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Déchéance de nationalité : treize nouveaux cas, quelles conséquences pour ces djihadistes partis en Syrie ?

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Par Patrick Michalle

La cour d’appel de Bruxelles a prononcé treize nouvelles déchéances de nationalité à l’égard de ressortissants condamnés pour terrorisme. Depuis le changement de la loi, ils sont au total 52 binationaux privés de nationalité belge dans le même contexte, à savoir les départs vers la zone irako-syrienne lors des prémisses qui ont conduit à l’autoproclamation de "l’Etat islamique" par Daesh durant l’été 2014.

Des conséquences en Belgique mais aussi dans l’ensemble de l’Union européenne

La principale conséquence de la déchéance de nationalité est de couper le lien juridique et administratif avec l’Etat belge. Cela signifie la fin de l’application de tous les droits et devoirs qui s’y rapportent, que ce soit en matière d’accès au territoire, de droit au séjour et de droits sociaux (éducation, santé, revenus de remplacement).

La mesure ne se limite pas à la Belgique mais à l’ensemble de l’Union européenne puisque des documents délivrés en Belgique ouvrent le droit à la libre circulation dans l’ensemble des pays membres de l’Union ainsi que le droit de s’y établir et de bénéficier sous certaines conditions des mêmes droits sociaux.

Durcissement des mesures après les attentats de janvier 2015

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Des changements dans les conditions permettant de prononcer une déchéance de nationalité sont intervenus dans le sens d’un durcissement après les premiers attentats de 2015.

On se souvient du choc émotionnel provoqué par la double tuerie intervenue à la rédaction du journal satirique "Charlie-Hebdo" et à l’hypercasher près du périphérique parisien. Les deux attaques s’étant soldées par 17 morts et 18 blessés avaient donné lieu à un rassemblement populaire d’un million et demi de personnes en présence de dizaines de chefs d’Etat.

Manifestation "Charlie" 11 janvier 2015
Manifestation "Charlie" 11 janvier 2015 © AFP PHOTO

Côté belge, ces attentats ajoutés au contexte de la fusillade de Verviers ont amené à voter une loi plus sévère en juillet 2015. Elle a étendu la portée de la mesure de déchéance de nationalité à l’ensemble des préventions qualifiées de "terrorisme", permettant aussi de l’appliquer sans plus de référence dans la durée.

Pratiquement, elle permet aujourd’hui à un juge de priver de sa nationalité belge à n’importe quel moment de sa vie, un Belge d’origine étrangère disposant d’une double nationalité, ce qui lui évite de se retrouver apatride puisqu’il conserve son autre nationalité.

La déchéance, contrepartie de l’acceptation du statut de la binationalité

De tout temps, déchéance et binationalité ont été associées, l’une étant en quelque sorte la contrepartie de l’autre. Un Etat peut tolérer l’existence de ressortissants ayant d’autres nationalités que la sienne mais à la condition de pouvoir la lui retirer en cas de "déloyauté" à l’égard d’actes posés contre son territoire.

Cela n’a posé problème que dans des périodes troublées où des conflits de "loyauté" sont apparus le plus souvent dans le contexte d’affrontements dans des zones de conflit.

En Europe, la disposition sur la déchéance de nationalité existe dans la plupart des pays qui acceptent un statut binational pour les nationaux d’origine étrangère.

Une mesure sans réelle efficacité sur le plan sécuritaire

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En matière sécuritaire, la portée de la déchéance de nationalité est très relative, pour ne pas dire inefficace. Car l’histoire récente l’a démontré : de nombreuses personnes impliquées dans des dossiers de terrorisme ont utilisé des faux papiers ou sont entrées clandestinement en Europe pour y commettre des attentats. Cela paraît assez logique si l’on craint d’être identifié sous son identité.

Sur le terrain opérationnel, les professionnels du renseignement ne le diront pas officiellement mais l’éloignement du territoire et la perte de la nationalité rendent plus complexe la surveillance des individus les plus radicalisés. Même si, à court terme, éloigner le danger potentiel permet de libérer des moyens humains pour d’autres tâches en Belgique.

Cette mesure a dès lors avant tout une portée symbolique et psychologique, destinée à rassurer l’opinion publique quant à la fermeté dont font preuve les gouvernements des pays concernés.

Cette mesure rencontre aussi une adhésion dans l’opinion, ce qui est électoralement jugé rentable par les partis qui en ont fait leur cheval de bataille. Cette mesure est également plus simple à mettre en œuvre que la mise en application de dispositifs de réinsertion par le travail et l’éducation, solution présentant pourtant de meilleures garanties à long terme sur le plan social.

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