30 mars 1990, au palais royal de Bruxelles, en plein cœur de la capitale européenne, le roi Baudouin se trouve dans une impasse. Depuis la veille, la Chambre a adopté un texte visant à dépénaliser, sous certaines conditions, l’avortement. La Belgique est le dernier pays, avec l’Irlande, à faire barrage à cette évolution dans le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes. Et pour Baudouin, ce cas de conscience qui se pose pour lui est le plus délicat de son règne. Catholique, fervent pratiquant, il ne voit pas comment il pourrait dissocier sa personne de sa fonction. Il ne tolère pas cette idée que les femmes puissent stopper le processus de la vie. Sa foi est attaquée, l'acte qu'il doit poser est au-dessus de ses forces. Le Roi, qui fêtera dans quelques mois ses 60 ans, se demande si ce n'est pas l'occasion de tirer sa révérence. S’il refuse de contresigner ce texte de loi, il le sait, il ne sera plus roi.
Il souhaite avoir une discussion à ce sujet avec sa femme, Fabiola. Le couple est particulièrement aimé par la population. Mais désapprouver cette décision pourrait le rendre impopulaire auprès du peuple belge. Il serait inédit de ne pas accepter un texte légalement adopté par le seul pouvoir qui compte dans ce cas de figure : le législatif.
Tout se décide lors d'un échange qui a changé la face de toute la Belgique : il lit à haute voie le contenu de sa missive adressée au Premier ministre Wilfried Martens à la reine. Il y signifie sa ferme intention de ne pas promulguer la loi Lallemand-Michielsens qui entend dépénaliser l'IVG. Le roi se justifie : "Serait-ce normal que je sois le seul citoyen belge à être forcé d'agir contre sa conscience dans un domaine essentiel ? La liberté de conscience vaut-elle pour tous sauf pour le Roi ?".
Invitant le gouvernement à trouver une solution, il place son pays au bord de la crise politique et institutionnelle. Le kern en est certain, s'il ne trouve pas de solution, le Roi le plus populaire depuis les débuts de la Belgique mettra son abdication dans la balance. Pendant quelques jours, la classe politique se mobilise pour trouver, dans le plus grand secret, une solution juridique pour légiférer un texte voté démocratiquement du peuple sans risquer l'abdication de son Roi. Plongez au cœur des discussions entre le Palais royal et le kern dans cet épisode de L'Heure H.