Jam

deathcrash : "On voulait davantage se concentrer sur le silence et les espaces"

Le groupe londonien deathcrash.

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par Renaud Verstraete

Loin du post-punk survolté que l’on associe généralement à la ville de Londres, deathcrash a fait de la sobriété son terrain de jeu. Aujourd’hui, le groupe de slowcore est tout simplement l’un des éléments les plus singuliers d’une scène londonienne qui ne cesse de nous émerveiller. Moins d’un an après "Return", leur somptueux premier disque, deathcrash revient avec "Less", un deuxième album qui embrasse une esthétique minimaliste lente et radicale. Rarement le silence n’aura été aussi évocateur. Rencontre avec Tiernan Banks (guitare/chant) et Patrick Fitzgerald (basse).

Hello les gars, votre deuxième album "Less" vient tout juste de sortir. Comment vous sentez-vous ?

Tiernan : On est super emballé ! C’est marrant, mais on est beaucoup plus à l’aise avec ce deuxième album. Tout le processus a été plus rapide. L’attente a été moins longue et les morceaux nous paraissent plus actuels et immédiats. C’est vraiment excitant !

On vous associe souvent à la scène slowcore, cette musique très lente et émotive. Est-ce que vous définissez votre musique comme une musique triste ?

Patrick : Trop souvent les gens disent : "Oh j’ai mis leur album l’autre jour et je suis resté couché 5 jours sans sortir de mon lit". C’est presque devenu une blague maintenant (rires). Mais je ne pense pas que notre musique soit dépressive. Sur notre premier album "Return", l’espoir était un thème central.

Tiernan : J’aime penser que notre musique est réconfortante. Il y a toujours cette ambivalence entre tristesse et espoir dans ce que l’on fait. C’est quelque chose qui nous inspire beaucoup. Lorsque l’on joue en concert, on prend beaucoup de plaisir évidemment mais il y a aussi ce côté très intense avec ce poids émotionnel qu’on ressent tous les 4 sur scène.

Loading...

A l’écoute de votre musique, on ressent également l’influence des 90’s avec des groupes comme Sparklehorse, Slint et Duster. D’où vous vient cet amour pour cette scène américaine ?

Patrick : C’est marrant parce que lorsque l’on a commencé à jouer ensemble, il y a 6 ans maintenant, on ne s’est jamais qu’on allait lancer un groupe de slowcore. A la base on faisait du krautrock… On voulait juste jammer et se marrer. Je ne sais même pas d’où c’est venu puisque aucun de nous n’aime réellement le krautrock (rires).

Tiernan : J’écoute Sparklehorse depuis que j’ai 13 ans grâce à un copain à moi dont le père était journaliste musical. Ça a dû aider (rires). Quand j’étais plus jeune, j’écoutais des trucs plus mielleux comme Brand New et Talking Back Sunday. Puis j’ai découvert Slint, Codeine et tous ces groupes au début de la vingtaine et cela a profondément influencé la manière dont on joue notre musique.

Patrick : Moi, c’est mon prof d’anglais qui m’a fait découvrir Mogwai. Il passait tout le temps ce groupe entre les cours (rires). En grandissant, moi et Noah notre batteur, on a beaucoup écouté du métal et du post-rock !

Tiernan : Moi et Matt (ndlr : le deuxième guitariste de deathcrash), on était plus "folky" même si ça sonne un peu nul dit comme ça (rires).

Votre tout premier album "Return" est sorti il y a peine plus d’un an et vous êtes déjà de retour avec "Less". Y avait-il une certaine urgence pour sortir ce second album ?

Patrick : On voulait sortir quelque chose rapidement pour pouvoir enchaîner, mais on n’avait pas prévu de sortir un album, à la base. Quand on a commencé à jouer ces morceaux avec le groupe, on s’est rendu compte qu’on tenait un vrai album entre les mains. Et puis tout est devenu plus lourd, lorsque notre batteur Noah s’en est mêlé (rires).

Tiernan : Je me souviens qu’on s’est fait une réunion pizza pour discuter de ce projet (rires). Très vite, on a eu un vrai concept pour cet album contrairement au premier qui était plus une collection de morceaux. Dès le début, on avait un nom "Less". On voulait faire un disque très minimaliste : des guitares, pas de pédales d’effets, une basse et une batterie. Tout ça enregistré en live dans une même pièce…

deathcrash lors de l’enregistrement de "Less" sur une petite île au large de l’Écosse.
deathcrash lors de l’enregistrement de "Less" sur une petite île au large de l’Écosse. © Kaye Song

Pour enregistrer "Less", vous êtes partis sur une petite île, dans les Hébrides extérieures, au large de l’Écosse. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous isoler ?

Patrick : On aimait l’idée de pouvoir rester tous ensemble en résidence dans un même endroit afin de se donner le temps pour se concentrer sur notre musique. On est tous super perfectionnistes. Et c’était sans doute mieux de se retirer de la société pendant cette période d’enregistrement (rires).

Tiernan : Pour le premier disque, on avait tout enregistré dans un petit studio avant d’emporter les enregistrements dans une église pour capturer la réverbération de l’église. Cette fois-ci, on avait envie de tout enregistrer dans un même espace. On s’est demandé quel studio avait la plus grande salle d’enregistrement au Royaume-Uni. Et puis, on s’est rendu compte qu’Abbey Road, c’était beaucoup trop cher (rires). Finalement on a trouvé ce studio sur l’île de Great Bernera. Quand on a appris que c’était le studio le plus éloigné de tout le Royaume-Uni, on se devait d’y aller !

Finalement cette retraite est une belle métaphore du détachement de ce nouveau disque…

Tiernan : On a vraiment ressenti ça durant le voyage. Je me souviens qu’on parlait de ça avec Pat' sur le ferry en quittant l’Écosse et en regardant le Royaume-Uni disparaître sous nos yeux. C’était très poétique. Une fois arrivé, on était coincé les uns avec les autres dans ce studio. On est presque pas sorti. C’était très intense et isolé.

La structure métallique conçue par Kaye Song et utilisée pour la pochette de "Less".
La structure métallique conçue par Kaye Song et utilisée pour la pochette de "Less".

Tourner à 4 pour l’album précédent nous a permis de mieux cerner ce qu’on essayait de transmettre au public et de gagner en confiance.

Vous avez enregistré ce nouvel album en live, à 4 dans une même pièce. C’est sans doute cela qui donne cette proximité très intime à l’écoute du disque…

Tiernan : On aime beaucoup enregistrer en live. J’aime la tension que l’on obtient dans la performance.

Patrick : Mais c’est vraiment super dur (rires) ! C’était épuisant. C’est impossible d’avoir une prise parfaite. Et quand on enregistre en live, on cherche vraiment à atteindre quelque chose de spécial, de magique. Même avec tout le temps du monde, cela n’arrive pas toujours. Le risque, lorsque l’on passe une journée à essayer d’enregistrer un même morceau, c’est qu’on finit par s’épuiser et ne plus rien en retirer de bon. C’est un travail de patience.

La pochette de "Less", le nouvel album de deathcrash.
La pochette de "Less", le nouvel album de deathcrash. © Kaye Song

La pochette de l’album est très intéressante avec cette structure métallique perchée dans la nature sauvage de cette île écossaise. D’où vous est venue cette idée ?

Tiernan : C’est une amie à nous, Kaye Song, qui réalise tous nos visuels. Elle est également architecte. Elle a conçu de A à Z cette sculpture métallique modulable. Elle se compose de 18 pièces qui peuvent s’emboîter dans des configurations différentes. Emmener cette sculpture métallique très urbaine dans cet environnement sauvage, c’était très beau et plein de sens finalement. On aimait beaucoup cette idée de juxtaposer ces deux univers et de faire coexister notre musique et les visuels de Kaye.

Patrick : Et on a fini par mettre le feu à cette jolie sculpture (rires).

Loading...

C’est d’ailleurs ça que l’on voit dans le clip d'Empty Heavy. Pourquoi avoir mis le feu à la structure ? C’était une manière de relâcher la pression ?

Tiernan : C’était une super soirée… Tout ça était très symbolique. Je me souviens aussi d’un soir, à la fin de l’enregistrement du disque où on a enregistré les cris de Pat' et de notre amie Kaye que l’on entend à la fin du dernier morceau. Cette soirée-là, tout le monde est passé derrière le micro pour se lâcher en criant un bon coup. C’était une expérience fantastique. Quand j’y repense maintenant, je pense que ces deux épisodes sont liés.

Patrick : Il y avait tellement de réflexion et de minutie lorsque l’on était dans le studio… A la fin, ça fait toujours du bien d’exploser un bon coup et de foutre le feu (rires).

A réécouter : la critique du nouvel album de deathcrash dans Disorder (15/03/23)

Disorder

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

"Less" le deuxième album de deathcrash est sorti le 17/03 sur le label anglais untitled (recs). deathcrash sera en concert lors des Nuits Botanique le 06/05 prochain.

Inscrivez-vous à la newsletter Jam

Recevez chaque semaine toutes les actualités musicales proposées par Jam., la radio "faite par des êtres humains pour des êtres humains"

Sur le même sujet

Lankum : un groupe folk dingue

Jam

Temps de lecture