Chronique littérature

D’autres étoiles, un conte de Noël qui rend visible les invisibles

© Editions Mercure de France

D’autres étoiles est le titre du roman de cette semaine qui paraît aux éditions Mercure de France.

"Un conte de Noël", c’est le sous-titre de ce premier roman de l’auteure norvégienne Ingvild H. Rishøi. Et en effet, c’est un conte moderne à la Andersen, à la Dickens avec une dose bienvenue de merveilleux. Parce que l’histoire n’a rien de féerique, c’est le regard posé qui l’est. Nous sommes dans un quartier pas très favorisé d’une ville norvégienne, qui pourrait être n’importe où, avec beaucoup d’immigrés. Là, deux jeunes sœurs, l’une de dix ans, l’autre de seize ans, vivotent seules avec leur père. Un père qui les adore, mais négligent, et incapable de conserver un travail, un homme plus porté sur la bouteille, les pots et les potes que sur les responsabilités.

Et c’est bientôt Noël… le concierge de l’école, un étranger lui aussi, ne perd pas cela de vue, et il donne à la cadette une petite annonce décollée d’un poteau, pour qu’elle l’apporte à son père. On embauche des vendeurs de sapins de Noël. Et miracle, il va y aller, il va travailler quelques jours et puis laisser tomber. En colère, l’aînée décide de reprendre le boulot et d’assumer, avant et après l’école. Et la petite la rejoint, et avec sa bonne bouille et sa gouaille elle gagne aussi des sous en vendant des couronnes. Ce n’est pas une sinécure, travailler dans le froid, la pluie, porter des arbres lourds et mouillés qui vous enfoncent leurs épines dans les moufles. Songez-y quand vous achèterez le vôtre !

L’histoire est plus réaliste que magique, mais là est le charme de cette œuvre, qu’on verrait plus dans une collection destinée à la jeunesse. Car d’un contexte sordide, d’une situation problématique, d’une précarité pas du tout souriante, l’auteur compose une petite musique pleine d’étoiles, d’humour, d’entraide et de dignité. Avec un voisin râleur et très à cheval sur le règlement, qui s’avère être très gentil, avec ce concierge d’école qui voit tout, avec des travailleurs précaires débrouillards et solidaires. Mais avec aussi des exploiteurs de pauvres, des profiteurs et des petites filles méchantes et stupides.

C’est un conte à lire en famille autour du sapin. Ce n’est sans doute pas une grande œuvre littéraire mais c’est un livre qui a le mérite de rendre visible les invisibles, ces près de 21% d’enfants qui vivent chez nous, en Belgique, sous le seuil de pauvreté. Un enfant sur trois à Bruxelles, est-ce qu’on se rend compte ?

Ce roman fait de très courts chapitres, donne à ces gamines un talent pour la survie, une poésie et un humour qui enjolivent leur quotidien. Elles ont un courage, une joie, une lucidité, un amour et un sens du merveilleux qui leur permet de traverser les épreuves, l’épuisement et la faim. On devine que l’auteur a voulu leur donner toutes ces armes pour affronter l’adversité, à la mesure de leur âge. Avec une générosité, une candeur, une sympathie qui, si elles peuvent éveiller les consciences, fera que nous soyons plus attentifs à nos voisins, à leurs difficultés, aux petits gestes qui incluent et qui réconfortent, elle aura alors réussi son pari.

D’autres étoiles d’Ingvild H. Rishøi paraît au Mercure de France.

 

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