Réapprovisionner les stocks d'armes et d'équipements militaires entamés par l'aide des États membres de l'UE à l'Ukraine, remplacer les systèmes de défense hérités de l'ère soviétique et toujours en usage dans plusieurs pays est-européens, renforcer la défense aérienne et antimissile: telles sont les trois lacunes les plus urgentes à combler en termes de capacités de défense européenne, ont indiqué mercredi la Commission européenne et le Haut représentant Josep Borrell.
Les deux instances ont présenté leurs recommandations pour que les États membres investissent "ensemble, mieux et de manière européenne", comme ces derniers le leur avaient demandé aux sommets de Versailles et de Bruxelles, en mars dernier.
Des achats conjoints de matériel UE sont sur la table, un élément jusqu'ici peu envisageable pour nombre d'États membres soucieux de ne pas s'aliéner l'allié américain dans l'Otan, mais qui pourrait être vu désormais comme un moyen de renforcer aussi l'alliance atlantique.
"Le retour de la guerre en Europe a mis en évidence les effets d'années de sous-financement dans la défense. Nous avons perdu une décennie d'investissements", a affirmé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. De 1999 à 2021, les dépenses combinées de l'UE ont augmenté de 20%, tandis qu'elles augmentaient de 66% aux États-Unis, de 292% en Russie et de 592 % en Chine, selon l'exécutif européen. Josep Borrell a spécifiquement pointé du doigt la période 2008-2014, consécutive à la crise de l'euro.
Renforcer à long terme notre base industrielle de défense européenne
Toutefois, l'agression de la Russie contre l'Ukraine a rapidement entraîné une augmentation des dépenses militaires des États membres, à l'image de l'Allemagne qui a opéré un tournant historique en annonçant vouloir dépenser dès 2022 des sommes records afin de dépasser les 2% du PIB préconisés par l'Otan dans les prochaines années. Depuis février, les pays de l'UE ont déjà annoncé jusqu'à 200 milliards d'euros d'augmentation de leurs budgets de défense. En Belgique, pays qui n'était encore qu'à 1,2% du PIB l'an dernier, l'objectif serait d'atteindre les 2% d'ici 2035.
"Nous devons nous assurer que cet argent est dépensé de manière coordonnée, qu'il répond aux lacunes en matière de capacités que l'Europe a décelées, tant au niveau de l'Union européenne que de l'Otan. Et qu'il renforce à long terme notre base industrielle de défense européenne", a balisé Mme Von der Leyen.
À ses yeux, sans approche coordonnée, l'augmentation des dépenses risque de mener à une fragmentation plus poussée encore des systèmes de défense européens, déjà très disparates, d'autant que l'industrie de la défense reste structurée sur base des frontières nationales.