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Des études uniquement en anglais dans les universités flamandes ? Les recteurs face au ministre Ben Weyts

L'oeil sur la Flandre

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Faut-il laisser les universités flamandes donner davantage de cours en anglais ? La question fait débat et provoque un conflit ouvert entre les recteurs du nord du pays et le ministre flamand de l’enseignement, Ben Weyts. Analyse.

En Flandre, les universités et les écoles supérieures ont la possibilité d’offrir des formations en langue étrangère, à condition de proposer une formation équivalente en néerlandais. En l’absence d’une telle formule, les établissements peuvent demander aux autorités de leur accorder une dérogation. Plusieurs établissements de l’enseignement supérieur ont dès lors demandé de pouvoir proposer, dès l’an prochain, certains bacheliers et masters, uniquement en anglais.

Mais début mars, le ministre Ben Weyts a refusé une bonne partie de ces demandes. L’une des raisons avancées : pas moins de 19 formations en master ne seraient dès lors plus du tout disponibles en néerlandais, ce qui, pour le ministre, est tout simplement inenvisageable. L’exemple le plus frappant concerne la formation d’ingénieur civil, un master qui, pour l’ensemble de la Flandre, ne serait plus proposé qu’en anglais.

Des pénuries de travailleurs et un marché de l’emploi porté sur l’international

La proposition de cursus uniquement en anglais à la KUL, à l’UGent et à la VUB, serait notamment liée à la demande sur le marché du travail justifient les recteurs concernés.

Différents secteurs, dont celui du génie civil, connaissent en effet une importante pénurie de personnel. Il faut donc absolument augmenter le nombre de diplômés. Et selon Rik Van de Walle, le recteur de l’Université de Gand, il n’existe pas 1000 solutions pour y parvenir. Soit on baisse le niveau de difficulté des formations, ce qui engendrerait aussi une baisse de leur qualité, une option inenvisageable pour les recteurs. Soit on attire plus d’étudiants internationaux, ce qui n’est possible qu’en proposant suffisamment de cours en anglais.

Cette demande des universités flamandes est soutenue par les associations d’étudiants et par les organisations d’employeurs. Selon ces dernières, cette anglicisation de certaines filières est primordiale dans un contexte international, un contexte où les employeurs exigent de plus en plus souvent des jeunes diplômés de maîtriser les terminologies du secteur dans la langue de Shakespeare.

Une mesure discriminante et une anglicisation de l’enseignement supérieur ?

Le ministre de l’Enseignement flamand reste pourtant opposé à cette demande. Il dit comprendre la volonté des universités de répondre aux demandes des secteurs professionnels et d’attirer plus d’étudiants étrangers.

Mais pour lui, cette évolution ne peut pas se faire au détriment des étudiants flamands et de leur droit de suivre une formation néerlandophone de qualité. Il estime que l’offre académique doit rester démocratique et accessible. Selon le ministre N-VA, la tendance des universités flamandes va par ailleurs à l’encontre de la politique générale menée en Flandre, une politique qui vise à accorder plus d’attention au néerlandais, depuis la maternelle jusqu’à l’université. En tant que nationaliste flamand, Ben Weyts rappelle enfin qu’il a fallu énormément de temps pour que le néerlandais soit accepté en Belgique comme langue d’enseignement à part entière. On ne peut donc pas, à ses yeux, dilapider cet acquis en cédant aussi facilement la place à l’anglais.

Sa crainte est d’aboutir à une anglicisation massive de l’enseignement supérieur telle que la connaissent les Pays-Bas. En 2023, les universités de Maastricht, Twente ou Tilburg donnent encore à peine quelques cours en néerlandais. Tout le reste est donné en anglais.

D’après les recteurs flamands, les Pays-Bas sont cependant loin d’être un exemple à suivre. Ils rappellent que les quotas maximums de cours anglophones imposés par le gouvernement flamand ne sont pas encore atteints. Rik Van de Walle, se veut rassurant : personne ne plaide pour une anglicisation de l’enseignement supérieur au nord du pays. Il souligne cependant que la Flandre est une Région sans matière première, mais bien avec de la matière grise, et que son enseignement supérieur est donc primordial pour sa prospérité. Entre les nombreux experts qui défendent la position des recteurs et les nombreux autres qui dénoncent leur naïveté face aux dangers qui guettent, le débat promet d’être encore long. Des concertations entre les recteurs et le ministre Weyts devraient pouvoir aboutir à un compromis. Mais un compromis dont personne ne risque d’être à 100% satisfait.

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