Coronavirus

Derrière les chiffres : plus d’infections au coronavirus dans les communes plus vaccinées ?

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Par Johanne Montay

Chaque semaine, Derrière les chiffres décrypte les informations chiffrées du moment. Ce vendredi, le nouveau comité de concertation du jour et la quatrième vague nous amènent, en collaboration avec l’épidémiologiste Marius Gilbert (ULB), à revenir sur la notion d’efficacité vaccinale. Pourrait-elle être brouillée par d’autres paramètres ?

Bien sûr, il y a le temps qui passe depuis la vaccination, l’âge du patient et le type de vaccin utilisé. A part cela, est-elle aussi fonction de nos comportements ? Il faut aussi, dit Marius Gilbert, prendre en compte la différence entre taux de contacts des vaccinés et non-vaccinés.

Les différents types d’efficacité vaccinale

Quand on parle d'"efficacité vaccinale", on désigne en réalité plusieurs situations. Celle contre l’infection, celle contre la maladie, celle contre l’hospitalisation ou encore le décès.

C’est l’efficacité vaccinale contre l’infection (le fait d’être porteur du virus) qui diminue le plus vite avec le temps depuis la vaccination ; ensuite, l’efficacité contre l’infection symptomatique (le fait d’être malade). Enfin, l’efficacité vaccinale contre le risque d’hospitalisation.

Les variations de comportements

Les enquêtes dites "CoMix" menées en Belgique par l’Université de Hasselt suivent en temps réel l’évolution de la pandémie de Covid-19 dans les ménages européens. Lancée en mars 2020 en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, cette enquête sonde les ménages sur leurs attitudes et leurs comportements à l’égard du virus et des mesures de protection. Aujourd’hui, 17 pays supplémentaires y collaborent en Europe, avec le soutien du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Ces enquêtes montrent, dit Marius Gilbert, que les non-vaccinés ont en moyenne deux fois moins de contacts infectieux que les vaccinés, sans que l’on sache si c’est le bénéfice du Covid Safe Ticket ou d’une volonté de se protéger.


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L’illustration pendant l’été

Imaginons que nous sommes l’été dernier, à un moment où l’efficacité vaccinale contre l’infection était encore élevée. Partons, dans cet exemple, d’une efficacité contre l’infection de, disons, 75% soit 0,75. Examinons la situation vaccinale dans deux communes distinctes, A et B.

Dans la commune A, on a 8000 vaccinés pour 2000 non-vaccinés.

Dans la commune B, c’est 5000 vaccinés pour 5000 non-vaccinés.

La commune A est donc "la commune la plus vaccinée" des deux.

Comment calculer le nombre de contacts potentiellement infectieux dans la commune A ?

Dans la commune A, le nombre de contacts potentiellement infectieux des vaccinés se calcule :

8000 (vaccinés) x (1-0,75) x 2 (2 fois plus de contacts pour les vaccinés).

Soit 4000 contacts potentiellement infectieux pour les vaccinés.

Pour les non-vaccinés, le nombre de contacts potentiellement infectieux est simplement de 2000 (en l’absence de protection vaccinale).

Au total, 6000 contacts potentiellement infectieux dans cette commune.

Dans la commune B, le nombre de contacts potentiellement infectieux pour les vaccinés se calcule : 5000 (vaccinés) x (1-0,75) x 2 (soit 2500) ; pour les non vaccinés, on reste à 5000, en l’absence de mesure protectrice, ce qui fait un total de 7500 contacts potentiellement infectieux.

Il y avait donc, avec une efficacité comme celle de l’été, plus de contacts infectieux dans la commune la moins vaccinée des deux. Le virus s’y transmettait mieux. C’est ce qui se passait à Bruxelles, comparativement à la Flandre.

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L’illustration aujourd’hui

Le temps a passé, le variant delta est arrivé également. Imaginons la situation où l’efficacité vaccinale n’est plus que de 35% (0,35).

Dans la commune A, le calcul change : 8000 vaccinés x (1-0,35) x 2 + 2000 non-vaccinés = 12.400 contacts potentiellement infectieux.

Dans la commune B, cela grimpe aussi : 5000 vaccinés x (1-0,35) x 2 + 5000 non-vaccinés = 11.500.

On l’a compris, avec une telle efficacité vaccinale, et si les vaccinés ont deux fois plus de contacts en moyenne que les non-vaccinés, il y a moins de contacts infectieux dans la commune la moins vaccinée. La diminution de risque liée à l’efficacité vaccinale n’est plus suffisante pour compenser l’exposition plus importante à laquelle les vaccinés sont confrontés.

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Et l’efficacité contre la maladie ?

Quand on est malade, on se fait tester. Et le risque d’être malade est plus fortement réduit par la vaccination que celui d’être infecté. De fait, ce que l’on observe dans les données sur l’efficacité vaccinale des transmissions ne se retrouve pas pour celle des infections symptomatiques.

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Et pour les hospitalisations ?

Là, c’est encore plus clair : l’efficacité vaccinale contre le risque d’hospitalisation est la plus élevée, ce qui se traduit par des incidences d’hospitalisations nettement plus élevées chez les non-vaccinés.


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En conclusion, les conditions hivernales favorisent la transmission pour tous. La diminution de l’efficacité vaccinale contre l’infection a inversé la relation entre la dynamique de transmission et le pourcentage de vaccination, et cela, dit Marius Gilbert, à cause du différentiel de taux de contact entre vaccinés et non-vaccinés. La vaccination continue à protéger des infections (mais moins qu’avant et plus suffisamment pour contrôler la dynamique de transmission), des infections symptomatiques et surtout des formes sévères.

Que faire ?

Il est possible d’agir de deux manières : diminuer le nombre de contacts potentiellement infectieux pour tous (masques, gestes barrières, ventilation, mesures), et restaurer l’efficacité vaccinale contre le risque d’infection par l’administration d’une troisième dose.

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