Les estimations donnent le tournis. Si l’on met de côté les inscriptions fictives pour conserver le droit aux allocations familiales, un jeune Belge sur trois est aujourd’hui en décrochage scolaire. Ces dernières années, la problématique s’aggrave, tandis que les profils se diversifient.
"L’âge des jeunes qui sont en décrochage a fort baissé. Il y a dix ans, on parlait surtout de garçons de 16 à 18 ans. Aujourd’hui, il y a aussi beaucoup de filles qui ne veulent plus aller à l’école et cela commence dès 13 ou 14 ans", constate Diane Hennebert, fondatrice d’Out of the box, une association qui accueille 25 à 30 ados en rupture scolaire, en général pour une durée d’un an.
L’association, soutenue via des parrainages privés, occupe une maison cossue d’Etterbeek, en Région bruxelloise. Les jeunes y préparent et mangent ensemble le petit-déjeuner et le dîner. Dans la salle à manger qui jouxte les salles de classe, une bibliothèque aiguise la curiosité des ados venus ici se relancer et reprendre confiance.
"Out of the box est un atelier de pédagogie urbaine et créative plutôt qu’une école au sens traditionnel du terme", précise Diane Hennebert. Ici pas de cours, mais des ateliers de langues, d’arts plastiques, de danse, de théâtre ou de philosophie. Pas d’évaluation chiffrée non plus, mais des évaluations réciproques entre élèves et adultes encadrants.
On apprend aussi bien avec une tasse de thé devant soi
Ce matin-là, c’est atelier d’Anglais. Les jeunes jouent au "bonhomme pendu" pour apprendre les noms de métiers dans la langue de Shakespeare. Ce qui frappe les esprits, outre la participation assidue des ados, c’est le côté détendu, informel. Un jeune homme est debout, un autre est assis sur l’appui de fenêtre, tandis qu’une jeune fille grignote des cerises.
"Ce n’est pas non plus la foire", tempère Laly, 16 ans. "Il y a des règles. On doit donner notre téléphone chaque matin. C’est vrai qu’on peut se lever pour les besoins primaires comme aller aux toilettes ou chercher de l’eau. Mais on ne va pas commencer à se lever pour se taper une clope dehors alors que ce n’est pas l’heure."
"Les jeunes qui sont ici détestent l’école", décode Diane Hennebert. "Mais ce n’est pas pour cela qu’ils n’ont pas envie d’apprendre beaucoup de choses. Notre rôle est aussi de dissocier cette hantise ou ce refus du système scolaire du plaisir d’apprendre. Je ne vois pas pourquoi on apprendrait moins bien avec une tasse de thé devant soi."