Belgique

Des images de bodycam au cœur d’un procès à Liège : quelles règles encadrent ces caméras de la police ?

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par J-Fr Noulet, sur base d'un article de Laurent Van de Berg

Des images filmées par une bodycam font partie des éléments à charge de huit policiers liégeois poursuivis pour traitements inhumains, et pour deux d’entre eux, aussi de coups et blessures. Leur procès a débuté ce mercredi 1er février au tribunal correctionnel de Liège.

Les faits jugés remontent à avril 2022. Les policiers pavaient interpellé un homme de 29 ans, atteint d’un léger trouble mental. Une fois au poste, l’individu, certes violent, avait reçu des coups et subi les moqueries des policiers. Toute la scène avait été filmée par la bodycam d’un des agents, allumée par inadvertance.

Ces dernières années, les bodycams ont fait leur apparition dans de nombreuses zones de police. Il s’agit de caméras fixées sur le torse de l’agent et qui doivent objectiver, avec l’image, les faits lors d’interventions parfois sujettes à contestation.

Ces caméras ont aussi pour objectif de protéger tant les policiers que les citoyens. A Liège, les policiers en sont équipés depuis mai 2021.

Un usage réglementé

La législation permet à la police d’utiliser de bodycam pour l’enregistrement d’images dans les conditions déterminées par la loi. L’article 25/3 de la loi sur la fonction de police prévoit que les services de police peuvent utiliser de manière visible des caméras de surveillance intelligentes sur le territoire dans le cadre de leurs fonctions.

La caméra doit être visible pour le citoyen. Elle n’enregistre que si un bouton-poussoir est activé. Le cadre légal est strict : le policier doit signaler lorsqu’il active la vidéo. Le citoyen n’a pas le pouvoir de s’y opposer.

C’est au fonctionnaire de police de décider d’enregistrer ou non en fonction de ce qu’il juge nécessaire. "Par exemple en cas d’agression verbale, de rébellion physique, de possibilité d’escalade de la situation,…",  peut-on lire sur le site de la zone de Police Uccle-Watermael-Boitsfort-Auderghem, dont les policiers sont équipés de bodycams.

Chez les policiers et les syndicats de police, la bodycam a souvent divisé. Pour certains, elle limite ou oriente le point de vue sur une action, car que fait-on de ce qui se déroule en dehors du champ de la caméra, par exemple. Pour d’autres, la bodycam rassure car elle permet d’apporter un éclairage sur une situation en cas d’incident. Elle permet aussi au policier de débriefer sur ce qu’il s’est passé.

Par défaut, les enregistrements sont conservés pendant 30 jours. Cette période peut être prolongée en cas d’enquête en cours ou si l’enregistrement pourrait être utilisé comme preuve. Si un dossier judiciaire est ouvert, l’enregistrement est conservé jusqu’à la fin de la procédure judiciaire.

 

Quelle valeur judiciaire ont ces images ?

Ces images peuvent être saisies par la justice dans le cadre de l’ouverture d’une procédure judiciaire. Pour qu’elles soient exploitables, elles doivent être prises de manière légale.

Toutes les images filmées ne déboucheront pas sur une utilisation en tant que preuve. Elles serviront plutôt d’élément complémentaire en cas de contestation du citoyen ou du policier.

"Madame, Monsieur, vous êtes filmé !": quelles règles encadrent les bodycams de la police ?
"Madame, Monsieur, vous êtes filmé !": quelles règles encadrent les bodycams de la police ? © YORICK JANSENS – BELGA

Des zones d’ombre

Si la loi semble claire, il restera cependant des points à éclaircir. Déjà, en 2020, Maurice Levêque, chef de corps de la police d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, l’une des premières zones de police wallonne à s’équiper de telles caméras s’inquiétait. " Il faut prévenir la personne que nous avons poussé sur REC. Un juge dira-t-il que les images sont inexploitables si le policier n’a pas eu le temps de prévenir la personne avant ? Sur une manifestation, il semble impossible de prévenir chaque personne une à une qu’elle est filmée. La jurisprudence va beaucoup évoluer."

La difficulté de prévenir les personnes filmées reste d’actualité. Il y a, par exemple, "le problème de la prise de vue de personnes comme des mineurs d’âge qui n’auraient donné aucune autorisation", nous a confié Vincent Gilles, responsable du SLFP Police.

Autre zone d’ombre, dénoncée par le syndicat SLFP Police, c’est le fait que le son soit également enregistré. Ce qui, selon le SLFP, serait illégal. La loi Télécommunication, la loi qui encadre l’usage des caméras, revue et corrigée par l’ancien ministre de l’Intérieur Jan Jambon, ne prévoit pas l’enregistrement du son. "Le son, en matière judiciaire, est repris dans une loi dite 'méthodes particulières' et la prise de son, dans le cadre d’une observation, ne peut se faire qu’avec une apostille, donc un juge d’instruction", explique Vincent Gilles. Selon ce dernier, pour qu’une bodycam équipant un policier puisse enregistrer le son, il faudrait un ordre préalable d’un juste d’instruction.

A ce stade, la loi n’a pas été modifiée pour clarifier cette question de l’enregistrement du son par une bodycam.

Certaines zones de police configurent par défaut les bodycams pour qu’elles n’enregistrent pas le son. D’autres zones ne le font pas. "La plupart des zones de police, dans le cadre du marché public qu’elles lancent et du cahier de spécifications techniques stipulent qu’il faut que le manufacturier qui remettrait offre prévoit la coupure du son par défaut", explique Vincent Gilles. Cependant, selon ce dernier, l’image et le son seraient malgré tout stockés dans la mémoire de la caméra, pour des raisons techniques liées au fait que ces caméras enregistrent "30, 60 ou 90 secondes" avant le déclenchement.

Dashcam et Bodycam autorisées chez les policiers (24/05/2018)

Dashcam et Bodycam autorisées chez les policiers

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous