Belgique

Delhaize : un tournant pour le droit de grève en Belgique

Déclic - Le Tournant

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Par Arnaud Ruyssen via

À l’image du long bras de fer entre travailleurs de Delhaize et direction de l’enseigne au Lion, suite à la décision du groupe de franchiser 128 magasins, vit-on un "tournant" pour le droit de grève en Belgique ? Au vu de l’enquête réalisée pour le PODCAST "Le Tournant", il semble que oui, pour 4 raisons particulièrement.


► Cet article est mis à jour suite à la rediffusion des épisodes du podcast Déclic – Le Tournant en semaine de 18h à 19h sur La Première.


Aujourd’hui, un droit aux contours flous

Si l’absence de balises précises dans la loi et la constitution pour ce "droit de grève" en Belgique a longtemps permis aux syndicats d’en défendre une acception assez large, aujourd’hui, force est de constater que les cours et tribunaux délimitent un périmètre assez restrictif à la grève. Quand on lit les dernières ordonnances interdisant à quiconque "d’entraver" les magasins Delhaize, on se dit que même la tenue de piquets de grève filtrants devient difficile à organiser lors d’une action syndicale.

Une évolution du regard de la société

Cette évolution de la jurisprudence est en phase avec une évolution sociétale. Ces dernières années on voit, par exemple, que dans les médias (traditionnels et sociaux) la grève est de plus en plus traitée sous l’angle de ses conséquences pratiques (en matière de mobilité, d’accès aux lieux de travail, de contournement possible…) et laisse souvent au second plan le fond des revendications qui ont conduit au mouvement de grève.

Grève chez Delhaize, le symptôme d’un modèle de concertation grippé

Le modèle de concertation sociale à la belge est lui-même grippé. Les "fruits de la croissance" que patronat et syndicats se partageaient par le passé, sont aujourd’hui de plus en plus maigrelets.

Qui plus est, les concurrences entre États, induites par le marché unique européen, ont conduit à un corsetage de plus en plus strict des salaires qui rend très compliqué désormais la conclusion d’accords interprofessionnels entre représentants des employeurs et des travailleurs. C’est ce que dit d’ailleurs Jean Faniel directeur du CRISP : "Les gouvernements, en particulier le gouvernement Michel en 2017 ont tellement réduit la marge pour l’augmentation des salaires que c’est un peu comme si on avait mis le patronat dans un fauteuil et les syndicats sur un tabouret dont il manque un pied."

L’exemple des magasins Delhaize fermés : un problème d’échelle

Il y a aujourd’hui une vraie différence d’échelle entre les grandes entreprises multinationales et les systèmes de concertation sociale qui restent eux construits à l’échelle des États. Cela change aussi la nature des rapports de force : un groupe mondial peut beaucoup plus facilement "faire le gros dos" face à des actions de grève qui ne concernent ses implantations que dans un seul pays. On le voit dans le conflit social chez Ahold-Delhaize.

Pour toutes ces raisons-là, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, on ne peut pas nier que la capacité des syndicats à peser dans le bras de fer entre capital et travail est aujourd’hui amoindrie… Et que cela change les équilibres de notre démocratie sociale à la belge.

Et pour creuser tout cela en détail, le dernier épisode du "Tournant" est en ligne. Sur Auvio et sur toutes vos plateformes de téléchargement.

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