Chaque semaine, Derrière les chiffres décrypte les informations sur la pandémie. Plus d’un an et demi après son déclenchement, où en est-on en matière de traitements ? Combien sont-ils reconnus comme efficaces par la communauté scientifique en Belgique ? C’est la question du jour, à laquelle nous répondons avec l’infectiologue Nicolas Dauby (CHU Saint-Pierre) et chercheur FNRS.
Pour éviter l’hospitalisation
Parlons d’abord des traitements qui doivent permettre d’éviter les complications, aux personnes infectées qui présentent des risques.
1. Les anticorps monoclonaux (GSK, Regeneron, AstraZeneca…)
Grâce aux essais cliniques utilisant des anticorps monoclonaux qui vont diminuer rapidement la charge virale, on a maintenant la preuve qu’une telle diminution précoce va permettre d’éviter les complications sévères liées à l’infection et causées par une réaction inflammatoire exubérante. Les anticorps monoclonaux sont des anticorps fabriqués par des cellules en culture pour traiter des maladies spécifiques. On les appelle "monoclonaux" car ils sont issus d’une seule souche de lymphocyte B, cellule clé de notre réponse immunitaire, à l’origine de la production des anticorps.
En cocktail ou "on the rocks"
Ces anticorps monoclonaux peuvent se présenter sous la forme de cocktail : il s’agit de deux combinaisons d’anticorps qui vont viser des sites différents au niveau de la protéine Spike du virus, ou sous la forme d’une seule molécule avec une activité extrêmement puissante (comme l’anticorps monoclonal de la firme pharmaceutique GSK).
Le cocktail d’anticorps actuellement disponible en Belgique suite à un achat groupé au niveau européen est le cocktail de Regeneron. L’administration précoce de ce traitement chez des patients à haut risque de progression leur permettra d’éviter la maladie sévère. Ces facteurs de risque étant par exemple, le diabète, l’obésité, ou un âge avancé.
Cet anticorps monoclonal va permettre de diminuer le risque d’hospitalisation ou de décès de 70%. Par ailleurs, les patients recevant ce cocktail vont également voir leurs symptômes disparaître plus rapidement.
A l’hôpital en intraveineuse
En Belgique, l’administration de ce cocktail peut uniquement se faire en milieu hospitalier universitaire. L’administration doit être faite par voie intraveineuse, ce qui ce qui limite son application.
Par ailleurs, il doit se faire de manière très précoce dans les cinq jours du diagnostic. Des formes sous-cutanées ont également été étudiées, ce qui faciliterait leur administration par exemple par un médecin généraliste à la maison.
D’autres cocktails ou anticorps monoclonaux sont en cours de révision par l’Agence européenne des médicaments. Le mécanisme d’action est similaire. Il est important de mentionner que pour la majorité de ses cocktails d’anticorps, l’efficacité est préservée contre les variants circulant.
Bientôt à domicile, ou chez le médecin en intramusculaire
AstraZeneca a récemment communiqué que son cocktail d’anticorps à longue durée d’action ciblant également la protéine Spike permettait aussi de réduire le risque d’hospitalisation après diagnostic d’une infection Covid. L’avantage de la formulation de l’AstraZeneca est une administration intramusculaire, donc pouvant être faite au domicile du patient. L’Agence européenne des médicaments (EMA) a annoncé aujourd’hui qu’elle allait examiner les données de la firme.
2. Les antiviraux : l’espoir d’une pilule anti-Covid (Merck)
Le Molnupiravir, molécule initialement développée pour traiter la grippe, a démontré son activité antivirale dans différents modèles animaux ou d’infection et également une diminution rapide de la charge virale chez les patients infectés par le Covid-19 dans une étude de phase 2. Dans une large étude de phase 3, la prise de Molnupiravir précoce permet également de diminuer le risque d’hospitalisation et de décès chez des patients à haut risque de complications (50%).
Le juste prix
Certains traitements, comme les anticorps monoclonaux, coûtent cher, entre 1000 et 2000 euros par traitement. Comment peut-on juger si le prix en vaut le bénéfice ? Ça se calcule comment ?
Afin d’évaluer l’efficacité d’une intervention en santé publique, on utilise un concept qui s’appelle "le nombre de sujets à traiter" (NST). Et il s’agit du nombre de patients que l’on doit traiter pour qu’un seul patient évolue favorablement grâce aux traitements.
Le nombre de sujets à traiter idéal est de 1, c’est-à-dire que pour chaque sujet traité, eh bien tous les sujets vont évoluer favorablement grâce au traitement en question, et non pas parce que la maladie évolue spontanément favorablement.
Dans le traitement de la migraine, par exemple, le nombre de sujets à traiter est compris entre deux et trois, en comparaison au placebo.
En ce qui concerne les anticorps monoclonaux destinés à prévenir les complications liées au Covid, le nombre de sujets à traiter est assez élevé. Selon les anticorps monoclonaux, il est compris entre 30 et 40, c’est-à-dire qu’il faudra hospitaliser brièvement 30 à 40 sujets et leur administrer une perfusion pendant 1 à 2 heures pour éviter une seule hospitalisation.
Les premières données préliminaires concernant le molnupiravir suggèrent un nombre de sujets à traiter plus faible (entre 15 et 20), ce qui est un avantage, étant donné également la prise orale.
Une fois hospitalisé
Malheureusement après 18 mois de pandémie, les options thérapeutiques pour les patients sévères à l’hôpital restent limitées. On a par contre des réponses concernant l’inefficacité de nombreux traitements suite à des essais cliniques larges et internationaux.
Les traitements qui ont démontré leur efficacité et qu’un patient belge va recevoir s’il est hospitalisé sont tout d’abord la dexaméthasone, traitement anti-inflammatoire aspécifique. On donne également des dérivés de l’héparine. On sait que chez certains patients, donner des grandes doses d’héparine à des doses d’anticoagulation va permettre d’améliorer le pronostic.
Un traitement qui a démontré son bénéfice chez les patients sévères, c’est le tocilizumab qui va diminuer les les taux d'une cytokine (ou messager de l'inflammation) l'interleukine 6 (qui joue un rôle majeur dans le processus inflammatoire et le pronostic du Covid-19 sévère).
Ce traitement fait partie des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé depuis l’été 2021. Malheureusement, il est en rupture de stock global et donc également en Belgique. Il est actuellement réservé aux patients non-Covid prenant ce traitement pour d’autres pathologies telles que la polyarthrite rhumatoïde.
Il faut aussi ajouter les "inhibiteurs de JAK", qui sont des médicaments déjà enregistrés pour d’autres pathologies inflammatoires, sont très prometteurs. Ils inhibent l’inflammation de manière large via une enzyme présente dans le corps, appelée Janus Kinase (JAK). Une de ces molécules, le baricitinib est en cours d’évaluation par l’Agence européenne des médicaments dans l’indication du Covid-19 sévère. Elle va diminuer la mortalité lorsque donnée en complément des corticoïdes telles que la dexaméthasone.
Enfin, les anticorps monoclonaux déjà mentionnés plus haut, ont démontré également une efficacité pour diminuer la mortalité chez les patients qui ne produisent pas d’anticorps. L’OMS recommande ce traitement depuis fin septembre mais malheureusement, ce traitement n’est pas enregistré dans cette indication en Belgique ni en Europe d’ailleurs.
Les doigts d’une seule main
Pour répondre à la question de départ, les traitements se comptent actuellement sur les doigts d’une seule main : anticorps monoclonaux, espoir du molnupiravir, dexaméthasone, tocilizumab (en rupture de stock), inhibiteurs de JAK. Cinq traitements dont certains sont encore en révision par l’Agence européenne des médicaments.
Prévenir plutôt que guérir
Il est important de mentionner évidemment que la prévention est toujours moins chère et plus efficace que le traitement. Deux doses de vaccin vont coûter moins de 35 euros, alors que tous ces traitements et une hospitalisation vont coûter des milliers d’euros à la société. Sans compter l’impact sur la sécurité sociale, les pertes de revenus, le Covid long et la surcharge hospitalière.