Trois patients Covid ont été transférés aujourd’hui d’hôpitaux bruxellois vers d’autres institutions où la situation était moins tendue. Pourtant, les unités de soins intensifs ne sont pas saturées en ce moment en Région bruxelloise. Soixante-sept patients Covid sont à ce jour aux soins intensifs à Bruxelles. Or, il y a 200 lits disponibles. Alors, que se passe-t-il ?
Les lits sont là, mais une partie du personnel est absente pour maladie de longue durée
Frédéric Defays, inspecteur d’hygiène au SPF Santé publique, explique que ces 67 patients représentent 30% de la capacité des soins intensifs en Région de Bruxelles-Capitale. "La Région compte un peu plus de 250 lits de soins intensifs agréés, mais à peu près 200 lits seulement sont ouverts et staffés. Les lits sont là, mais une partie du personnel est absente pour maladie de longue durée."
L’objectif de cette répartition de patients est donc de faire face à cette situation spécifique et de soulager les équipes. Elle se fait surtout sentir dans la Région bruxelloise, notamment à cause du faible taux de vaccination. La toute grande majorité des patients hospitalisés sont des non vaccinés.
"Il y a une tension sur la capacité des hôpitaux, due aux vacances et à une absence de longue durée, à cause des burn-out etc." explique Frédéric Defays.
Une situation prévisible et plus large
Pour Alda Dalla Valle, vice-présidente de la Fédération nationale des Infirmières de Belgique (FNIB), "cette situation est plus fortement marquée pour le moment dans la Région bruxelloise, mais c’est une réalité dans les autres régions de Belgique. Elle se marque par le manque de personnel qualifié au chevet du patient".
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Où est donc ce personnel ? "Il y a du personnel qualifié", ajoute Alda Dalla Vallee, "mais qui a quitté les soins de santé, qui est allé faire autre chose. C’est quelque chose d’annoncé depuis plus de 15 ans par les associations professionnelles dont la FNIB. On voyait qu’il y avait une diminution il y a 15 ans, 20 ans, de tout ce personnel qualifié. C’était connu. Ça s’est accentué avec cette crise, cette pandémie, parce que les gens sont fatigués."
Quelles sont les raisons de cette pénurie ? La professionnelle de la santé pointe d’abord le manque d’attractivité. "Il n’y a pas de facilités de rétention de cette main-d’œuvre dans les conditions actuelles qui sont données aux professionnels de la santé. Les rémunérations ne sont pas suffisantes. La conciliation vie professionnelle – vie familiale est très difficile. Et c’est accentué par le manque de personnel, c’est un cercle vicieux. Vous êtes déjà peu nombreux, vous avez des personnes qui sont malades et des certificats qui tombent, et vous devez accélérer vos heures de travail et les enchaîner, vous avez moins d’heures de repos et moins de jours de compensation de repos et donc, les choses s’enchaînent, les gens sont fatigués et s’en vont."
Le Covid-19 augmente le risque de burn-out en soins intensifs
Des chercheurs (Sarah Butera, Pierre Smith et Arnaud Bruyneel) ont réalisé une étude en Belgique pour examiner la prévalence du risque de burn-out parmi les infirmières travaillant en unité de soins intensifs, et celles travaillant dans les services d’urgence, avant et après la pandémie de Covid-19. Elle sera publiée sous peu dans le Journal of Emergency nursing.
Le personnel a répondu à des questionnaires en ligne, juste avant la pandémie (422 personnes, en janvier 2020) et durant le pic de la première vague (1616 personnes, en avril 2020). Résultat : dans les services d’urgence, le risque de burn-out était plus élevé que dans les soins intensifs, mais la pandémie ne l’avait pas augmenté de façon significative (69,8% avant, contre 70,7% après). En revanche, les infirmières de soins intensifs ont vu leur risque de burn-out considérablement accru avec la première vague (de 51,2% à 66,7%).
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En raison de la pandémie, les changements dans la charge de travail et le manque d’équipements de protection ont été associés à une augmentation du risque de burn-out. L’expérience vécue des infirmiers et infirmières des équipes de soins intensifs et de services d’urgence a été différente. L’impact sur le personnel infirmier en soins intensifs a été plus important. Les auteurs recommandent donc de mettre en place des interventions pour éviter ces burn-out.
Le coronavirus est donc, faut-il le rappeler, révélateur d’un problème de fond, irrésolu à ce jour : la charge de travail du métier infirmier, et le manque d’attractivité de la profession. Il n’est pas trop tard pour s’y attaquer à long terme.