Monde Moyen-Orient

Des "écoles secrètes" pour filles en Afghanistan : continuer à s’instruire malgré l’interdit taliban

Une écolière arrive pour suivre un cours dans une maison, le 29 novembre à Kaboul.

© Adrien Vautier/Le Pictorium

Mi-août, les talibans s’emparaient de la totalité de l’Afghanistan après vingt ans de guerre contre les États-Unis. Depuis, le groupe islamiste a suspendu l’enseignement secondaire pour les filles du pays. Mais la résistance s’organise et des écoles secrètes ont vu le jour dans des maisons privées.

C’est le nouveau rituel de Yasmine. Chaque après-midi, cette adolescente de 16 ans a rendez-vous dans une petite maison située au bout d’une allée bordée de deux murs en terre cuite. Une quinzaine de jeunes filles sont déjà là, leurs chaussures éparpillées sur le pas de la porte. Dans le salon, elles sont assises à même le sol, face au tableau blanc et à leur enseignante.​​​​

Des jeunes filles suivent un cours dans une école secrète, quelque part à Kaboul le 29 novembre 2021.
Des jeunes filles suivent un cours dans une école secrète, quelque part à Kaboul le 29 novembre 2021. © Adrien Vautier/Le Pictorium

"Chères élèves, aujourd’hui nous allons étudier les multiplications", annonce Maryam, 34 ans, en s’emparant d’un feutre noir. Il y a trois mois, cette scène aurait été tout à fait banale. Mais sous le régime des talibans, c’est un acte de bravoure.

Personne ne devrait avoir peur d’étudier

Depuis le retour au pouvoir du mouvement islamiste, seuls les garçons peuvent étudier dans les écoles secondaires au prétexte que le nouveau gouvernement a besoin de temps pour mettre en place un "environnement sûr" propice à l’éducation des filles. C’était sans compter sur la ténacité de groupes d’adolescentes qui se sont rapidement organisées dans le plus grand secret pour continuer à s’instruire malgré l’interdit.

Maryam donne un cours de mathématique dans le salon de sa maison.

"Chaque personne a de l’ambition, c’est pourquoi nous, les filles, sommes venues ici pour accomplir nos objectifs. Nous n’avons pas peur. Personne ne devrait avoir peur d’étudier", martèle Yasmine d’une petite voix.


►►► A lire aussi : Talibans en Afghanistan : "La démocratie, c’est avec les femmes, pas sans elles"


Pour l’instant, les nouveaux maîtres du pays n’ont pas renoué avec toutes les pratiques misogynes de leur premier régime (1996-2001), durant lequel le port de la burqa était obligatoire et l’enseignement et le travail complètement interdit. Mais le retour des talibans reste une tragédie pour des millions d’Afghanes, en particulier cette jeunesse urbaine et éduquée.

"Pour être honnête, j’ai du mal à me projeter et imaginer un beau futur", déplore Zohra, 18 ans, vêtue d’une veste de costume jaune assortie à son foulard. "Nous avions pourtant beaucoup d’espoirs. Moi-même, je voulais aller à l’université et devenir docteure", raconte-t-elle.

De fausses promesses ?

De gauche droite, Fazila, 35 ans, Maryam, 34 ans, et Zainab, 27 ans, prennent le risque de donner des cours des jeunes filles du secondaire Kaboul.
De gauche droite, Fazila, 35 ans, Maryam, 34 ans, et Zainab, 27 ans, prennent le risque de donner des cours des jeunes filles du secondaire Kaboul. © Adrien Vautier/Le Pictorium

Des institutions secondaires pour filles ont déjà rouvert dans certaines provinces et un responsable taliban a suggéré que les autres pourraient reprendre les cours au printemps. Des promesses qui sonnent creux aux oreilles de Maryam, enseignante depuis 15 ans.

"S’ils voulaient vraiment laisser les filles aller à l’école, ils les auraient gardées ouvertes comme les écoles de garçons. Prolonger le délai de réouverture, cela signifie que les talibans ne sont pas honnêtes avec les femmes et les filles", estime-t-elle.

En attendant, et malgré les risques, Maryam compte garder les portes de sa maison ouvertes à toutes les jeunes filles qui rêvent encore d’un autre Afghanistan.

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