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Damso, le nouvel atout des reines de la pop

Damso et Selah Sur sur le tournage de "Wanted you to know".

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Par Hannah Sibomana

Selah Sue et Damso ont sorti le single de “Wanted you to know” ce 25 mars.  Le clip, sorti quelques heures plus tard, montre les deux artistes en mode Bonnie & Clyde. Brouillard, château, cuir et arbalètes, le tout donne une ambiance mi-mafia, mi-noblesse.

"Démons" avec Angèle, "Dégaine" avec Aya Nakamura, "Wanted you to know" avec Selah Sue... Damso multiplie les collaborations en back to back avec des artistes féminines. Ça peut paraitre surprenant, vu la réputation sexiste et misogyne qui colle à la peau de l’artiste. Serait-ce un signe d’évolution de la place de la femme dans l’univers du rappeur ?

Une étiquette sexiste

L’idée d’un Damso misogyne s’est développée dès le début de sa carrière. En 2014, il sortait déjà des morceaux comme Ma putain”, où on entend des paroles comme "Mais bon, si t’insistes comme une pute, je te mettrai que dans le uc’". Cette poésie noire, qui mélange vulgarité et métaphores profondes, est devenu la marque de fabrique du rappeur.

Hymne du Mondial de 2018

Le bad buzz s’est amplifié lorsque l’artiste a été sélectionné par l’Union belge pour composer l’hymne des Diables rouges, en vue du Mondial de football de 2018. Suite à cette décision, le Conseil des femmes, un ensemble d’organisations féministes, a rédigé une lettre ouverte demandant le retrait de Damso pour l’interprétation de l’hymne. Elle dénonçait les propos sexistes véhiculés dans les titres de l’artiste. Le problème ne venait pas de la chanson écrite pour le Mondial, qui ne contenait pas de paroles particulièrement problématiques, mais de l’image générale du rappeur.

La collaboration entre Damso et les Diables a finalement été annulée, suite à cette lettre et ces critiques. Le titre s’est quand même retrouvé dans la track list de l’album “Lithopédion”.

Même si le projet n'a jamais abouti, il n'a pas été sans conséquences. En effet, une nouvelle catégorie de personnes a découvert Damso et un débat national s’est ouvert : Damso et le rap, c’est sexiste ?

Une première réponse

Damso a répondu à ces accusations, notamment lors d’un entretien au Parisien en 2018, en disant qu’il n’insulte pas la femme. Il explique qu’il ne fait pas de généralités, il parle de ses expériences personnelles et non des femmes en général. Ce serait une question de franchise et non de sexisme...

Un Damso informé

Lors du passage de Damso sur Quotidien en 2021, il apporte une nouvelle réponse aux accusations. Le rappeur dévoile avoir lu une dizaine de livres sur le féminisme, suite à la polémique. Il passe par des autrices comme Virginie Despentes et Simone de Beauvoir pour comprendre la misogynie, qu’il considère être un problème éducatif et sociétal.

Si je viens dire a quelqu’un qu’il est raciste et qu’il me dit non, mais qu’il a fait quelque chose de raciste, ça va m’énerver. Donc c’est pareil. On me dit quelque chose, je vais, j’apprends et je lis, et puis voilà j’avance.

Il conclut qu’il ne comprendra jamais ce que c’est d’être une femme mais qu’il peut au moins s’éduquer sur le sujet. Il affirme tout de même qu'il n’a jamais eu de comportements sexistes mais plutôt grossiers.

Qu’en pensent les féministes?

Une féministe bien connue des Belges et liée à Damso, c’est Angèle. La chanteuse a fait deux feats avec le rappeur et l’a suivi, en première partie, lors de l’Ipséité Tour. Certains voient cette relation comme contradictoire, un paradoxe que reconnait l’artiste dans une vidéo de Sept à huit. Elle y explique qu’elle n’est pas d’accord avec les paroles du rappeur. Elle rejoint l’idée que ses textes, et ceux des rappeurs en général, sont parfois sexistes. Elle insiste cependant sur la dissociation entre les paroles et les artistes. Ce n’est pas parce qu’elle pense que Damso dit des choses misogynes, que lui est une personne misogyne. De plus, elle pense que leur collaboration permet de toucher un nouveau public. Les fans de Damso semblent avoir l’habitude de consommer du contenu sexiste, c’est donc l’occasion de les confronter à une artiste et à des idées féministes.

[…] Arriver en première partie seule sur scène avec mes textes, avec mes chansons, j'avais un peu l'impression d'aller sur le terrain. Je me suis dit que j'allais aller face à des mecs qui ne savent peut-être même pas ce qu'est le féminisme[…]

 

Une question de racisme?

Françoise Vergès, une politologue et féministe française, a également réagi à la polémique Damso, dans une vidéo d’Alohanews. Elle ne cautionne en aucun cas les propos de l’artiste mais souligne une injustice. Elle associe sexisme et racisme et dénonce une stigmatisation de certaines communautés dans notre société.

Cette focalisation sur le rap est une focalisation vraiment raciale et de classe. […] C’est stigmatiser une communauté, parce que quand on dit ça, on pense aux rappeurs noirs ou musulmans, on ne pense pas aux rappeurs blancs.

Elle ajoute que le sexisme est aussi présent dans le rock et la chanson française mais que ces genres musicaux ne sont pas condamnés. Elle conclut en dénonçant une volonté de filtrer cette "musique venue d’en-bas" qui parle de classe, d’exclusion, de racisme, de sexisme et de mémoire.

Le nouveau statut de Damso

En quelques années, Damso est devenu un incontournable de la musique francophone. Les artistes de la pop française le valident de plus en plus, que ce soit pour sa musique, ou même pour son écriture. En effet, en 2020, Louane a fait appel au rappeur pour écrire son titre “Donne-moi ton cœur" et Kendji Girac pour son titre "Maria, Maria". Ces collaborations ont dévoilé un réel talent d’adaptation de Damso : savoir passer de son public à celui d’Angèle, Louane ou encore Selah Sue montre que son génie musical ne s’arrête pas à ses métaphores vulgaires.

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