Pendant les mois qui ont suivi l’émergence de la crise du Covid-19, plusieurs opinions ont soulevé l’idée que les cheffes d’État et de gouvernement auraient mieux géré la crise. Ces femmes politiques ont été mises en avant pour leur style de communication jugé empathique, humble, bienveillant : autant de caractéristiques associées aux représentations traditionnelles de la "féminité". Or, c’est aussi un enseignement des recherches sur la "falaise de verre" : les attributs considérés comme "féminins" seraient recherchés chez les leaders en temps de crise.
Les femmes leaders politiques sont toujours exposées à un traitement médiatique inégalitaire
Au début de la crise du Covid-19, cette valorisation des caractéristiques dites "féminines" est perceptible dans le discours de la presse francophone sur le leadership de Wilmès. Alors qu’au début de son mandat, sa discrétion et son manque d’expérience suscitaient des doutes sur sa capacité à diriger le gouvernement, la presse salue unanimement sa prestation durant les premières semaines de gestion de la crise. Son style empathique, sa communication "humaine", sa manière de convaincre "en douceur" lui auraient permis de s’affirmer comme leader politique.
►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici
En outre, la presse fait la part belle aux attributs liés au care. Ce champ de recherche a permis, entre autres choses, de souligner le fait que les femmes sont généralement sociabilisées autour de qualités relationnelles visant à prendre soin des autres, notamment des plus vulnérables. Certains articles font ainsi référence à la maternité ou à la parentalité dans leur couverture du style de communication de Wilmès. On peut se demander si la nature de la crise du Covid-19, qui a mis en exergue le besoin d’attention à autrui, n’a pas contribué à accentuer cette vision de la leader politique comme "mère de la Nation".
Néanmoins, une analyse approfondie révèle que certaines caractéristiques traditionnellement associées à la "masculinité", comme la fermeté, ont également été perçues comme nécessaires pour gérer la crise. En réalité, le discours de la presse fait état d’un nouveau style de leadership, combinant attributs considérés comme "masculins" et caractéristiques perçues comme "féminines". Par exemple, les journaux évoquent le ton "doux-dur" de Wilmès et la désignent comme une "main de fer dans un gant de velours".
Les résultats de cette analyse constituent une occasion de réfléchir au renouvellement des manières d’exercer le pouvoir du point de vue du genre. Il ne s’agit pas d’enfermer les femmes politiques dans un style présumé "féminin", mais plutôt d’interroger les conditions de possibilité, tant chez les hommes que chez les femmes politiques, d’un leadership moins dominateur, qui ne valorise pas uniquement un mode "viriliste" de gouvernance. À ce titre, la chercheuse Marie-Cécile Naves, dans son livre La démocratie féministe jette les bases d’un leadership "combatif tout autant que coopératif, déterminé, ambitieux et à la fois soucieux de prendre en compte les expériences vécues".