Déclic

Des cellules humaines ont été transplantées dans le cerveau de rats

Déclic et des claques

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L’information semble tout droit sortie d’un film de science-fiction. Des rats sont devenus en partie humains après une expérience à l’Université de Stanford… Explications dans Déclic.

Depuis une douzaine d’années, le professeur Sergiu Pasca, neuroscientifique charismatique adepte des conférences Ted, cherche à comprendre comment s’organise le cerveau humain. Il axe ses recherches sur les mécanismes moléculaires qui provoquent des maladies psychiatriques. Il travaille sur la schizophrénie ou l’autisme, notamment.

Dans son laboratoire, Sergiu Pasca et son équipe développent des organoïdes. Des petits amas de cellules cultivées en laboratoire qui reproduisent une sorte de mini-cerveau, à partir cellules souches produites à partir de cellules de peau humaine.

Les chercheurs observent comment les cellules de ces mini-cerveaux organoïdes fonctionnent, comment elles communiquent, elles interagissent entre elles. Le problème c’est que les organoïdes ne fonctionnent pas tout à fait comme le cerveau. Les cellules n’atteignent pas la même taille que les vraies cellules d’un cerveau humain fonctionnel et relié à un corps. Et puis ces cellules ne forment pas les mêmes connexions complexes.

Alors pour contourner ces problèmes, le laboratoire de Sergiu Pasca a tenté quelque chose d’assez fou : transplanter ces fameux organoïdes dans des cerveaux de rats, et même de bébés rats âgés de quelques jours.

La connexion entre des cellules humaines et de rats

A partir de cellules souches, les chercheurs ont formé des couches de cellules qui ressemblent au cortex cérébral. Le cortex cérébral, c’est un tissu qui recouvre les deux hémisphères du cerveau sur quelques millimètres. Chez l’être humain, il permet les fonctions nerveuses élaborées. Il participe par exemple au langage, à la mémoire, à la motricité volontaire.

C’est cet organoïde cortex qui a été transplanté dans le cerveau de rats.

Après 4 mois, des scanners du cerveau ont montré que ces organoïdes avaient grossi. Ils étaient 9 fois plus gros qu’au moment où ils ont été implantés, et prenaient un tiers de l’espace d’un hémisphère du cerveau du rat. Les cellules étaient beaucoup plus grosses que dans les organoïdes de laboratoire.

Mais surtout, les cellules humaines avaient visiblement créé des connexions avec les cellules de rat.
Un des systèmes cellulaires a été – littéralement – incorporé à l’autre.

C’est ce qu’explique l’étude publiée par l’équipe dans un article qui s’appelle Maturation et intégration de circuits d’organoïdes corticaux humains transplantés. Il a été publié dans la revue Nature.

© Getty Images

Définir ce qui différencie le cerveau humain du cerveau des animaux

Cette expérience soulève néanmoins des questions éthiques profondes. Il y a évidemment les questions morales sur les souffrances animales potentielles, dans le cadre de la recherche. Mais il y a aussi toutes celles qui découlent de cette interrogation : un rat dont un sixième des cellules du cerveau sont des cellules humaines est-il toujours un rat ? Est-il un rat à 100% ? Est-il un peu un être humain ?

C’est la question que pose Jessica Hamzelou, dans la Technology Review du MIT. Elle estime : "Pour les scientifiques derrière l’étude (dont Sergiu Pasca), ces rats ne sont pas humains. Ils servent à mieux percevoir le cerveau humain, et les maladies du cerveau humain. Ce n’est pas un rat augmenté, en quelque sorte. Il n’a pas de comportements humains, par exemple".

Néanmoins, si on regarde plus loin : à partir de quelle proportion de cellules humaines dans le cerveau est-ce que le comportement de l’animal changerait ? À partir de quand, alors, pourrait-on estimer qu’un animal change d’espèce ?

Pour un rat, cela nous semble relativement lointain. Mais pour un singe qui a déjà un cerveau plus proche de l’être humain, un primate humanisé, est-ce un être humain ?

Jessica Hamzelou poursuit : "Il y a un consensus autour de l’idée que ce qui fait l’être humain a quelque chose à voir avec son cerveau. Qui est plus grand, plus complexe que celui des autres animaux. C’est notre cerveau qui nous permet de penser, de ressentir, de rêver, de rationaliser… Est-ce que des rongeurs avec des cellules cérébrales humaines pourraient vivre ça, eux aussi ?"

Toucher au cerveau, de près ou de loin c’est quand même s’attaquer à ce qui fait l’humanité.
Et ce n’est peut-être pas très étonnant que cette expérience ait eu lieu à l’Université de Stanford, dans ce grand bain où le transhumanisme est – pour de nombreux scientifiques et patrons de la tech – une philosophie et un but à atteindre. Transformer le cerveau, le vivant est philosophiquement accepté, voire souhaitable.

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