L’ingénieur, co-auteur de la BD "Le Monde sans fin" liste une série d’avantages associés au nucléaire : "D’abord le fait qu’il soit dense et pilotable ce qui n’est pas le cas des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables comme le soleil et le vent elles sont diffuses – ce qui veut dire qu’il faut beaucoup de dispositifs de collecte un peu partout sur le territoire – et elles sont intermittentes : il faut que le vent souffle ou que le soleil brille pour avoir de l’énergie". Ce qui n’est pas le cas du nucléaire : "Il faut considérablement moins de place pour construire une centrale nucléaire que pour installer une puissance équivalente en panneaux photovoltaïques".
Jean-Marc Jancovici souligne aussi le fait qu’à un moment donné avec la fin des énergies fossiles, il va devenir difficile de trouver le métal suffisant pour construire les éoliennes et les panneaux photovoltaïques en suffisance : "Rien ne garantit que dans un monde sans énergie fossile et démondialisé, on va pouvoir continuer à avoir des éoliennes aussi peu chères en Belgique. Les panneaux solaires et les éoliennes pas chères, ce sont aussi des enfants de la mondialisation". Or, pour une puissance donnée, une centrale nucléaire a besoin de nettement moins de métal que son équivalent en renouvelable.
Ceci dit, l’ingénieur qui préside aussi le shift-project, ne nie pas les difficultés associées au développement du nucléaire aujourd’hui : les coûts de construction élevés, le fait que les assureurs n’acceptent de couvrir qu’une part très limitée du risque… ce qui a fini par décourager le secteur privé d’investir dans cette filière. Il y voit la preuve que le nucléaire ne peut être qu’une énergie d’Etat : "c’est très simple : un nucléaire cher, c’est un nucléaire qui est développé dans un cadre privé et un nucléaire pas cher, c’est un nucléaire qui est développé dans un cadre public !". Pour Jean-Marc Jancovici, développer aujourd’hui une vraie filière nucléaire publique avec des perspectives claires et stables permettra d’amortir le choc de la sortie du fossile et de gérer au mieux les risques associés au nucléaire ainsi que la gestion des déchets radioactifs que produit cette énergie.
Quant à la question des ressources limitées en Uranium 235 (l’isotope actuellement utilisé dans les centrales), l’ingénieur répond que l’on maîtrise aujourd’hui la technologie (4e génération) qui permet d’utiliser l’Uranium 238, présent en bien plus grande quantité sur notre planète. "On a fermé les réacteurs Phénix et Super Phénix, en France, alors que la technologie avait fait ses preuves et juste connu ses maladies de jeunesse". Là encore, pour lui, il faut faire des choix clairs à 40 ou 50 ans pour permettre à cette filière de se développer.
NON, pour Luc Barbé
Luc Barbé, ingénieur lui aussi et qui était chef de cabinet d’Olivier Deleuze (Ecolo), au moment du vote de la loi de sortie du nucléaire en 2003, a un avis radicalement différent sur la question. Pour lui, on peut se passer du nucléaire et c’est d’ailleurs ce qui est en train de se produire : "aujourd’hui la plupart des pays dans le monde ont fait le choix du renouvelable. On investit aujourd’hui jusqu’à 15 fois plus dans le renouvelable que dans le nucléaire"