Tout le monde sait ce que vous avez apporté au Rideau, mais que vous a apporté le Rideau ?
La capacité à gérer plusieurs choses en même temps. Outre la continuité de mon rôle de metteur en scène, il a fallu gérer l’administration, dialoguer avec les pouvoirs publics. Pour diriger un théâtre, il faut articuler plusieurs logiques et compétences et créer du lien entre tous et donc avoir un regard multiple. Je repars "en compagnie" mais je n’ai plus la même vision de "l’institution" théâtre.
Le passage à la gestion modeste d’une compagnie ne va-t-elle pas créer une sorte de vide ? Comment se préparer à cette nouvelle étape ?
La grosse question qui s’est posée à moi en abordant la fin de ce dernier mandat, c’était : de quoi j’ai envie ? Est-ce que j’ambitionne une autre direction ? J’ai posé ma candidature à l’Atelier Jean Vilar, et n’ai pas été retenu. Si je ne l’avais pas posée, j’aurais eu un regret, et le fait de ne pas avoir été choisi me libère. Ce dont j’ai le plus besoin, c’est de me ressourcer alors qu’une direction de théâtre vous prend tout entier. Je vais donc avoir plus de temps à consacrer à mes loisirs culturels (expos, lectures), à mes enfants et à ce que j’appelle la "contemplation". Curieusement, le confinement m’y a ramené. Evidemment, je renonce à une part de pouvoir, mais il est bon, en démocratie, de remettre ses mandats en question, je n’ai pas le goût du pouvoir en soi.
Ce qui m’intéressait comme directeur, c’est de pouvoir permettre à certaines aventures d’exister.
Quand on a le pouvoir, on est très courtisé et sollicité, et ça peut même vous assécher. Ça ne va pas me manquer, ça va au contraire me permettre de respirer.
Le pouvoir a quand même fait de vous une "référence" dans le paysage théâtral.
Je n’ai pas envie de m’accrocher à tout prix. Je pourrais même un jour complètement abandonner le théâtre. Tant que j’ai du désir et que d’autres ont envie de travailler avec moi, je continue. Mais tout le monde n’est pas Claude Régy qui a continué jusqu’au bout.
Vous n’êtes plus directeur, mais comme metteur en scène, je ne vous sens pas fort proche de la retraite !
Plus j’avance en âge, plus je doute de nombreuses choses. On n’est pas plus sûr de soi avec l’âge, au contraire, on doute de plus en plus. Je n’ai plus la même énergie physique, mais j’ai peut-être autre chose, une expérience utile aux autres. J’aime que les générations discutent, se confrontent, se mélangent : j’aime être à cet endroit-là, de passage, de relais.