Grandeur nature

Dans les Alpes du Sud, un lac azur s’entoure de vignes, forêts et torrents

© Jeremy Vanderlinden

Par Dominique Wauthy via

L’Embrunnais, c’est le lac de Serre-Ponçon dans les Hautes-Alpes. L’accent méridional se mêle ici au climat de montagne. Bienvenue dans des forêts d’exception traversées par des rivières torrentueuses. Neige et glace, printemps tardif et été torride façonnent un terroir et un territoire uniques

ITAC, entre Buëch, Durance et Ubaye

Pour randonner à pied ou sur un vélo Gravel, l’itinéraire touristique des abbayes chalaisiennes (ITAC) en met plein les sens à celui qui se lance sur ces chemins autrefois prisés des moines ou des muletiers. " Dix sites chalaisiens, un ordre monastique disparu depuis plus de six siècles, se découvrent en parcourant d’incroyables paysages et des richesses environnementales exceptionnelles. "  Daniel Meyer, un des initiateurs d’ITAC, a tôt fait de convaincre l’équipe de Grandeur Nature. Bâtisseurs exceptionnels, ces moines était aussi des éleveurs de moutons. Ce qui les a conduits à jalonner leurs itinéraires de transhumance, de la plaine de Crau proche de la Camargue aux massif alpins, d’abbayes, de prieurés, de fermes et autres moulins.

L’abbaye de Boscodon, entre les torrents du Colombier et de Bragousse, a été complètement reconstituée avec les pierres de la carrière toute proche autrefois exploitée par les moines bâtisseurs. Il y a près de dix siècles, les religieux de cet ordre proche des cisterciens, avaient puisés pierres et bois dans la forêt qui les entourait pour construire leur belle abbaye sur les hauteurs de Savines-Le-Lac. " L’itinéraire balisé (GR et PR), accessible à tous public, fait 120 km au total. Il suit en partie les chemins de transhumance entre les abbayes chalaisiennes. Cet ordre vertueux essaima 11 abbayes et deux prieurés à travers la Provence. La plupart sont en ruines… ". Clausonne, Valserfres, Boscodon, Le Laverq… Les chemins chalaisiens traversent des territoires sauvages, des forêts profondes, surplombent le lac de Serre-Ponçon, passent par des cols, remontent vallées et vallons souvent au son tonitruant des torrents.

Boscodon, forêt d’exception des Alpes du Sud

Forêt d’exception, c’est un label et bien plus encore. Dix-sept forêts françaises sont ainsi engagées dans une démarche d’excellence qui profite à la diversité et au grand public. Celle de Boscodon, entre les villages de Savinnes-le-Lac et Crots, domine le lac de Serre-Ponçon de ses 866 ha dont 583 sont boisés de pins, mélèzes, épicéas, sapins (Abies). ). " Dans ce site Natura 2000, où le bois mort importe autant que le vivant, pousse une des plus belles orchidées d’Europe. Le Sabot de Vénus fleurit fin mai d’une à deux fleurs par tige. La Sodanelle des Alpes est une autre vivace qui fleurit de mai à juillet près des névés, ces amas de neige durcie, ou dans les combes à neige ", précise Christophe agent ONF fier de sa sapinière d’exception. Des populations d’orchidées qui sont évidemment protégées par de la rubalise quand bûcherons et débardeurs oeuvrent pour sortir quelques grumes elles aussi d’exception.

Pouillot véloce et Grive musicienne donnent le ton parmi et rivalisent avec le Bec-croisé des sapins qui niche au sommet des résineux. Nocturnes, chouette chevêche et de Tengmalm restent invisibles et silencieuses. " Au temps des moines et du pastoralisme, c’était deux fois moins boisé. On a replanté des résineux au 19ème siècle sur le haut de la montagne pour lutter contre l’érosion. " Le torrent de Bragousse, celui bordant la sapinière à l’est et dont le belvédère est un incontournable des lieux, est un des plus puissants d’Europe. Lors d’une crue importante, plus de 200 000 tonnes de cailloux et blocs peuvent descendre vers le lac en moins d’une demi-heure. " Pour freiner les laves torrentielles, on a créé de petits barrages en séries, le dernier date de 2003 ". Aujourd’hui, c’est calme et plein soleil. On profite.

Entre Alpes et Provence, dans le pays de Serre-Ponçon

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Le lac, artificiel mais précieux

Le lac de Serre-Ponçon et ses 80 kilomètres de rives signe d’un bleu profond et scintillant l’entrée des Alpes. Il vit depuis plus de soixante ans au rythme de la Provence et du climat alpin. " Ce lac artificiel a été créé pour gérer les crues dévastatrices de l’Ubaye et de la Durance, et produire de l’hydroélectricité ", explique Alexis qui vit et travaille à Embrun. Il fournit aussi de l’eau pour les cultures via le canal de la Durance jusqu’à l’étang de Berre à 180 kilomètres d’ici. Il donne également de l’eau potable aux citadins de Marseille et d’Aix-en-Provence. L’eau basse en ce mois d’avril, on la doit à l’importante production électrique hivernale. Le lac baisse en moyenne de 20 mètres pour accueillir également la fonte des neiges au printemps. L’occasion de traverser le lac à pied sur le viaduc de Chanteloube. Le projet de ligne ferroviaire entre Gap et Barcelonnette a été interrompu à 10 kilomètres de son terme, à cause de la mise sous eau du lac en 1961. L’hiver on y marche au sec, l’été, on progresse jambes et pieds dans l’eau. " Ici, on peut skier le matin dans la station des Orres à 20 minutes, et puis pratiquer un sport de glisse sur le lac grâce au vent thermique qui se lève l’après-midi. " Aux activités comme la voile, le windfoil et le kitesurf, s’ajoute la baignade, autorisée et surveillée sur cinq plages.

© Jeremy Vanderlinden

Vins de montagne au domaine du Mont Guillaume

Dans leur vignoble de l’Embrunais, sur les Terrasses Le Petit Puy, Delphine et Emmanuel Berteloot ne craignent pas la concurrence des vins de Provence et du Côte du Rhône. L’altitude est pour eux une bonne réponse au changement climatique : " Notre vin bio n’est pas trop lourd, trop alcoolisé… ". Sur quelque 150 ha, ils ne sont qu’une dizaine de valeureux vignerons dans les Hautes-Alpes. " Ici, dans le Parc des Ecrins, entre 900 et 1000 mètres, on enregistre minimum trois semaines d’écart par rapport à la plaine. Un climat rude, mais nous avons des sols profonds qui limitent le stress hydrique ", précise le vigneron d’origine bourguignonne comme son épouse.

© Tous droits réservés

Les vignes étaient omniprésentes avant-guerre et l’exode rural ; le filoxera a aussi découragé bon nombre. " Sur ces côteaux sud, on profite de l’ensoleillement mais aussi de l’amplitude thermique importante grâce à la fraîcheur qu’apporte l’altitude ", affirme le couple qui travaille à la bourguignonne, là où Emmanuel a œuvré 30 ans durant pour un domaine. Vers 13 h, le vent se lève sur le lac de Serre-Ponçon ; idéal pour éviter les champignons dévastateurs. " Contre l’oïdium, j’ai appliqué trois traitements légers au soufre la saison passée. " La taille de la vigne se termine sur ces hauteurs en avril. Les Berteloot découvrent encore des cépages pour élaborer des vins élégants, fins et délicats. Comme le mollard, un type de raisin alpin dont les arômes évoquent les fruits noirs frais. " Chaque parcelle est vinifiée à part. On peut produire des micro-cuvées. On fait petit mais authentique. " Des fûts de chêne bourguignons de 2-3 ans accompagnent les vins jusqu’à la mise en bouteille. On déguste " Entre lac et montagne ". Une bouteille bien nommée tirée de jeunes syrahs dont la quintessence est rendue à travers un parfum de violette et un goût de fruits rouges.

De la farine au Moulin Céard

Depuis deux siècles et plus, la famille Céard fait tourner le moulin de Saint-André-d’Embrun. La sixième génération relance avec succès la filière du blé tendre dans un outil ultramoderne. La dernière mise à niveau de la centrale énergie de l‘entreprise date de 2007. Les meules, autrefois directement actionnées par la seule force de l’eau, ont été remplacées depuis des décades déjà par l’électrification de cylindres. Le blé, qui rentre par camions propres à l’entreprise, sera utilisé pour produire du son et de la farine. " Nous utilisons l’hydroélectricité comme force motrice, ce qui nous assure une totale autonomie et indépendance énergétique, explique Guillaume. Nous avons créé une filière locale 100% française et provençale qui garantit un prix au cultivateur et une farine de qualité aux artisans-boulangers ". Semences certifiées, variétés de blé tendre et production régionale assurent de bons assemblages lors des moutures. " Lou Pan d’Ici, c’est le label Farine 100% Sud. Elle garantit la traçabilité, le bilan carbone, mais aussi les paysages. Ils sont essentiels pour un tourisme de qualité. "

© Tous droits réservés

On quitte Guillaume, le temps d’une bière locale à l’Apex à Chorges : une " Dure à cuire ". La brasserie artisanale de Serre-Ponçon réduit, elle aussi la quantité d’eau utilisée pour sa production bio. L’eau de source des Ecrins utilisée pour le brassage s’ajoute à l’engagement environnemental qui transforme une partie des déchets en biogaz sur le site de production.

Grandeur Nature

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Une destination accessible depuis Bruxelles-Midi avec le TGV Inoui.

Grandeur Nature cest dimanche de 13h à 15h sur Vivacité et à tout moment en podcast sur RTBF Auvio !

Ensemble pour la planète, des contenus pour comprendre et agir, à retrouver sur RTBF. be et RTBF AUVIO !

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous