Retour aux sources

De l’érotisme au porno, en passant par l’un de ses temples, le cinéma ABC.

On vous aura prévenu…

© Cinéma Nova – Fonds ABC

L’édition de Retour aux sources se fait quelque peu… coquine ce samedi 19 février. C’est d’abord L’Affaire Bovary, le procès de Gustave Flaubert pour " délits d’outrage à la moralité publique et religieuse et aux bonnes mœurs " suite à la parution de Madame Bovary… Après le débat sur les thèmes de la morale, de la censure et du plaisir féminin, rassemblant autour d’Elodie de Sélys, Valérie Piette et Xavier Rousseaux, ce sera le moment de découvrir un documentaire consacré à Gorge profonde, quand le porno est sorti du ghetto… L’occasion d’évoquer les cinémas consacrés à cette section spécifique du 9e art…


 

Érotisme et pornographie au cinéma.

Le genre érotique apparaît avec l’invention du cinématographe. C’est le citoyen allemand Albert Kirchner qui, en 1896, réalise Le coucher de la mariée, souvent considéré comme l’un des premiers films du genre… Ce que l’on peut considérer comme genre pornographique suivra, dès le début du XXe siècle, en Amérique latine.

Parmi les pellicules conservées, El Sartorio remonte aux environs de 1907 ; il porte également les titres de El Satario et El Satiro… ce dernier étant le plus propice à la traduction en français… Mais pornographique demeure un terme bien fort, la majorité des films montrant plutôt de la nudité que des actes sexuels.

Parmi les pellicules conservées, El Sartorio remonte aux environs de 1907 ; il porte également les titres de El Satario et El Satiro… ce dernier étant le plus propice à la traduction en français… Mais pornographique demeure encore un terme bien fort, la majorité des films montrant plutôt de la nudité que des actes sexuels.

L’affiche d’un film culte : Deep throat, Gorge profonde…
L’affiche d’un film culte : Deep throat, Gorge profonde… © Tous droits réservés

Les véritables films " porno " demeureront longtemps dans la sphère clandestine. Ce n’est qu’en 1969 que des cinémas spécialisés commencent à faire progressivement apparition… C’est en 1972 que sort le film Deep Throat, " Gorge profonde " dans la langue de Molière… Son héroïne, Linda Lovelace, accompagnée d’Harry Reems, sera la première vedette du X ; par la suite, elle n’hésitera pas à revenir sur ce tournage qui fut, pour elle, "un supplice" et, de là, à en dénoncer la face sombre…

En 1980, Linda Boreman, alias Lovelace, publiera son autobiographie au titre parfaitement évocateur de ce qu’elle avait éprouvé en tournant "Gorge profonde" : Ordeal, en français, L’Épreuve…

 

"Ordeal", autobiographie de Linda Boreman, alias Lovelace…
"Ordeal", autobiographie de Linda Boreman, alias Lovelace… © Tous droits réservés

Le cinéma X est une industrie florissante, il suffit de signaler le nombre impressionnant de studios de production du genre, certains pays en comptant de très nombreux, particulièrement les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Japon et le Canada… En Belgique, aucun n’est répertorié, hormis un studio spécialisé dans le film X gay, fondé à Liège en 2017…

Des salles de cinéma spécialisées.

Le cinéma ABC, au temps de sa splendeur…
Le cinéma ABC, au temps de sa splendeur… © Cinéma Nova – Fonds ABC

Si les salles de cinéma consacrées au genre pornographique furent nombreuses en Belgique, leur nombre a fondu comme neige au soleil. À qui la faute ? Aux cassettes vidéo, aux DVD, à certaines chaînes de TV privées, à l’Internet… À Bruxelles et en Wallonie, les cinémas X se compteraient sur les doigts d’une main… En la matière, dans la capitale, une tranche de patrimoine a fermé ses portes courant de l’été 2013 : l’ABC.

Ce cinéma, situé au boulevard Adolphe Max à Bruxelles, à deux pas de la place Rogier, avait été ouvert par un Américain, George Scott, dans une maison de la fin du XIXe siècle. De son ouverture en 1971 à sa fermeture, son unique salle n’avait pas changé de décoration, si ce ne sont les nouveaux sièges fournis en 2007, par une importante chaîne de salles de cinéma bruxelloise.

George Scott, le propriétaire de l’ABC de Bruxelles.
George Scott, le propriétaire de l’ABC de Bruxelles. © Cinéma Nova – Fonds ABC

En Belgique, l’ABC était le dernier à projeter du porno en film 35 mm. C’était aussi l’un des ultimes cinémas X au monde à offrir aux amateurs une fantaisie en parfait accord avec les lieux : un strip-tease en direct, sur scène. Scott en avait pris l’habitude en 1981 : le spectacle donnant le temps de changer de bobine et finissant ainsi par passer toutes les heures !

Scott ira plus loin encore : à l’occasion de la coupe du monde de football de 1986, il fera projeter les matchs des Diables Rouges à l’ABC, profitant de la mi-temps pour proposer… un strip-tease !

Une partie du fonds ABC conservé par le cinéma Nova.
Une partie du fonds ABC conservé par le cinéma Nova. © Cinéma Nova – Fonds ABC

Ce qui constituait également l’intérêt de ce cinéma, c’étaient ses collections ! Entre 500 et 600 films, des centaines d’affiches et de panneaux spécialement conçus pour la promotion, sans oublier les kilomètres de coupes de censure, un ensemble qui avaient peu à peu colonisé les étages de l’immeuble. Un patrimoine heureusement conservé car, suite à la fermeture de l’ABC, l’ensemble a été racheté par le cinéma Nova.

Mieux encore. Autour des responsables de cette salle bruxelloise de la rue d’Aremberg, bien connue pour être l’antre du cinéma alternatif, des membres du festival Offscreen et de l’asbl La Rétine de Plateau se sont rassemblés pour constituer une fondation destinée à sauver l’ABC : CinéAct.

CinéAct était soutenue par la Fondation Roi Baudouin afin de rassembler les fonds nécessaires par crowdfunding dans le but de créer, dans les murs et installations de l’ABC, un lieu culturel travaillant avec certaines des grandes institutions du quartier, tels le Théâtre National et le KVS, Théâtre Royal Flamand. Un accord avait été conclu dans ce sens avec Scott… et un clip tourné pour attirer les mécènes…

Hélas, très âgé, le propriétaire est décédé en mai 2014, entraînant un changement de cap pour ses héritiers qui ont interdit l’entrée du bâtiment aux responsables de CinéAct, compromettant ainsi l’inauguration des lieux prévue le 4 octobre suivant… Finalement, le bâtiment a été vendu et sa salle dépecée…

Quoi que l’on pense de ce type de cinéma, c’est l’ultime témoin d’une époque révolue qui s’en est allé avec la disparition de l’ABC… Mais à propos, que signifiaient ces initiales ? C’est simple : Association Belge de Cinéma…

 

À lire (pour public averti...) : Cinéma ABC, de Jimmy Pantera, CFC-Editions, 2021 et Superpositions. Collection particulière d'un cinéma porno bruxellois, Les Impressions nouvelles/Cinéma Nova, 2021 

 

Le livre de Jimmy Pantera, consacré au cinéma ABC…
Superpositions. Collection particulière d'un cinéma porno bruxellois.

À suivre sur La Trois TV, ce samedi 19 février, à 21 h, L’Affaire Bovary, de Stéphane Miquel et Alban Vian, suivi du débat et de Gorge profonde, quand le porno est sorti du ghetto, d’Agnès Poirier.

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