c’est profondément ça qui m’intéresse. Et oui, de mon expérience, je crois que c’est comme une histoire d’amour, la personne que tu trouves, c’est une évidence, ça te touche au cœur. Mais il fallait ensuite convaincre les productrices, parce qu’il fallait quand même une certaine dose d’imagination pour voir Dalva là-dedans. Il faut savoir que quand je trouve Zelda, on est au deuxième jour du casting, sur un processus qui a duré en tout 4 mois. Je ne regrette pas d’avoir été jusqu’au bout de ce processus, parce que c’est le rôle-titre, elle porte tout le film, donc il ne faut pas avoir de regret !
A quel point c’était important pour vous que la comédienne qui joue Dalva ait une distance, soit protégée par rapport au sujet du film ?
Jamais je n’aurais eu l’idée de travailler avec une jeune fille qui aurait vraiment vécu un inceste, par exemple. Pendant le processus de casting, quand je contactais les jeunes filles, je discutais aussi avec leurs parents, pour leur expliquer que le film parlait d’inceste. La plupart disaient que leur fille ne connaissait pas ce mot, qu’ils et elles leur en parleraient. Avant de tourner, Zelda a eu une longue discussion avec ses parents, elle a compris de quoi il s’agissait. Ensuite, elle a été suivie pendant le tournage par une psychologue.