Cinéma

Denis Villeneuve : avec Dune, j’ai voulu faire un film de science-fiction où les gens se sentiraient étrangement chez eux

Denis Villeneuve était à la Mostra pour présenter son film "Dune" en avant-première

© MIGUEL MEDINA / AFP

Près de 60 ans après la publication de "Dune", et après une adaptation ratée de David Lynch, Denis Villeneuve adapte ici la première partie du roman "Dune" de Frank Herbert (le film appelle clairement une suite).

Tout comme le livre, le film de Villeneuve est "clivant" : les fans d’Herbert vont savourer la version, visuellement splendide, du cinéaste canadien qui réalise ici un de ses fantasmes d’adolescent. Et ceux qui sont étrangers au livre regarderont très vite leur montre devant un film qui prend une heure et demie à mettre tous les éléments de l’univers en place avant de proposer, pendant l’heure restante, quelques scènes d’action.

Sur le plan commercial, Villeneuve va-t-il gagner son pari ? Va-t-il réussir à drainer dans les salles le public des teenagers en plus des fans adultes de "Dune" – car des résultats au box-office dépendra la possibilité pour lui de réaliser la suite du film…

L’interview intégrale

L'interview de Denis Villeneuve pour "Dune"

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Ce roman est un roman culte, qui n’a pas toujours porté chance aux cinéastes, on se souvient du projet avorté de Jodorowsky, ce n’est certainement pas le film le plus réussi ou le plus abouti de David Lynch, qu’est-ce qui vous a donné l’envie et le courage de vous attaquer à ce monument ?

Denis Villeneuve : C’est un roman qui m’habite depuis près de 4 décennies, qui m’a subjugué à sa première lecture, et je suis devenu à l’adolescence, vraiment un maniaque de Dune, j’ai lu toute la série, je l’ai relue à quelques reprises, c’est quelque chose qui pour plusieurs raisons, m’a fasciné. Même adolescent, avec un de mes grands amis qui est dessinateur, on s’était mis à commencer à dessiner le film, et ce qu’il pourrait être.

lire aussi : "Dune", la concrétisation d’un fantasme

Est venue l’adaptation de Lynch, qui m’excitait beaucoup, mais j’ai eu des sentiments partagés, conflictuels, quand j’ai vu le film : il y avait des éléments que je trouvais absolument réussis, et d’autres pour lesquels j’étais déçu. Ce n’était pas le film dont j’avais rêvé. Cette obsession-là, de ce rêve-là, cette charge d’inspiration là qui m’habitait à partir de ce roman est demeurée intacte à travers les années. Ça aurait pu mourir mais c’est demeuré intact, ce désir-là est demeuré vivant. Donc, quand j’ai eu finalement les connaissances techniques pour porter le roman à l’écran, et aussi les moyens, je m’y suis attaqué.

Ce n’est pas un secret que George Lucas s’est terriblement inspiré de ce roman pour bâtir la Guerre des Etoiles, depuis lors, il y a eu énormément de blockbusters de science-fiction… Donc pour un cinéaste, comment visuellement déjouer les clichés du film de science-fiction, comment réinventer tout ça ?

Denis Villeneuve : C’est une bonne question, effectivement, quand on fait un film de science-fiction comme celui-ci, il y a l’éléphant rose de la Guerre des Etoiles dans la pièce. Le but a été de retourner au roman, de retourner aux sources du roman, aux descriptions de Frank Herbert, c’est ce qui m’a beaucoup guidé dans le design du film. Et comme le roman retourne à cette idée d’observation de la nature, d’être en relation avec la nature, – c’est-à-dire que le roman est né d’une observation scientifique sur laquelle Frank Herbert écrivait et faisait un compte rendu, et cette fascination-là pour les écosystèmes, cette fascination-là pour la nature, la Nature qui est le véritable Dieu dans Dune, j’ai voulu m’approcher le plus possible de la nature, de la rendre familière, et d’essayer de tuer l’exotisme, de ne pas en faire un film où les gens seraient dépaysés mais plutôt un film où les gens se sentiraient étrangement chez eux. Cette familiarité-là permettrait de se concentrer plus sur l’intimité des personnages, sur leurs aventures et leur évolution. C’est comme ça que j’ai approché cette adaptation, et c’est ce qui m’a permis, je pense, de me dégager des courants de ce qui a été fait auparavant, au niveau du design et des atmosphères.

L'affiche de "Dune"

En conclusion, êtes-vous soulagé d’y être arrivé ?

Denis Villeneuve : Honnêtement, c’est un film qu’on a terminé il y a quelque temps, j’ai pu vivre avec le film, ce n’est pas un film que j’ai terminé il y a 3 semaines, ça fait un temps que j’ai pu digérer l’expérience. C’est mon projet le plus ambitieux, et curieusement, c’est probablement un de mes films les plus personnels. Il y a des moments dans le film, où je sens que j’ai réussi à m’approcher de ces images que j’avais entrevues en lisant le roman à l’adolescence. Et il y a toute une partie de mon identité qui respire enfin à l’écran, et ça, ça crée une joie profonde en moi. Je ne dirais pas que le film est parfait, loin de là, mais je dirais que c’est un film qui m’apporte une joie profonde, voilà, et je suis en paix avec le film.

La séquence JT

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