"Il me semble que ces actes abordent la question de la 'touchabilité de l’œuvre d’art'. Autrement dit, qu’est-ce qui est intouchable dans notre société ? Traditionnellement, c’est le sacré qui est intouchable dans notre société. Or, là où il n’y a plus de sacré, ce qui est le cas dans nos sociétés sécularisées, rien ne semble intouchable. Les œuvres d’art sont alors ce qui se rapproche le plus du sacré. Tous les grands philosophes, depuis Platon jusqu’à Kant ou Hegel, ont considéré que l’art était le lieu de l’authenticité. L’art est alors ce qui se rapproche le plus de l’intouchable, tout n’en étant pas sacré", analyse Bernard Feltz, professeur émérite de philosophie des sciences de l’UCLouvain.
Pour Pascale Seys, professeure de philosophie et esthétique au Conservatoire Royal de Bruxelles et à l’UCLouvain, mais aussi chroniqueuse sur Musiq3, cet "attentat artistique" fait réfléchir au rôle de l’art et de la nature.
"Je pense notamment à Peter Kalmus, ce climatologue de la Nasa qui a publié la vidéo des activistes en commentant : 'Il n’y a pas d’art sur une planète morte'. Il me semble que derrière l’acte de s’attaquer à une œuvre d’art il y a un peu ce même message. Ce qui est inédit, c’est que c’est la première fois qu’une œuvre d’art est attaquée pour faire passer un message. Et puis, je pense que cet attentat artistique pose la question : 'Faut-il opposer deux valeurs, celle de la vie et celle de l’art ?"
Il est aussi intéressant de remarquer que les deux toiles en question représentent la nature et que Monet et Van Gogh ont été parmi les premiers peintres à s’adonner à l’art en plein air. Mais les associations militantes n’ont pas décrit le choix de leurs cibles.
"C’est comme une mise en scène à quatre termes : il y a une jeunesse désespérée, les activistes qui ne savent plus comment faire passer le message, un monde où l’art n’a plus de sens si on ne sait plus y vivre, et puis il y a le coût de l’art et de l’œuvre d’art, en opposition avec l’urgence climatique", analyse-t-elle.