La couleur des idées

Définir et analyser le concept de consentement avec la philosophe féministe Manon Garcia

La philosophe Manon Garcia

© Astrid di Crollalanza / Flammarion

Par Tania Markovic et Simon Brunfaut via

Depuis l’affaire Weinstein et le mouvement #Metoo, la notion de consentement (jusque-là essentiellement l’apanage des milieux féministes et des travaux universitaires) s’est popularisée. On n’a jamais autant parlé de consentement, à tel point que ce sujet à la fois éminemment politique et juridique est devenu littéraire avec des ouvrages comme Le Consentement de Vanessa Spingora ou, plus récemment, La Familia Grande de Camille Kouchner. Pour preuve de l’intérêt suscité auprès du public, on répertorie 182.000.000 occurrences sur Google quand on tape Le Consentement pour 65.700 quand on recherche Julie ou la nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, pourtant l’un des plus grands succès de librairie de la fin du XVIIIᵉ siècle ! Le récit de Vanessa Spingora va être adapté au cinéma et l’ouvrage a connu un retentissement médiatique international avant même sa parution. C’est dire à quel point cette question passionne.

Il est dorénavant communément admis que le consentement est la base de toute " bonne " relation sexuelle, un rapport non consenti devenant, de fait, un viol, conformément à la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe entrée en vigueur en 2014 et qui établit que le viol est un " rapport sexuel sans consentement ".

Dans son dernier livre " La conversation des sexes. Une philosophie du consentement " (Flammarion), la philosophe Manon Garcia tente de penser cette notion qui se présente comme " le parfait critère de démarcation entre le bien et le mal, entre le bon sexe et le viol ". Alors qu’aujourd’hui nous tâchons de trouver comment manifester son consentement, Manon Garcia nous propose de déplacer la question : avant de se mettre d’accord sur les modalités permettant d’affirmer son consentement, ne devrions-nous pas en premier lieu nous accorder sur sa définition ? Ne mettrions-nous pas la charrue avant les bœufs en tentant de déterminer si le consentement doit être contractuel ? S’il doit être marqué par un safeword comme cela se pratique dans le BDSM (acronyme de " Bondage et discipline, domination et soumission, sadomasochisme" . Le safeword est un signal verbal ou corporel défini par les participants avant le début de la séance et qui a pour effet, une fois prononcé ou signalé par la personne soumise, d’y mettre un terme. En l’absence de safeword, on peut donc supposer que les partenaires consentent à la relation.) ou même faire l’objet d’un contrat de consentement sexuel comme cela existe aux Pays-Bas ?

Manon Garcia montre que " la définition du consentement ne va pas de soi ". Elle nous pousse à nous demander ce qui conduit une personne à donner son consentement : " qu’est-ce "qu’être d’accord" pour avoir un rapport sexuel ? ". Elle interroge : le domaine juridique suffit-il pour décrire tous les enjeux du consentement ? Manon Garcia montre que si le consentement est bien indispensable pour penser les violences sexuelles, il reste ambigu car il révèle en réalité une société façonnée par le patriarcat et les inégalités de genre. Comment repenser les rapports sexuels sur base non plus de la domination mais de l’égalité entre les hommes et les femmes ? Comment envisager une véritable conversation entre les sexes et non plus une simple négociation ? Comment libérer la sexualité du patriarcat et des inégalités de genre ?

Un entretien mené par Simon Brunfaut à écouter ci-dessous ce samedi 16 octobre dès 11 heures.

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