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Dear, Prudence : projet solo résurrection d’Olivia Merilahti

© Enzo Orlando

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Par Aline Glaudot

De passage à Bruxelles dans le cadre des Nuits Botanique, Olivia Merilahti venait défendre son nouveau projet solo Prudence et son album Beginnings auprès du public belge. Un projet résolument électro-pop, loin du rock indé folk du duo The Do qu’elle formait avec Dan Levy. Une démarche introspective et un besoin d’émancipation assumé que la chanteuse et musicienne nous confie dans une interview.

Salut Olivia ! Tu nous expliques un peu comment est né le projet Prudence ?

C'est mon premier projet solo et ce sont mes débuts à plein de niveaux: l’album sorti avant l’été s’appelle d’ailleurs Beginnings, parce que pour moi, c’est vraiment mes premiers pas et une renaissance. Voire juste une naissance en tant qu’artiste. Travailler seule, c’est une tout autre histoire qu’on raconte. Les dix années avec The Do étaient assez exclusives, c’est-à-dire que je n’ai pas fait autre chose à côté, donc pour moi c’est vraiment mon projet précieux.

Dans une récente interview à des confrères tu dis notamment qu’enfant tu adorais écouter les Beatles, est-ce que Prudence est une référence à la chanson ?

Oui, c’est un petit clin d’œil. Les Beatles c’est vraiment les fondations de beaucoup de soundwritter et ça fait partie d’une des explications de Prudence. Et puis j’aimais bien l’idée que ce soit un prénom et un nom commun, voir presque un nom propre. Un côté à la fois sacré et quotidien, presque casual. Du coup ça me donnait une sorte d’envergure, d’expression qui était assez ouverte. J’aime bien la dualité que ça induit: je ne me considère pas vraiment comme quelqu’un de prudent étant donné que c’est l’être de l’artiste de ne pas l'être justement.

Comment t’y ais tu prise pour te réinventer musicalement après dix ans dans un même groupe ?

Déjà j’ai la chance d’avoir pu prendre le temps (rires), j’ai pris le temps pour m’occuper de ma vie privée que j’avais un peu mise de côté pendant des années. Il faut prendre le temps de changer de mécanique de travail, de logique. J’étais habituée à tout faire écouter à Dan (cfr Daniel Levy), on était un binôme, dans l’échange permanent. Au début donc, je n’avais personne à qui faire écouter mes démos. Il me fallait trouver ces personnes qui me permettent d’avancer, d’avoir confiance. J’ai pris le temps, le temps d’accepter d’échouer, de ne pas trouver le bon chemin tout de suite. C’est un parcours initiatique en fait. Il faut se faire confiance, écouter son intuition plus que jamais.

Tu dis que Prudence est un peu l’alter ego d’Olivia, en quoi sont-elles différentes ?

J’avais besoin de cet alter ego pour donner de la puissance à Olivia et me protéger. Prudence me protège. C’est le principe de l’alter ego évidemment. Au-delà du personnage, Prudence est devenue un univers, c’est tout un décor, toute une histoire. Je le pense presque comme un film. Aujourd’hui sur scène on aura pour la première fois la scèno, la vraie lumière, on est vraiment pas loin de l’idée du personnage que je m’imagine depuis des mois et des mois. C’est super agréable. En tant que jeune maman, je pouponnais beaucoup tout en écrivant mes premiers morceaux solos, j’avais besoin d’un alter ego pour me sortir de mon quotidien.

…et casser l’image de l’ancienne Olivia ?

Je pense que ça ne m’a pas facilité la tâche c’est vrai. J’aurais pu choisir Olivia Merilahti, peut-être que ça aurait été plus simple de communiquer, de moins devoir m’expliquer. En même temps, pour moi, c’était plus artistique et plus inspirant de fantasmer sur un personnage, sur un univers plutôt que de prendre mon nom et mon prénom qui sont pour moi presque trop réalistes. Il est clair qu’il y avait une volonté d’affranchissement de ce que j’ai fait avant.

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C’est compliqué d’être une femme dans le milieu de la musique aujourd’hui ? Est-ce que ça demande plus d’engagement, d’énergie, de responsabilité ?

Oui et je prends volontiers cette responsabilité, ça me permet d’avoir une autre approche de mon métier, de l’industrie et aujourd’hui je me retrouve avec une équipe 100% féminine : que ce soit niveau technique ou sur scène. Ce n’était pas prévu que je me retrouve aussi "féminisée" mais pour moi, c’est juste un équilibre, ça fait dix ans que je travaille quasiment qu’avec des hommes. Je me suis toujours battue pour féminiser le métier. Ce travail là, j’essaye de l’appliquer depuis longtemps. C’est une question d’équilibre et de justice. Maintenant que je suis entourée de plein de femmes super inspirantes et créatives, je ne me sens jamais seule. Mais j’ai dû changer, car au début, si j’appliquais les mêmes mécanismes qu’avant, je me serais retrouvée encore avec un ingé son, un producteur, un réal, des musiciens, … Si on n’est pas volontaire dans cette démarche, on se retrouve dans les mêmes schémas.

Musicalement, on s’éloigne clairement de The Do, c’était également important pour toi de t’affranchir à ce niveau-là ?

Ce n’était pas évident. Artistiquement il y avait quand même quelque chose de super enrichissant avec The Do, j’étais assez comblée pendant des années. C’est venu sur la dernière tournée, j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui me manquait. A titre personnel aussi, l’énergie à deux devenait parfois un peu compliquée vu que ça faisait longtemps qu’on travaillait ensemble. J’avais besoin de remettre les compteurs à zéro, de m’exprimer tout en continuant à faire des chansons. Avant de lancer Prudence, j’ai fait la BO du film Sparring et ça a été un super laboratoire d’expériences pour les sons de Prudence. Ça m' a permis de trouver des ambiances, des sons que j’ai utilisés plus tard. Ce qui était important pour moi, c’était de collaborer avec des gens différents ; différents réalisateurs, différents producteurs, beatmakers. C’était quelque chose qui m’avait vraiment manqué.

Tu es consciente que tu as pu étonner, voir perdre certains auditeurs, fan de The Do des débuts ?

Oui, c’était important pour moi de renouer avec ce plaisir que j’ai à écouter des morceaux mainstream, souvent américains. J’avais vraiment envie d’aller vers ça, de ne pas être snob. C’était une envie que j’ai réussi à tenir sur cet album, maintenant c’est fait, je peux vraiment passer à autre chose mais j’en avais besoin, ça faisait partie des frustrations que j’avais au fil des années avec The Do et ce côté niche, que je n’aime pas trop en fait. C’est un axe que j’avais envie d’explorer.

On t’entend pour la première fois chanter en français, c’est une expérience que tu comptes réitérer ?

J’aimerai bien, j’écris de plus en plus en français mais je pense que m’approprier le français c’est quelque chose qui prend du temps, donc il est possible que j’écrive pour d’autres et que je me garde les chansons en anglais. Je n'ai pas encore mais cette fluidité avec la langue : je parle finnois avec ma mère, français avec mon père et les gens qui m’entourent et j’écris en anglais depuis toujours donc j’essaye justement d’utiliser ces trois outils, ces trois couleurs et j’aimerai pouvoir mieux les intégrer musicalement. C’est difficile à faire car il faut pouvoir trouver la poésie de la langue et je n’ai jamais réussi à trouver quelque chose qui me paraissait suffisamment poétique ou décalé dans mon français. C’est mon défi.

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Quant à la question de savoir si The Do reprendra un jour du service, Olivia répond "c’est difficile à dire mais ça risque d’être une très longue pause, sans fin définie pour l’instant."

Olivia sera quant à elle de retour en Belgique le 14 novembre prochain pour un concert ardent au Reflektor.

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