"Dans le regard" de Danièle Denisty, la maman de Nafissatou Thiam : "Certaines critiques sur ma fille me choquent"

"Nafi était une jeune gamine discrète, plutôt taiseuse très observatrice et appliquée. Donc elle est restée perfectionniste mais elle l'était déjà toute petite" explique Danièle Denisty au moment de décrire la jeune Nafi. 

Sa maman athlète de haut niveau, Nafi a baigné dans l'athlétisme dès son plus jeune âge. Tombée dedans quand elle était toute petite, elle a pourtant, pendant quelques temps, préconisé la balle orange : "Elle pratiquait le basket en même temps que l'athlétisme. Elle faisait ça pour s'amuser. Elle a dû attendre sa toute première compétition internationale pour trouver que c'était agréable et avoir envie d'y revenir."

En d'autres termes, même si elle affectionnait elle-même les épreuves multiples, Danièle n'a pas poussé sa fille à plonger la tête la première dans l'athlétisme. Au contraire même : "Plusieurs de mes enfants avaient décidé de commencer l'athlétisme. Donc, on prenait le train ensemble et je me retrouvais dans les tribunes à les attendre. Je ne pouvais pas rentrer chez moi parce que je n'avais pas de voiture et en 1h30, impossible de faire l'aller-retour en train. J'avais froid, donc c'est moi qui ai repris l'athlétisme parce que j'en avais marre de me retrouver dans les tribunes à ne rien faire" confie-t-elle avec le sourire.

Dérive fâcheuse du sport de haut niveau, certains parents projettent leurs propres ambitions dans leurs enfants et se retrouvent, parfois malgré eux, à mettre une pression d'enfer à leurs apprentis-sportifs. Une mentalité que Danièle Denisty a toujours tenté d'éviter : "Aucun parent ne peut investir dans une envie à la place de son enfant. Parfois, j'en vois sur les bords de piste qui sont plus acharnés et passionnés par le sport que l'enfant lui-même. Ce n'est pas comme ça que ça doit se passer. L'envie doit toujours venir de la personne proprement dite."

Nouées par la même passion, mère et fille ont donc gravi les échelons ensemble, en se renforçant mutuellement...sans forcément beaucoup parler : "Comment est ma relation avec Nafi ? Disons qu'on ne parle pas énormément. Parce qu'on se connaît bien. Il suffit que je lui téléphone ou que je lui demande n'importe quoi, rien qu'au son de sa voix, à l'expression, je sais s'il y a quelque chose qui ne va pas. Un traît qu'on a en commun ? La volonté, oui. Moi, je suis quelqu'un de très émotive. Je ne peux pas aller à une fancy-fair sans pleurer. Et quand en plus vous avez quatre enfants, vous passez votre vie à pleurnicher (rires). Par contre, quand il y a quelque chose à faire ou qu'on est dans le vif du sujet, je vais tout faire pour y arriver. Nafi elle a ce côté volontaire, quand elle veut quelque chose, elle met les moyens et elle est concentrée là-dessus à fond."

Double championne olympique en titre, championne du monde et d'Europe de l'heptathlon, Nafi n'échappe pas pour autant aux critiques. Et à écouter les dires de sa maman, certaines critiques font davantage mal à l'entourage que d'autres : "Parfois c'est choquant. La dernière fois, le titre de "Sportive de l'année" se jouait entre Nafi et Nina Derwael parce qu'elles avaient toutes les deux une médaille d'or olympique. Finalement, c'est Nina qui a été choisie. Quelqu'un a quand même dit que Nafi aurait dû faire une épreuve en plus pour espérer gagner le trophée, de la natation par exemple. Si elle avait gagné cette épreuve après, elle avait une chance. C'était aberrant. J'avais envie de lui répondre que quand on gagne un heptathlon olympique, on ne sait plus marcher pendant des jours après."

La maman s'est également épanchée sur les objectifs, parfois placés trop haut par le grand public : "On ne peut pas gagner tout le temps. Même avec la meilleure volonté du monde, même quand on fait partie des meilleures. Mais bon, il y a des critiques qui font plus mal que d'autres. La fois où elle avait eu une médaille d'argent et que tous les médias avaient titré que c'était un "échec". Une médaille d'argent ce n'est pas un échec. Enfin, pour moi ça ne l'est pas en tout cas..."

Une belle conclusion pour clore un entretien empli de sagesse.