Déconfinement en Belgique : la Flandre bientôt "libérée" du port du masque ?

Marcheuse sur la Grand’Place d’Anvers, été 2020 (image d’illustration)

© BELGA

On a couru après lors de la pénurie de la première vague, il vous force parfois à faire demi-tour parce que vous l’avez oublié chez vous, et il fait partie aujourd’hui de la panoplie de protection contre le Covid-19. Le masque qui couvre le nez et la bouche au cœur du Codeco du jour, le comité de concertation. Ivan De Vadder, journaliste politique à la VRT et chroniqueur au journal Le Soir, répondait aux questions de François Heureux ce matin sur La Première.

A revoir :

Ces derniers jours, quasi tous les présidents de partis au nord du pays ont demandé des assouplissements en ce qui concerne le port du masque. Pourquoi les Flamands veulent-ils à tout prix abandonner le masque aujourd’hui ?

Ivan De Vadder : "Parce que le taux de vaccination est tellement élevé en Flandre, même chez les adolescents. Je crois que chez les adolescents, on est au-dessus de 70%, et chez les adultes, on est au-dessus de 90%. C’est donc tous les partis confondus en ce moment. Ça a commencé avec la N-VA depuis quelques semaines, qui s’est dit qu’il fallait se libérer des mesures corona, mais on hésite encore avec le Covid Safe Ticket, car c’est un peu nouveau, on ne sait pas très bien, mais sur le port du masque, c’est très clair. Ça a donc commencé avec la N-VA et maintenant tout le monde le dit : il faut se libérer du port du masque. Et c’est un peu une récompense pour ce comportement des Flamands. On s’est bien tenu, on est très docile, on s’est fait vacciner, on était des citoyens, et donc on doit être récompensé et c’est la libération du port du masque".


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"Et là aussi, il y a encore une phrase qui s’ajoute dans le discours politique : et pour cela, il ne faut pas que la Flandre soit prise en otage par les autres régions. Il y a donc un aspect communautaire, mais il y a surtout cet aspect de récompense pour le comportement. Même le ministre de la Santé flamand, Wouter Beke, qui est un peu responsable, veut prendre revanche pour ce qui s’est passé pendant la première vague, c’est-à-dire la débâcle dans les maisons de repos, avec tant de morts à cause de la première vague de corona. Et là, lui s’est mis derrière cette stratégie de vaccination et c’est une des personnalités qui dit qu’il est maintenant temps de se libérer de ce masque. Et donc, la conclusion, et je crois que tout le monde est d’accord en Flandre, est qu’on portera le masque où on souhaite porter le masque, c’est-à-dire dans les transports en commun ou par exemple avec les professions de contact ou dans le service des soins de santé. C’est un peu ça, le compromis en ce moment".


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Ce sera sans doute le socle fédéral qui sera décidé à l’issue du Codeco. Aux régions bruxelloises ou wallonnes de durcir ce socle si elles en ont l’envie. En Flandre, on a l’impression que l’épidémie de Covid-19 est terminée, ou presque ?

Il y a "deux réponses. Si on voit les chiffres, non, elle n’est pas terminée. Mais disons qu’on est passé de rouge en orange. On a quand même l’impression qu’il y a des petits problèmes dans l’enseignement, comme partout, avec beaucoup de jeunes qui sont en quarantaine en ce moment, à cause des règles assez strictes et sévères dans l’enseignement sur l’isolation et la quarantaine. Mais j’ai bien l’impression, justement par ce comportement et par le taux de vaccination, qu’il y a un sentiment émotionnel en Flandre. Oui, on a battu le virus, il ne circule plus et on ne le voit plus dans les hôpitaux. Disons que les gens qui se retrouvent maintenant à l’hôpital à cause du virus sont des gens qui sont non vaccinés, et il n’y en a plus beaucoup en Flandre. Oui, il y a un sentiment qu’on a battu le virus, mais c’est vrai que des personnalités, comme Frank Vandenbroucke, le ministre de la Santé fédéral, nous mettent en caution en disant : " attendons, on n’est pas sûrs, l’hiver va venir, l’hiver sera probablement dur pour la grippe et probablement aussi pour une nouvelle vague ". Les experts parlent d’une autre façon, ça, c’est clair aussi".

 

"Un œil en Flandre" du dimanche 12 septembre

Ce qu’en pensent les experts

Est-ce que la Flandre est prête à abandonner le masque ? Est-ce qu’elle peut se le permettre vu son taux de vaccination ?

Catherine Linard est géographe de la santé à l’Université de Namur: "Ce qui se passe ici, c’est qu’il n’y a pas encore suffisamment d’éléments rassurants pour lever une mesure comme le masque à l’intérieur, qui, pour moi, devrait être une des dernières mesures à être supprimée puisqu’elle est assez peu contraignante. Donc, les indicateurs, pour l’instant, sont stables, c’est vrai, mais c’est un équilibre qui est encore instable, avec un taux de reproduction qui est proche de 1 et un équilibre qui pourrait être mis à mal par la période, avec la reprise des activités. Il y a les universités et les hautes écoles qui viennent de reprendre cette semaine, toutes les activités professionnelles reprennent aussi, et avec l’arrivée de l’automne et de l’hiver. L’année dernière, à la même période, on a perdu le contrôle de l’épidémie".

Mais on n’était pas vaccinés à ce moment-là…

"Exactement. On n’est évidemment plus dans les mêmes conditions que l’année dernière grâce à la vaccination, mais la situation reste délicate et elle va rester délicate dans les prochaines semaines".

Ça veut dire que le masque va rester, même si on atteint des taux de vaccination très élevés partout dans le pays ?

"Disons qu’il va rester encore dans les prochaines semaines, je dirais, le temps de voir quel va être l’effet de la reprise de toutes les activités et l’effet de l’arrivée de l’hiver. Si on voit d’ici quelques semaines qu’on continue à garder ce contrôle, alors oui, on va continuer à relâcher de manière progressive, évidemment. Mais ça doit pour l’instant continuer à se faire avec prudence".

On a assez d’études aujourd’hui pour affirmer que le masque est efficace pour empêcher la transmission du virus ? C’est clair et net aujourd’hui, c’est prouvé scientifiquement ?

"Oui, bien sûr, c’est tout à fait prouvé scientifiquement, dans certaines circonstances en tout cas. Dans les lieux clos, peu ventilés, et quand les distances ne peuvent pas être respectées, oui, dans ces conditions-là, le masque est efficace".

Qu’est-ce qui est le plus efficace pour empêcher la transmission : le Covid Safe Ticket ou le masque ? Est-ce que c’est mieux de continuer à imposer le masque à l’intérieur, comme dans les auditoires d’université — et vous en faites l’expérience vous-même puisque vous êtes professeure à l’université — plutôt que de pouvoir l’enlever après avoir montré son pass sanitaire ? Quelle est la mesure la plus efficace pour empêcher la transmission du virus ?

"C’est impossible à dire parce qu’il reste encore beaucoup d’incertitudes, notamment sur la réduction de la transmission par le vaccin. On sait que le vaccin réduit les chances d’être malade et d’infecter, mais on ne sait pas très bien à quel niveau. Les bénéfices épidémiologiques du Covid Safe Ticket sont donc très difficiles à quantifier".

Ça veut dire que quand on est vacciné, on ne peut pas pour autant enlever son masque ? On ne peut pas imaginer aujourd’hui des événements avec beaucoup de gens à l’intérieur qui seraient tous vaccinés et pour lesquels on pourrait tous enlever son masque ? Il y a encore des risques de transmission ?

Oui, des risques de transmission, il y en a. Maintenant, je pense que ça dépend des activités, ça dépend des circonstances. C’est vrai que rouvrir les boîtes de nuit avec le Covid Safe Ticket et en supprimant le masque, je pense que ça se justifie de par l’activité aussi, mais je pense qu’il y a plein d’autres circonstances dans lesquelles le Covid Safe Ticket ne doit pas être la solution. Ça doit être une mesure qui soit éventuellement combinée à d’autres, comme le port du masque.


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Ça a du sens d’appliquer le Covid Safe Ticket à la seule Région bruxelloise, selon vous ?

"Moi, j’ai effectivement toujours été plutôt en faveur de mesures ciblées. La situation est plus délicate pour le moment à Bruxelles, donc oui, pourquoi ne pas appliquer la mesure qu’à Bruxelles, en sachant évidemment que si la situation se dégrade dans d’autres régions du pays, il faudra peut-être penser à l’appliquer ailleurs aussi".

Extrait de notre JT du 16 septembre sur le Covid Save ticket à Bruxelles :

Comme à Liège, par exemple ?

"Voilà. C’est vrai que Liège, pour l’instant, est dans une situation un peu plus délicate aussi".

Ça a donc du sens de demander ce Covid Safe Ticket dans des régions, et parfois même juste dans des villes, même si on sait qu’il y a beaucoup de circulation ? Ça a quand même du sens d’imposer ce Covid Safe Ticket dans certains lieux ciblés, selon vous ?

"Oui, pour moi, ça garde son sens, ça limite les risques".

 

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