Belgique

De la complexité des violences entre partenaires... et du profil sociodémographique des auteurs

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© Getty Images

"Violences entre partenaires : impact, processus, évolution et politiques publiques en Belgique", c’est le nom de la vaste étude qu’a récemment mené l’institut National de Criminalistique et de Criminologie, l’INCC. "L’objectif était d’éclairer la complexité du phénomène des violences entre partenaires (harcèlement, menace, homicide et tentative d’homicide, abus sexuel, ndlr) – et non des violences intrafamiliales – et d’observer l’impact des politiques publiques", nous indique-t-on à l’INCC.

Pour cela, l’Institut a articulé son travail autour de cinq grands axes.

  • Le premier consistait à réaliser une cartographie, de sorte à localiser les secteurs et les acteurs impliqués dans l’intervention en matière de violences entre partenaires.
  • Le second avait pour but d’analyser les dossiers judiciaires du pays.
  • Le troisième devait établir le profil sociodémographique des auteurs signalés à la justice pour des faits de violences entre partenaires.
  • Le quatrième servait à étudier la façon dont les victimes et auteurs sortent de la violence.
  • Enfin le dernier volet consistait à améliorer la coordination entre les différents acteurs judiciaires.

L’influence du milieu économique et social

C’est le troisième volet qui nous intéresse tout particulièrement. D’après les recherches menées par la professeure de Théorie et recherche en criminologie à l’Uliège, Charlotte Vanneste, et le chercheur au Centre de recherches en démographie, Paul Sanderson, plus un auteur est issu d’un milieu défavorisé, plus il risque de se retrouver en détention préventive. À l’inverse, plus un auteur est issu d’un milieu aisé, plus la justice se tournera vers la médiation.

C’est le constat qu’ont dressé les deux experts en analysant les 39.438 personnes signalées en 2010 au parquet pour des faits de violence conjugales, les données du registre national et des recensements et celles du ministère public.

Au travers de leurs recherches, il apparaît que 31,2% des suspects sont issus des groupes sociaux les plus défavorisés, 16,3% le sont des groupes sociaux les plus favorisés. De ces pourcentages, 12% des personnes issues des groupes les plus défavorisés iront en détention préventive (22% d’offre de médiation pénale, 39% de condamnations) contre 9% des personnes issues des groupes sociaux dits "les plus aisés" (26% d’offre de médiation pénale, 33% de condamnations.)

Les signalements de violences entre partenaire concernent donc bien toutes les catégories de population, mais les suspects issus des régions économiquement plus défavorisées (en particulier en Wallonie), sont sur-représentés.

Cela s’explique selon les chercheurs par deux facteurs. En effet, une position sociale précaire ne permet pas toujours de bénéficier des avantages qui peuvent protéger à la fois de la violence et de son signalement à la justice. Ainsi d’une part, le cumul des vulnérabilités sociales, à savoir le statut sur le marché de l’emploi ou encore l’éducation, contribue à un passage à l’acte violent et donc, à une meilleure visibilité auprès des forces de l’ordre.

D’autre part, les personnes issues d’un milieu défavorisé vivent généralement davantage dans la proximité (appartements) que les personnes issues d’un milieu social aisé (maisons quatre façades). Les actes de violence peuvent donc plus facilement être vus ou entendus par autrui, sans compter la présence plus importante des forces de police et des services sociaux dans les quartiers plus précaires.

Selon l’INCC d’ailleurs, la police a tendance à être davantage sollicitée par les plus défavorisés. "Nous avons constaté que la police, service gratuit, faisait parfois office de figure paternelle, de témoins", affirment Isabelle Ravier et et Sarah Van Praet, chercheuses en criminologie.

Les services sociaux en revanche sont moins souvent plébiscités, soit parce que les victimes/auteurs ne savent pas à qui s’adresser soit parce qu'ils n’ont pas la possibilité (financière ou sociale) d’accéder à des aides psychosociales.

L’influence du genre

Le milieu économique n’est pas la seule variable qui peut influencer la probabilité d’une détention préventive. Le genre du suspect en est une autre.

Ainsi, 76% des suspects enregistrés étaient des hommes, 24% étaient des femmes. On constate que les hommes risquent 3,5 fois plus d’être détenus préventivement et 3,3 fois plus d’être condamnés que les femmes.

Là encore, l’INCC a une explication. "Tant les hommes que les femmes peuvent être victimes de violences entre partenaires. Mais le plus souvent, la violence conjugale est commise par les hommes sur les femmes. Avec l’accumulation, certaines femmes sont alors plus généralement sujettes à une violence réactionnelle", indique Isabelle Ravier. "Elles peuvent donc certes être les auteurs des faits sans être condamnées par la justice puisque ce sont aussi des victimes."

Pour l’INCC cependant, cet "entonnoir pénal", dépasse largement la question des violences entre partenaires. Pour l’éviter, il conviendrait selon Charlotte Vanneste et Paul Sanderson d’investir dans les politiques sociales qui contribueraient à réduire la judiciarisation de ces situations et de mettre en place une approche plus sociale après renvoi des situations vers la justice.

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