Football

Daniel Boccar : "Inciter les Amateurs à rester dans les clous"

"Nous ne sommes pas un organe répressif, mais nous avions un cadre à mettre en place"

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Daniel Boccar, le secrétaire général de l’ACFF fait le point sur la nouvelle orientation donnée au football amateur. Il la veut plus en accord avec les règles de la société civile, plus respectueuse de ceux pour qui les fins de mois sont compliquées.

Licences et obligations pour les clubs amateurs, entraîneurs diplômés UEFA-A en séries nationales, rémunérations exemptes de fiscalité pour les joueurs de provinciales, calendriers des compétitions, équipe "tremplin", matches filmés, Nationale 1 entièrement francophone, faits de racisme, affaires disciplinaires par vidéoconférence, équipes U23 dans les séries nationales, prochain président et secrétaire général du foot francophone. Tels sont une partie des sujets brûlants, parmi d’autres, évoqués en notre présence par Daniel Boccar, le secrétaire général du foot francophone.

Le Stratois de 62 ans, qui fut entraîneur du RFC Liège, puis du Standard durant la saison 1997-1998, avant de s’occuper de Wiltz, Sprimont ou encore Montegnée est par la suite devenu une personne qui compte lors de la scission du foot belge. Dans cet entretien, il s’exprime sans langue de bois, de manière ferme, en veillant à ne pas sortir de sa fonction et à ne choquer personne.

Pour lui, plus que jamais, le foot amateur dont il a aussi la responsabilité ne doit se croire en marge de la société. Il doit être en accord avec le Code civil.

Daniel Boccar, d’ici une petite quinzaine de jours, les clubs de D2 et D3 acff devront commencer à rentrer leur demande de licence pour la prochaine saison. C’est une première chez les Francophones et certaines entités n’ont pas tous leurs apaisements…

"On ne peut pas dire que nos clubs n’ont pas eu le temps de s’y préparer. La décision avait été prise il y a quatre ans. Elle a été gelée avec les championnats chamboulés par l’arrivée du Covid. Qu’on ne parle pas ici de révolution : ce que l’association des clubs de foot francophone (ACFF) demande à ses clubs correspond à ce qu’on est en droit d’attendre de n’importe quelle organisation qui respecte des lois.

À une époque où bon nombre de citoyens rament pour boucler une fin de mois, il n’est plus possible de concevoir que des rémunérations dans le football s’effectuent de main à main, ne s’appellent pas salaires, échappant ainsi aux lois sociales et à l’ONSS. Payer des joueurs, des entraîneurs, des comitards, cela représente aussi un bon paquet d’argent. Il est cohérent qu’on réglemente, qu’on organise tout cela. Nous ne pourrons jamais empêcher le marchand de mazout ou le boucher du coin de payer sous la table une prime de transfert, de montée ou les buts inscrits par un attaquant.

Mais après avoir vu débarquer l’auditorat du travail à droite et à gauche dans des petits clubs, l’ACFF doit aussi montrer qu’elle met tout en œuvre pour inciter les clubs à rester dans les clous.

Nous ne sommes pas un organe répressif, mais nous avions un cadre à mettre en place.

À ce stade, nous devons encore avoir des accords au niveau du SPF finances pour des plafonds financiers en matière par exemple d’exemption de cotisations. Mais que les dirigeants généreux fassent attention : offrir certains montants deviendra vite un contrat pro, avec toutes les obligations qui en découlent."

Le foot provincial va aussi devoir montrer patte blanche en vue de la prochaine saison ?

"Oui. Le vote du texte global aura lieu en février, mais nous ne ferons pas marche arrière. Là aussi, il sera question de présenter un budget d’avant-saison, de faire une déclaration sur l’honneur de bonne gouvernance, d’un montant de primes variables et fixes qu’il ne faudra pas dépasser sur une saison pour échapper à la taxation, de paiements digitaux, d’interdiction d’apports financiers par un tiers n’ayant rien à voir avec le club, personne morale."

"L’Uefa précise bien qu’en dehors d’une province, d’un district ou d’une région, l’entraîneur doit posséder le diplôme Uefa-A."
"L’Uefa précise bien qu’en dehors d’une province, d’un district ou d’une région, l’entraîneur doit posséder le diplôme Uefa-A." © Bughin

19 entraîneurs principaux des D3 n’ont pas l’Uefa-A

Un des points qui agace bon nombre de dirigeants de la D3 acff a trait à l’obligation de posséder un entraîneur principal diplômé UEFA-A dans les conditions de l’obtention de la licence.

"Cette saison, seulement treize des trente-deux coaches principaux des deux séries en question possèdent le fameux sésame…

Il y a des grincements de dents. Mais pour ma part, il n’est pas question que nous nous mettions hors-jeu par rapport à l’UEFA, laquelle détermine les seuils. Or, l’organe européen précise bien qu’en dehors d’une province, d’un district ou d’une région, l’entraîneur doit posséder le diplôme UEFA-A. Les cours représentent une dépense excessive ? Les Luxembourgeois se plaignent de devoir faire trop de kilomètres pour les suivre ? Soyons sérieux. Je le répète, voici quatre ans que chaque club connaît cette règle. En D3 acff, certains payent l’amende de 168 € chaque week-end pour l’absence de diplômés (ndlr : C’est 200 € en D2 acff).
Ils seraient peut-être mieux inspirés de participer au coût pour l’entraîneur apprécié et désirant se mettre en ordre. Mais l’investissement sur toute une carrière n’est pas non plus la mer à boire pour un coach de niveau national. Une bonne partie de ces cours, c’est de l’e-learning. On apprend, à partir de chez soi.
Lorsque l’ACFF organise une session à Neufchâteau car il y a vingt-deux promesses d’inscriptions, qu’elle paye donc des formateurs, on se retrouve avec cinq entraîneurs vraiment inscrits !"

Les conditions de licence ont-elles posé des soucis chez les Flamands, qui l’expérimentent déjà cette saison ? Des clubs ont-ils été rétrogradés ?

"Pas à ma connaissance. Juste peut-être un souci avec une P1. C’est aussi cela qui me fait dire que cela fonctionnera bien de notre côté aussi. Nous serons les partenaires des clubs pour qu’ils soient en ordre. Pas question d’être perçu comme un organe qui cherche à mettre dans l’embarras envers et contre tout. Deux managers sont désignés à l’ACFF pour répondre à toutes les sollicitations.

Dans les conditions d’obtention de la licence, nous sommes même plus "light" que l’Aile flamande en matière de postformation. Chez eux, dans les deux ans, chaque club doit aligner un certain nombre d’équipes de jeunes en championnat. La durée pour se mettre en conformité est de quatre ans chez nous. Pour le moment, nous demandons juste que chaque club de D2-D3 acff possède une équipe tremplin vers l’équipe principale. Soit une équipe B, soit U17, réserve ou autre, disposant d’un coach UEFA-B à sa tête."

Il serait aussi question d’inclure dans les conditions de licence l’obligation pour les clubs de D2 acff d’être partenaire-abonné d’une société capable de retransmettre dans un bon format et de bonnes conditions les matches officiels durant la saison ?

"L’ACFF y réfléchit sérieusement. On proposera ce point au vote. L’objectif reste toujours de donner à chacun la possibilité d’étudier le jeu et les joueurs adverses sans avoir à se déplacer.

Dans un second temps, le club peut utiliser aussi le procédé pour du pay-per-view et du commercial. En nationale 1, Visé et Liège le font avec un certain succès. J’en conviens : notre premier essai avec la société Sport Total n’a pas été une réussite. Les caméras ne fonctionnaient pas bien.

Nous sommes en procès. Depuis, nous nous dirigeons vers une collaboration avec la marque VEO.

Lors d’une réunion à cet effet, le Léo Uccle, club de D3 acff a pu montrer à tout le monde comme cette société était au point. Nous trouverons bien un budget pour aider les clubs à avoir le matériel nécessaire dans un premier temps. Puis, il y aura sans doute une location annuelle raisonnable à respecter."

"Je suis prêt à envisager l’option d’une Nationale 1 francophone"
"Je suis prêt à envisager l’option d’une Nationale 1 francophone" © Tous droits réservés

"Des juges sans lien possible avec des gens ou des clubs dans leur rayon d’action"

Où en est l’ACFF et l’idée de privilégier des comparutions virtuelles pour des affaires disciplinaires qui le permettent ?

"On va y arriver, peut-être déjà la saison prochaine en ce qui concerne les transactions. Les Flamands y sont, avant nous. Il faut permettre à tout le monde de pouvoir s’exprimer. Durant la période Covid, nous avons pu voir combien la vidéoconférence faisait gagner du temps. Les arbitres, qui ne se déplaçaient pas toujours vont pouvoir mieux collaborer aux débats. Les parties concernées aussi.
Dans le cadre de la bonne gouvernance, il me paraît indispensable d’avoir par ailleurs des juges sans lien possible avec des gens ou des clubs dans leur rayon d’action."

A travers des équipes U23, venues du monde pro dans le championnat amateur, on a pu constater récemment que les dirigeants de ce niveau connaissaient mal leur règlement en matière de qualification de joueurs ?

"Avant tout, je noterai qu’en matière de qualité de jeu, de matches, l’expérience, à l’essai pour deux saisons de clubs U23 chez les amateurs est une franche réussite. Les clubs de D2 acff m’ont déjà fait part du bon niveau rencontré. Quant aux erreurs sur les feuilles de matches, l’Union et Seraing n’ont pas encore le même encadrement, la même structure jeunes que des Bruges, Anderlecht, Standard, Gand et Genk, pour ne citer que ceux, lesquels souhaitaient ce type de projet depuis de longues années. Dans le championnat U21, entre clubs pros, on s’arrange pour aligner un joueur Camerounais en test. La même démarche n’est plus possible plus bas. Sans doute était-il écrit que certains devaient passer par une période d’adaptation."

En ce début d’année, des clubs de séries nationales ont regretté manquer d’interlocuteurs disponibles par exemple pour gérer le mercato hivernal. Un joueur de provinciale pouvait-il être recruté par un club de niveau supérieur pour évoluer en équipe A, un joueur affilié et transféré avant le 17 décembre pouvait-il disputer le match de reprise etc.

"Trop de dirigeants fonctionnent encore avec de vieux réflexes, tentant de solliciter des contacts qui ne sont pas au bout de la ligne à tout moment. Je ne peux qu’inciter tout qui a une question précise à la formuler via le service desk de l’ACFF avec le manager général (Daniel Boccar) en copie. Il aura une réponse dans les trois heures. Les outils technologiques de notre association sont de plus en plus élaborés. Quick off, qui date de 2014 est notre locomotive. Tout n’est pas parfait, mais quelle somme d’informations déjà avec cet outil.

La sixième province qui rassemble les clubs francophones de N1, D2 et D3 est appelé à être encore davantage le relais des clubs amateurs. Christian Bartosch, membre liégeois qui en fait partie est également membre du Comité supérieur de l’Union Belge (COSU). Il est donc le premier à nous faire part de tout ce qui est nouveau au niveau fédéral."

"Une entité avec un président et un secrétaire général devient d’un autre temps."
"Une entité avec un président et un secrétaire général devient d’un autre temps." © Tous droits réservés

"Prêt pour une N1 francophone"

Y a-t-il encore beaucoup de dirigeants francophones pour défendre l’existence un jour d’une Nationale 1 uniquement francophone ?

"Je suis prêt à envisager cette option. Pour le moment, nous n’avons encore que six ou sept clubs compétitifs pour le niveau, mais avec quatre ou cinq de plus, il faudra saisir l’occasion.

Le talent francophone est plus que jamais présent chez les Diables et les Espoirs. Il n’y a jamais eu autant de clubs francophones dans le monde professionnel. Et s’il y avait une N1 francophone, cela voudrait dire que le champion aurait un accès direct vers le monde pro. Même si cela contrarie les Flamands, il est acquis qu’il n’y aurait pas un match de barrage avec les Néerlandophones pour une montée.
Plus bas dans la hiérarchie, nous avons assoupli les conditions d’octroi de licence en Nat.1 Ces différentes perspectives doivent inciter les clubs à regarder vers le haut. Je me réjouis quand j’entends que Verlaine, renforcé par quelques dirigeants ayant connu le monde pro pense à demander cette licence. Bien sûr, il faut être solide sur ses bases et faire vivre le club au quotidien comme une vraie entreprise. Dépendre de l’apport d’un seul homme reste risqué.

Dans la province de Liège, depuis un moment, j’aime épingler les clubs de Wanze Bas Oha et Elsautoise. Même s’ils sont en provinciales, on y travaille intelligemment à tous les échelons."
Plusieurs voix se sont aussi élevées avec le report d’une journée remise en décembre le premier week-end de janvier en D3 acff. Des entraîneurs et des joueurs avaient programmé des vacances à cette date-là sous prétexte que rien n’était encore envisagé quelques semaines auparavant ?

"Faux. C’était un week-end prévu pour une éventuelle remise. Ici encore, il faut savoir ce qu’on veut. Entre le 20 juin et le 15 juillet, le manager interprovincial a questionné les clubs, via la sixième province, entité représentative, sur leurs souhaits en matière de calendrier.

Si ces mêmes clubs ne veulent pas démarrer la saison à la mi-août et qu’il faut terminer les tours finaux pour la fin mai, on n’a plus tellement le choix avec les dates de remises possibles.

Si les clubs le veulent, on peut imaginer une trêve hivernale du 20 décembre au 15 janvier, mais alors, il faudra accepter de démarrer le championnat plus tôt et de jouer parfois en semaine."

Vers un directeur général à l’ACFF ?

L’Acff est confrontée ces derniers mois à des dossiers de racisme, à chaque fois autour de l’équipe quasi 100% d’origine africaine de Durbuy, en D3 acff.

"Depuis 1950, j’ai toujours entendu parler de faits de racisme. J’ai moi-même entraîné une équipe de Montegnée, projet panaméen, avec des joueurs sud-américains et anglais. Nous étions souvent les victimes de quolibets en tous genres au bord du terrain. Je peux donc comprendre le manager Ousmane Sow lorsqu’il entend certaines réflexions. Je lui conseille de mordre sur sa chique en pareille situation. Fait-il tout ce qu’il faut de son côté, dans les règles de l’art ?
Attention, je ne juge personne, encore moins si je n’ai pas tous les éléments à ma disposition, mais beaucoup de situations, liées à la violence verbale et physique, l’argent sont aussi déformées par les réflexions de certains sur les réseaux sociaux.

Or, selon mes calculs, ces personnes, souvent les mêmes, friandes du buzz ne représentent que 7 à 15% des clubs.

Pour en revenir aux faits de racisme, je reconnais que la Chambre de discrimination de l’Union belge s’occupant de ce genre de dossiers prend beaucoup trop de temps avant de statuer."

Le président David Delferiere annonce son départ en juin 2023, tandis que vous êtes personnellement à une saison et demie de la retraite. Vers quoi, vers qui se dirige-t-on à la tête de l’institution ? Aura-t-on, à l’ACFF un président brabançon, après un Liégeois, un Namurois et un Hennuyer ?

"Le prochain président sera issu du C.A. de l’Acff. Il n’est pas encore certain que David Delferiere se retirera de la course à sa succession. Pour le reste, je ne fais pas de calcul.

En ce qui me concerne, je ne suis et ne serai jamais un aventurier. Si mon employeur est content de la façon dont j’ai rempli la mission donnée, l’objectif est toujours atteint. J’aurai eu un beau petit parcours dans le monde du foot. Aujourd’hui, une entité avec un président et un secrétaire général devient d’un autre temps. Nous réfléchissons davantage à nous tourner vers l’idée d’un CEO, un vrai directeur général."

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