Football

De la Champions League à la Conference League, la folle aventure du petit poucet Alashkert en Europe

Vincent Bezecourt, milieu de terrain français du club arménien d'Alashkert

© Tous droits réservés

Donner la possibilité à d’autres clubs, plus petits, de goûter à la Coupe d’Europe, c’est la raison invoquée par l’UEFA lors de la création de la Conference league. Cette saison six clubs découvrent donc la scène continentale grâce à cette nouvelle compétition. Parmi eux, Alashkert Yerevan, champion d’Arménie en titre dont le joueur star est un français de 28 ans à la trajectoire improbable. Vincent Bezecourt, milieu de terrain au parcours étonnant. Après plusieurs essais infructueux au sein de structures professionnelles, ce joueur de CFA (4e division française) originaire des Landes part aux Etats-Unis pour y étudier. Son but n’était pas de devenir joueur professionnel même comme il précise "j’avais ça dans un coin de ma tête. En France, j’avais effectué quelques essais dans des clubs pros, comme Auxerre, mais sans succès. Il y avait toujours un "on t’aime bien mais…".

Vincent privilégie ses études, obtient une bourse pour " Saint Francis " une petite université de Brooklyn avec son campus "presque sur l’eau et une vue extraordinaire sur Manhattan". C’est le début d’une aventure qui le mènera des New York Red Bulls à un match historique de Conference League avec Alashkert, un club qui joue devant 300 personnes en championnat et où Charles Aznavour n’est jamais très loin. C’est ça aussi c’est le football. Un football à taille humaine où le rêve côtoie la débrouille. Découverte.

Vincent, parlons de votre arrivée à Brooklyn et du football universitaire…

Bah, au début c’était compliqué parce que je ne parlais quasiment pas anglais mais l’équipe était constituée de beaucoup d’étrangers ce qui a facilité mon intégration. Après deux mois, je m’étais adapté. Le football au " College " c’est du "kick and rush" avec un gros impact physique. On allait à la salle de sport chaque jour et franchement ça m’a fait du bien de travailler cet aspect-là. Parce que l’absence de puissance physique, c’est ce qu’on me reprochait en France.

Le scout des NY Red bulls me repère et m’invite à une détection de 3 jours en compagnie des meilleurs joueurs universitaires des USA. Au final, nous n’avons été que deux à être pris. Deux Français.

C’est le début de l’aventure en pro ?

Je suis parti en présaison durant un mois en Floride avec l’équipe de MLS coachée par Jesse Marsch (l’actuel entraîneur du RB Leipzig, ndlr). Le coach était très content de moi… Il me dit que j’ai le niveau pour rejoindre l’équipe sauf qu’il n’y a pas de spot disponible. Les règles étant très strictes aux Etats-Unis, il n’y a pas de place immédiatement pour moi dans l’équipe pro. Mais le coach veut me garder dans la structure et me propose un contrat avec l’équipe réserve. Dans un premier temps, je suis déçu mais ensuite je songe aux facilités d’entraînements, à la structure du club et à Thierry Henry, etc. Et je me dis pourquoi pas ? " A toi de faire tes preuves " et c’est ce que j’ai fait.


►►► À lire aussi : "Charismatique, proche de ses joueurs", qui est Jesse Marsch, le nouvel entraîneur de Leipzig ?


Vous vous souvenez du montant de votre premier contrat ?

(Il rit) Pour New-York, ce n’était pas grand-chose.

Je devais gagner environ 1200 dollars par mois.

Avec cette somme-là, tu n’as même pas de logement. Heureusement que le club est obligé de nous loger. Je me suis retrouvé dans une maison avec quatre autres joueurs juste à côté du centre d’entraînement. C’était vraiment une superbe expérience… En plus, on a tout gagné cette saison-là. L’année suivante, j’ai intégré l’équipe première.

Vous y côtoyez quelques joueurs qu’on connaît bien en Belgique comme l’anderlechtois Michael Murillo.

Dès qu’il est arrivé du Panama, on a tout de suite vu qu’il avait des facilités techniques et athlétiques incroyables. C’était très dur de l’arrêter. Défensivement, il avait par moments un peu de déchets mais balle au pied, il était très fort. On essayait de le presser parce que notre jeu était basé sur un pressing très haut mais il arrivait à sortir le ballon facilement. Je ne suis pas surpris qu’il ait fait le grand saut vers l’Europe et qu’il fasse de bonnes performances à Anderlecht aussi.

Comment passe-t-on des Red bulls au champion d’Arménie ?

J’ai été blessé au genou durant 7 mois et lorsque je suis revenu, je n’ai pas retrouvé mon niveau d’avant blessure… Comme j’étais en fin de contrat, je n’ai pas été prolongé. A ce moment-là, je ne savais plus quoi faire ? Rester en MLS ou retourner en Europe auprès de ma famille ? Finalement, j’accepte une offre du FC Miami en 2e division… Le projet sportif était ambitieux et la ville sympa (il sourit). Mais la crise du Covid-19 est venue tout perturber. On n’a pu jouer qu’une demi-saison, ensuite le club a fait n’importe quoi au niveau de la gestion… Niveau lifestyle, j’ai adoré. Mais niveau foot, je suis resté sur ma faim. On m’a proposé de prolonger mais j’ai décliné l’offre. En fin d’année dernière, je suis rentré en Europe mais hormis quelques contacts à Chypre, en Grèce ou en Roumanie, je n’avais rien de concret.

Vincent Bezecourt, durant sa période américaine, et ses coéquipiers aux NY red bulls
Vincent Bezecourt, le stratège d'Alashkert

Alashkert et ses installations digne d’un club de… district

Et puis arrive l’offre des Arméniens d’Alashkert…

Ils me voulaient vraiment. J’arrive en mars avec un contrat de 3 mois. A la base, j’y vais juste pour finir la saison, rester en forme et trouver un meilleur club durant l’été. Au final, on remporte le titre arménien avec la possibilité de jouer les préliminaires de Ligue des Champions… Jouer l’Europe, ça suffit à me faire prolonger. On se fait sortir au 2e tour préliminaire par le FC Sheriff (avec deux défaites 0-1 et 3-1, ndlr) qui s’est finalement qualifié pour les poules.

Ensuite, après avoir éliminé Almaty, le champion du Kazakhstan, on atteint les barrages de l’Europa League où l’on joue les Glasgow Rangers… Une expérience incroyable ! Au final, on ne perd que 1-0.

Nous sommes donc reversés en Ligue Conférence. Un résultat historique puisqu’il s’agit d’une première participation à une phase de groupes de Coupe d’Europe pour un club arménien.

Moi qui voulais revenir sur le vieux continent pour jouer l’Europe, c’est chose faite.

Par contre, vous qui vouliez-vous rapprocher de votre famille, c’est raté…

Oui, c’est sûr. D’ailleurs ma mère n’est pas contente, elle râle que je sois revenu jouer à l’autre bout de l’Europe… (Rires).

Racontez-nous quel genre de club est Alashkert ? Au niveau sportif, de la gestion, des infrastructures… Quel club avez-vous trouvé ? 

(Il rit) Ouh la, il y a des choses à dire sur ce sujet-là. Niveau organisation, ce n’est vraiment pas bon. Il n’y a pas de sponsors, c’est le président qui gère tout. Il injecte son propre argent.

On a un vieux stade qui est aussi notre terrain d’entraînement. On n’a pas d’équipe de jardiniers qui entretient la pelouse. Donc le terrain n’est pas " ouf " du tout !

Mais à côté, le président a réussi à monter un effectif compétitif et on arrive à jouer en Coupe d’Europe. Je peux facilement comparer nos installations à celle d’une équipe de " District " ou de " Régionale ".

Pourtant l’équipe tient la route…

On est tous conscients que nos conditions ne sont pas optimales mais on arrive à l’accepter. On a une bonne équipe avec une excellente ambiance. Sur le terrain, on se bat ensemble pour remporter les matches.

Vous jouez devant beaucoup de public ?

Pas vraiment. En championnat, il n’y a quasiment personne. On joue devant 300 personnes environ.

En coupe d’Europe, on joue dans le stade de l’équipe nationale et contre les Rangers, il y avait 10.000 spectateurs.

Lors de la 2e journée de la Ligue Conférence, vous recevez Helsinki. Ce sera l’occasion de tenter de remporter une première victoire…

Oui. Sur papier, c’est peut-être l’adversaire le plus abordable. On joue à domicile donc on a une carte à jouer. On n’a pas envie d’être l’équipe qui aura 0 point à la fin de la phase de groupe. On a quand même une bonne équipe, on l’a prouvé contre les Rangers. Je pense qu’on peut créer l’exploit.

Parlez-nous de ce match historique à Tel Aviv contre le Maccabi. C’était le premier de la Ligue Conférence et le premier aussi dans l’histoire de votre club en Coupe d’Europe ?

C’est clair qu’on ne l’oubliera pas. Il y a plein d’anecdotes à raconter…

Lorsqu’on est arrivés dans le vestiaire du stade à la veille du match, on a trouvé un " welcome pack " avec plein de petites conneries (il rit)… Des gourdes gratuites, des chasubles… On a des moyens tellement minimes que notre staff était super content de recevoir des trucs gratuits…

Après le stade magnifique, la ville splendide. Il y avait la musique au moment de rentrer sur le terrain, le drapeau géant avec le logo de la compétition…

C’était génial. Y avait des frissons au moment de monter sur le terrain. On ne s'en rend peut-être pas compte maintenant mais c'était quelque chose de fort!

C’était ambiance colonie de vacances ?

Bah un peu, oui. Franchement c’était génial. Connaissant nos petits moyens, on a profité du séjour. On a voyagé dans un petit avion privé, très, très petit… (il rit) Tellement petit qu’on ne pouvait même pas reculer nos sièges.

Notre hôtel était situé à côté de la plage et tout le monde était très excité à l’idée de se retrouver là. Même le Président et ses amis qui avaient fait le déplacement étaient impatients de se baigner…

Mais le jour du match, on est restés sérieux, hein ! Le résultat n'était pas au rendez-vous mais ce fut une superbe expérience.

Cette 3e Coupe d’Europe est critiquée par beaucoup… Mais pour un club comme le vôtre et ses joueurs c’est une aubaine de pouvoir jouer une compétition européenne, non ?

Pour nous, c’est magique ! Cette nouvelle compétition tombe à pic. On connaît la Ligue des Champions, la Ligue Europa où il n’y a que de grandes équipes. Même s’il y a des ténors comme Tottenham ou l’AS Roma, la Ligue Conférence permet aux petites équipes de voyager… Des équipes d’Arménie ou de Gibraltar… Je pense que ça va donner beaucoup d’opportunités à des clubs et à leurs joueurs de s’illustrer.

C’est un tremplin ?

Oui. Si on arrive à faire de bonnes performances, cela va nous donner de la visibilité.

Quel est votre plan de carrière ?

L’idéal serait de me rapprocher de ma famille. De jouer en France ou en Espagne… Mais je suis ouvert à tout.

Et si c’est un pays ensoleillé, c’est mieux !

Je ne te cache pas que d’avoir fait une année à Miami, c’était pas mal niveau climat !

En Arménie, il fait quel temps pour l’instant ?

Ici, il y a 300 jours de soleil par an. L’été la température dépasse les 40 degrés. Pour l’instant, il fait 25 degrés et il fait relativement beau mais l’hiver est assez rude.

Et la vie à Erevan ?

J’ai été assez surpris. J’ai choisi Alashkert parce que c’était le club d’une capitale. Après avoir vécu à New-York et à Miami, je ne voulais pas me retrouver au milieu de nulle part. (Rires) Erevan est une petite ville charismatique… Il y a une culture de cafés, bars et restaurants qui est géniale. C’est très " chill ", très posé. Les gens prennent le temps, c’est très relaxant.

Quand tu sors d’Erevan, la nature est incroyable avec des montagnes dans tous les sens. J’adore !

Combien de fois, on vous a parlé de Charles Aznavour depuis que vous êtes en Arménie ?

(Il rigole) Dès que je dis que je suis français, tout le monde me parle de Charles Aznavour c’est systématique ! Sinon, les fanatiques de foot vont aussi me parler de Youri Djorkaeff que j’ai croisé à deux reprises.

Une naturalisation pour jouer en équipe d’Arménie, vous y songez ?

Non pas du tout. Je pense qu’il faut rester durant 4 ou 5 ans mon contrat se termine en fin d’année. Donc, je ne pense que ce soit à l’ordre du jour.

"A Tel-Aviv, on a eu des frissons au moment de monter sur le terrain"

Vincent Bezecourt en 2018 lors de sa période MLS
Youri Djorkaeff, le champion du monde d’origine arménienne

Parlez-nous de ce match historique à Tel Aviv contre le Maccabi. C’était le premier de la Ligue Conférence et le premier aussi dans l’histoire de votre club en Coupe d’Europe ?

C’est clair qu’on ne l’oubliera pas. Il y a plein d’anecdotes à raconter…

Lorsqu’on est arrivés dans le vestiaire du stade à la veille du match,

on a trouvé un " welcome pack " avec plein de petites conneries… Des gourdes, des chasubles… On a des moyens tellement minimes que notre staff était super content de recevoir des trucs gratuits…

Après le stade magnifique, la ville splendide. Il y avait la musique au moment de rentrer sur le terrain, le drapeau géant avec le logo de la compétition… C’était génial. Y avait des frissons au moment de monter sur le terrain.

C’était ambiance colonie de vacances ?

Bah un peu, oui. Franchement c’était génial. Connaissant nos petits moyens, on a profité du séjour. On a voyagé dans un petit avion privé, très, très petit… Tellement petit qu’on ne pouvait même pas reculer nos sièges. (Rires)

Notre hôtel était situé à côté de la plage et tout le monde était très excité à l’idée de se retrouver là. Même le Président et ses amis qui avaient fait le déplacement étaient impatients de se baigner… Mais le jour du match, on est restés sérieux, hein !

Cette 3e Coupe d’Europe est critiquée par beaucoup… Mais pour un club comme le vôtre et ses joueurs c’est une aubaine de pouvoir jouer une compétition européenne, non ?

Pour nous, c’est magique ! Cette nouvelle compétition tombe à pic. On connaît la Ligue des Champions, la Ligue Europa où il n’y a que de grandes équipes. Même s’il y a des ténors comme Tottenham ou l’AS Roma, la Ligue Conférence permet aux petites équipes de voyager. Des équipes d’Arménie ou de Gibraltar… Je pense que ça va donner beaucoup d’opportunités à des clubs et à leurs joueurs de s’illustrer.

C’est un tremplin ?

Oui. Si on arrive à faire de bonnes performances, cela va nous donner de la visibilité.

Quel est votre plan de carrière ?

L’idéal serait de me rapprocher de ma famille. De jouer en France, en Espagne ou au Portugal… Mais je suis ouvert à tout.

Et si c’est un pays ensoleillé, c’est mieux ?

Je ne te cache pas que d’avoir fait une année à Miami, c’était pas mal niveau climat !

En Arménie, il fait quel temps pour l’instant ?

Ici, il y a 300 jours de soleil par an. L’été, la température dépasse les 40 degrés. Pour l’instant, il y a 25 degrés et il fait relativement beau mais l’hiver est assez rude.

Et la vie à Erevan ?

J’ai été assez surpris. J’ai choisi Alashkert parce que c’était le club d’une capitale. Après avoir vécu à New-York et à Miami, je ne voulais pas me retrouver au milieu de nulle part. (Rires) Erevan est une petite ville charismatique… Il y a une culture de cafés, de bars et de restaurants qui est géniale. C’est très " chill ", très posé. Les gens prennent le temps, c’est très relaxant.

Quand tu sors d’Erevan, la nature est incroyable avec des montagnes dans tous les sens. J’adore !

Combien de fois, on vous a parlé de Charles Aznavour depuis que vous êtes en Arménie ?

(Il rigole) Dès que je dis que je suis français, tout le monde me parle de Charles Aznavour c’est systématique ! Sinon, les fanatiques de foot vont aussi me parler de Youri Djorkaeff que j’ai croisé à deux reprises.

 

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous