Deeper, espoirs post-punk à Chicago

Une basse répétitive et tendue, des guitares éthérées et (parfois) énervées, une voix scandée : la recette est toute faite et on se croirait de retour dans les années 80. Le post-punk serait-il devenu en 2021 un véritable effet de mode ? Peut-être. Il est en tout cas difficile d’éviter aujourd’hui cet emballement qui séduit la programmation des festivals et influence une nouvelle génération d’artistes. Si l’avènement de la scène post-punk anglaise est inévitable et qu’il faut probablement vivre dans une grotte pour ne jamais avoir entendu les noms de Shame, Squid et consorts, force est de constater que ça bouge également pas mal de l’autre côté de l’atlantique. Preoccupations, Parquet Courts (que nous avons récemment eu l’occasion de rencontrer), Moaning ou encore Deeper, autant de groupes qui bousculent le genre et offrent du répondant à l’offensive britannique.

Originaire de Chicago, Deeper s’est fait les dents au sein de la scène underground de la ville qui connaît un véritable renouvellement depuis quelques années. Dans les clubs de la "Windy City", le rap intimiste de Mick Jenkins (qui vient tout juste de sortir son dernier album) côtoie la musique psychédélique de Post Animal et le post-rock de Russian Circles. Composé à l’origine de Nic Gohl (guitare/voix), Mike Clawson (guitare), Drew McBride (basse) et Shiraz Bhatti (batterie), Deeper a sorti un premier album en 2018. Rapidement remarqué pour ses riffs de guitares à la frontière entre l’indie rock et le post-punk, le quatuor s’est lentement établi comme l’un des groupes les plus prometteurs de la métropole. Bien décidé à asseoir leur réputation, Deeper se lance dans l’enregistrement d’un deuxième disque plus ambitieux en 2019. Au cours de l’enregistrement de l’album, Clawson annonce son départ du groupe. Gohl, McBride et Bhatti décide alors de continuer l’aventure et d’enregistrer ces nouveaux morceaux qui donneront en 2020 naissance à "Auto-Pain". Ce nouvel album dans la boîte, le quatuor, devenu trio, s’embarque pour une tournée européenne durant laquelle ils apprendront la triste nouvelle du suicide de leur ancien guitariste Mike Clawson.

Bien qu’enregistré avant ce tragique évènement, "Auto-Pain", sorti début 2020, est un album empreint d’un lyrisme certain. Le titre est d’ailleurs inspiré de l’œuvre littéraire "Le Meilleur des mondes" d’Aldous Huxley qui dépeint un univers dystopique où les personnages se droguent au "soma", une pilule qui permet de ne plus rien ressentir. Le groupe décrit ce deuxième essai comme un album pour apprendre à souffrir mais aussi, et surtout, pour apprendre à aller mieux.

Is this the cure you believe in
Or just another crossed line ?

A la première écoute de cet album, on pourrait se dire que Deeper n’est qu’un énième groupe de post-punk qui se contente d’emprunter les codes du genre. Les réminiscences 80’s sont indéniables. Il y a du Robert Smith dans la voix, du Television dans les guitares et du Joy Division dans la basse. Sur "V.M.C", cette dernière résonne d’ailleurs comme celle d’un certain "Disorder".

Bien que proche de ses influences, Deeper parvient à se démarquer en invoquant une certaine urgence renforcée par une locomotive rythmique qui tire le groupe vers l’avant. Les guitares dissonantes font naître une tension grandissante dans certains morceaux ("The Knife", "Willing") tandis qu’un phrasé sautillant à la Bloc Party permet à l’album de garder un côté entraînant ("Esoteric", "This Heat") et de filer d’une traite. Deeper est actuellement en tournée européenne et l’on surveillera de près leurs prochaines aventures sur les rives du lac Michigan…