Belgique

Delhaize : "La violence n’est pas dans notre camp, elle est dans celui de la direction”, selon Myriam Delmée (SETCa)

L'invité de Matin Première : Myriam Delmée

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Temps de lecture
Par D. V. Ossel sur la base d'une interview menée par Thomas Gadisseux et François Heureux

Sur le site du dépôt de Zellik, les camions Delhaize, à l’arrêt, côtoient ce mardi matin des véhicules de police. Un conseil d’entreprise a eu lieu ce mardi matin. Il n'a pas duré longtemps. Il ne faut pas pour autant s'attendre à des débordements, assure Myriam Delmée, présidente du SETCa, interrogée sur place par Thomas Gadisseux dans Matin Première : "S’il n’y a pas de provocation, il n’y aura pas de débordements. On n’est pas là pour casser, loin s’en faut. Mais il faudrait qu’en face on ait du respect pour les travailleurs et qu’on ne les méprise pas comme on a fait hier en fouillant leur représentant”.

La situation chez Delhaize est tendue depuis l’annonce de la firme de franchiser l’ensemble de ses 128 supermarchés qui sont actuellement en gestion propre. Lors du conseil d’entreprise ordinaire de lundi, la direction a eu recours à des fouilles à l’entrée, des gardiens de sécurité sont restés lors de la rencontre. Cette situation a été particulièrement mal vécue.

"Je ne sais pas ce qu’ils ont pu imaginer, réagit Myriam Delmée. Il n’y a pas de volonté d’aller à la violence. La violence, elle n’est pas dans notre camp, elle est dans celui de la direction.”

Depuis ce lundi, plusieurs dépôts au siège de Delhaize à Zellik sont bloqués par des ouvriers et des employés, en front commun syndical. Les magasins, y compris ceux qui seront ouverts, seront touchés ces prochains jours.

Cela risque de durer : "J’ai le sentiment que le personnel reste extrêmement déterminé. Jusqu’à maintenant, c’est le personnel qui a dicté le tempo des grèves. On est toujours dans le mouvement émotionnel, dans le mouvement spontané et pas encore dans un plan d’action qui est vraiment discipliné et structuré."

"Retirez le plan et négociez"

Les syndicats venaient au conseil d'entreprise ce mardi matin avec un message clair : “Retirez le plan et négociez”. Les syndicats ont toujours été prêts à le faire, précise la présidente du Setca, faisant référence à une première restructuration, en 2014. La direction a de son côté répété qu'elle maintenant son plan. Les syndicats sont donc sortis de la réunion.

C’est un bras de fer qui s’engage. "Il faut prendre la mesure de la situation. On est face à une entreprise bénéficiaire, à des magasins qui fonctionnent, qui ont de l’emploi de qualité. Jusqu’à il y a quelques années, Delhaize, c’était la Rolls de l’emploi dans la grande distribution. La direction dit à présent 'finalement faire du commerce, ça ne nous intéresse plus. La seule chose qui nous intéresse, c’est d’être distributeur de marques parce que ça nous rapporte plus.' Elle balaie d’un revers de la main les 9000 travailleurs concernés. Ça, c’est inacceptable !”

Delhaize a annoncé sa volonté de franchiser ses magasins dits "intégrés", elle assure que les travailleurs n’y perdront rien. "C’est ça le scandale, s’exclame Myriam Delmée, c’est que si Delhaize était honnête, il viendrait avec un plan de restructuration en disant : ' Voilà, on va franchiser, ça va amener à moins de personnel, celui qui ne veut pas aller en franchise doit pouvoir quitter l’entreprise dignement, et sur cette base-là, on négocie.' Mais ce n’est pas ce qu’ils disent. On sait qu’un supermarché qui a actuellement 60 ou 80 travailleurs va peut-être se retrouver en franchise avec 50 travailleurs. Moi, je veux savoir ce qu’on fait des 30 travailleurs par magasin qui seront excédentaires.

"L’ingénierie asociale"

Les syndicats redoutent aussi de ne plus avoir de représentation dans les magasins qui seront franchisés, la représentation syndicale n’étant pas obligatoire sous le seuil de 50 employés. "Ce n’est pas tant la représentation, c’est le fait que les individus vont se retrouver face à leur employeur seul. La force des travailleurs, c’est quand même d’avoir des négociations collectives où ils ne doivent pas s’exposer individuellement. Et c’est là que le modèle sociétal est en train de changer. C’est pour ça que le conflit de l’Est est emblématique et qu’il doit trouver une solution correcte.

Le politique s’active-t-il en coulisse ? "On a eu des contacts avec le politique, comme le politique a eu des contacts avec la direction de Delhaize, ce qui se fait de manière habituelle dans ces cas-là. Mais je n’ai pas l’impression que le politique ait plus de chance que nous en termes de dialogue avec Delhaize. Le ministre de l’Emploi ne reste pas inactif sur le dossier mais il a un cadre juridique qui existe et il a en face de lui des gens qui manient l’ingénierie asociale de manière parfaite."

Le centre décisionnel n'est pas ailleurs plus en Belgique. Depuis la fusion avec Ahold, la maison mère est aux Pays-Bas. "On en est bien conscient, on essaie de faire pression de ce côté-là aussi. [...] Le modèle hollandais est un modèle totalement différent du modèle belge et bien plus asocial."

Ce mardi après-midi, une réunion aura lieu en front commun syndical avec les employés et ouvriers pour décider des actions à venir.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous